Saccage de sa polyclinique à Kati : L’Etat malien doit voler au secours du Dr Elmehdi

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Le 24 janvier 2012, des soldats sont massacrés à Aguelhok. Le 31 janvier, des femmes et enfants de militaires marchent pour dénoncer l’inertie et le mutisme du gouvernement face à ce qui se passe dans le Nord. Le 1er février, incompréhension et rumeurs aidant, la colère populaire se transforme en vandalisme à Kati. Les populations  saccagent et pillent la pharmacie du camp, la polyclinique Allama et le domicile du Dr Elmehdi. Aucune force de sécurité n’intervient pour stopper la foule.

 

 

 

Personne ne sort du  Prytanée militaire qui se trouve en face. Chacun peut le constater sur la vidéo amateur qui est encore en ligne. On n’y voit que des civils. Jeunes et moins jeunes, ils sortent du bâtiment, les bras chargés de leurs larcins. À 20h30, ATT fait une déclaration à la télévision nationale pour appeler la population au calme, mais c’est trop tard, le Mali est déjà en train de basculer vers la crise sécuritaire et politique.

 

 

 

Fuyant la violence et le danger, le Dr. Elmehdi, sa famille et bien d’autres Maliens à peau claire quittent immédiatement le pays. Ensuite, des milliers d’autres fuiront le Nord pour le Sud ou l’étranger. L’économie du pays sera gravement impactée. Tout tournera au ralenti. Les prix augmenteront, les populations souffriront. Les commerces fermeront. La baisse des activités sera dramatique.

 

Réfugié malien en France depuis le 4 février 2012, le Dr. Elmehdi essaie de se reconstruire, impuissant devant l’interruption brutale et irrémédiable de l’activité de la polyclinique et de la pharmacie, dont il ne reste dorénavant que les murs. Les démarches nécessaires et légales ont été faites pour en informer les autorités et la banque auprès de laquelle la polyclinique avait fait, comme toute entreprise, un emprunt dont les traites avaient toutes été payées jusqu’au 31 janvier 2012.

 

 

En décembre dernier, le Dr. Elmehdi reçoit un courrier de cette banque qui le met en demeure de régler ce qu’elle dit être dû depuis le 1er février. Il explique pour la énième fois que toute activité de la polyclinique a été stoppée, que la polyclinique n’existe plus. Et pourtant, en février, un courrier d’huissier le prévient que la polyclinique est convoquée au tribunal en mars, et que si rien n’est fait pour honorer les traites, les biens immobiliers seront vendus aux enchères en avril. Lorsqu’une banque  accorde un prêt, elle inscrit une hypothèque sur les biens. Pour l’institution, c’est une garantie qui pourra lui permettre de récupérer ce qu’elle a prêté, si le débiteur ne parvient pas à honorer les échéances du crédit. La banque demande alors la saisie des biens et sa mise en vente judiciaire : c’est ce qu’on appelle aussi la vente aux enchères.

 

 

 

C’est exactement la procédure que la banque de feue la polyclinique est en train de faire. Elle agit comme si les traites n’avaient pas été honorées, parce que la polyclinique était mal gérée ou que ses activités n’étaient pas suffisantes. Elle ne reconnaît pas que la cessation d’activités de la polyclinique est due, comme le stipule le droit international, à un «changement fondamental de circonstances». La procédure bancaire qui est aveugle et semble inéluctable ne pourrait être arrêtée que si l’Etat malien reconnaissait officiellement les raisons pour lesquelles la polyclinique n’existe plus.

 

 

Or, l’Etat malien, via ses gouvernements successifs, ne s’est jamais exprimé à ce sujet, malgré les différentes tentatives de contact entreprises par le Dr. Elmehdi. Etre victime d’une violence quelconque est une souffrance majeure, mais ne pas être reconnu comme victime est une seconde violence, peut-être encore plus intense. La polyclinique a été victime du conflit, l’Etat ne l’a pas reconnu, la banque non plus, la mise aux enchères sera le coup de grâce. Le Dr. Elmehdi a toujours refusé de jouer la corde, ô combien sensible du communautarisme, alors que cela aurait été très facile d’en user sur les médias. Il est resté sur sa réserve.

 

 

 

En effet, comme me l’a confié André Bourgeot, un des spécialistes du septentrion malien, «Elmehdi a eu un comportement très digne, loyal face au saccage de sa clinique et de sa pharmacie : il a joué la carte de la légalité et montré sa foi en la justice de son pays». Alors que le compte à rebours a commencé, on espère que l’Etat malien saura montrer la même dignité et loyauté envers un de ses citoyens. Il suffirait que l’Etat, reconnaissant que le Dr. Elmehdi a été victime du conflit, se mette en relation avec la banque pour que la procédure lancée soit interrompue, et que le remboursement du reste des traites soit déclaré nul et non avenu.

 

 

 

À terme, l’Etat malien considèrera peut-être un jour que le dédommagement de toutes les victimes du conflit est une des voies nécessaires vers la réconciliation nationale, comme la Guinée et la Côte d’Ivoire envisagent de le faire.

Françoise WASSERVOGEL

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1 commentaire

  1. suite a cette vente aux acan je pense que la personne humaine n’est plus sacrée et inviolable au Mali comme nous l’inspire la constitution, donc L’État n’a plus l’obligation absolue de respecter ,de protéger et de garantir un plein épanouissement a ses citoyens . Le Docteur n’a pas droit au développement et au plein épanouissement de sa personne ni de sa famille dans ses dimensions matérielles temporelles, intellectuelles et spirituelles, tous simplement ils sont touaregs
    Les katois peuvent en témoigner ,comme moi qu’il na jamais viole les droits d’autrui , ni enfreigné les lois et les bonnes mœurs. seulement son malheur est d’être touaregs
    Oui aujourd’hui je réalise qu’on peut être contraint à l’exil, persécuté en raison de son appartenance ethnique par les citoyens et dirigeants de son propre pays . tous simplement ils sont touaregs synonyme de rebelle !! alors si c’est pour prôné l’injustice et l’irresponsabilité en portant préjudice aux honnêtes citoyens qui ont gagné leurs vie avec fierté et dignité dans le plus grand respect des autres que les autorises sans tenir compte de leurs devoirs et des circonstances qu’ils assistent a cette mascarade judiciaires avec la complicité des mal intentionné , alors je suis plus que rebelle

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