“Sabati 2012” veut-il trimbaler IBK?: La rupture entre les deux alliés est toute proche…

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Moussa Boubacar Bah, Président de Sabati 2012 : « Le Président IBK ne consulte pas et n’écoute pas… tout le monde a été mis en quarantaine »
Moussa Boubacar Bah, Président de Sabati 2012

Ainsi, “Sabati 2012” écuma les mosquées, les “Zawiya” (assemblées éducatives pour les Tariqa), les mouvements associatifs des femmes et jeunes musulmans, mobilisant fortement à travers le territoire national une force électorale que les états-majors politiques étaient loin d’imaginer. “Sabati 2012” mobilisa cette force électorale derrière le candidat Ibrahim Boubacar Kéita, lors de l’élection présidentielle de 2013, avec l’argument qu’il est un musulman croyant et qu’il est le seul prétendant au fauteuil qui soit à la hauteur des défis et des transformations nécessaires dont la société malienne a besoin. Mais depuis quelques mois, la désillution semble s’être emparée des “religieux”.

DE SÉRIEUX MALENTENDUS…

Il a juste fallu quelques 4 à 5 semaines pour que les premiers malentendus montent à la surface. En fait, si “Sabati 2012” estime avoir porté Ibrahim Boubacar Kéïta au pouvoir, celui-ci semble réduire ce mouvement à deux personnes seulement: le Chérif de Nioro et son allié politique Mahmoud Dicko. Et c’est pourquoi depuis qu’IBK a été porté au pouvoir, il n’existe aucun cadre de concertation entre lui et “Sabati 2012“, ni d’engagement écrit, ni de plateforme relative à la gestion du pouvoir. En somme, “Sabati 2012“, par ignorance politique ou pour avoir été manipulé par ses inspirateurs, a roulé naïvement pour l’un des plus retors des hommes politiques maliens.

La formation du tout premier Gouvernement révèla le fossé entre le nouveau président et ses soutiens religieux: les hommes et les femmes qui sont nommés Ministres sont connus des religeux, qui les considèrent comme dépourvus de moralité. Mais ils sont le choix d’IBK, qui assouvissait par ces nominations une vengeance personnelle sur le président déchu Amadou Toumani Touré puisque celui-ci avait eu à “humilier” la plupart de ces “nouveaux” Ministres.

Même le seul Ministre chargé des Affaires Religieuses et Culte n’a pas été proposé par “Sabati 2012“. En revanche ledit Ministre aurait été imposé par le Chérif de Nioro.

A la suite de ces nominations, le président de “Sabati 2012“, un proche de Mahmoud Dicko, dit-on, est monté au créneau et déclara publiquement la désaprobation du mouvement politico-religieux avec les choix faits. Les observateurs sont étonnés par la démarche: pourquoi une désaprobation publique entre des alliés politiques?

DES IMAMS DIFFICILES…

Quelques mois plus tard, le Roi du Maroc est reçu en grande pompe à Bamako. Celui-ci amène de nombreux projets et des financements pour le Mali. Quelques semaines auparavant, le Roi avait octroyé 500 bourses de formations pour les imams maliens. Donc il mériait tous les égards dûs à son rang et même, pourquoi pas, un appel solennel des musulmans maliens à ce qu’il prenne en charge la médiation entre le Gouvernement malien et les groupes rebelles. Une médiation confiée portant quelques semaines plus tôt à l’Algérie, la rivale de tout le temps du Maroc.

Alors, le Protocole de la République prépare un “texte” dans un “bon arabe” que l’imam de la grande mosquée de Bamako devait prononcer dans sa “Qoutba” (sermon religieux), lors de la prière du vendredi à laquelle le Roi a participé durant son séjour à Bamako.

Selon nos informations, ledit “texte” aurait été “inspiré” par le protocole royal marocain et, des jours durant, l’imam de la grande mosquée de Bamako se serait entrainé à lire et à pronocer le “bon arabe”. Malheureusement le jour de la prière, en présence du Roi, l’imam se serait trompé de discours. En portant son grand boubou, il aurait mis dans sa poche un de ses propres anciens “Qoutba” qu’il prononça.

L’“incident” n’a pas cassé les relations entre le Mali et le Maroc, mais il a rendu l’atmosphère bien pourrie entre les deux palais. Faisant apparaître le Président IBK comme un chef faible, incapable d’en imposer à “ses” croyants. Lors du voyage qui’il effectua par après au Maroc, il fut confié à un Prince. Le Roi étant lui-même indisponible.

A cet incident, s’ajouta un autre: le Roi du Maroc est considéré comme le chef des croyants dans son pays. Et c’est là où, à Fèz, se trouvent les mausolées de nombreux saints de la Tariqa tijaniya, dont celui de Ahmad Tijane lui-même. Les adeptes de la Tajaniya au Mali se sont donc retrouvés au premier rang dans l’accueil et le séjour réservé au Roi. Mieux, ceux-ci ont vite espéré, compte tenu de la nouvelle influence du Roi au Mali, que le contrôle du Haut Conseil Islamique allait tomber entre leurs mains. IBK avait-il pris un engagement dans ce sens? Un leader religieux l’affirme.

Malheureusement le congrès de renouvellement qui suivit, dans une atmosphère de presque affrontements entre les partisans du président-candidat Mahmoud Dicko, allié d’IBK, et le Cheick Thierno Hady Thiam (soutenu par Chérif Ousmane Madani Haïdara), a vu la reconduction du président sortant. Le Cheick Thierno Hady Thiam et ses partisans menacèrent de quitter le Haut Conseil Islamique et de créer leur propre organe.

Ils furent reçus à Koulouba par des collaborateurs directs du Président. Et toute une matinée durant, lesdits collaborateurs s’employèrent à les convaincre de ne pas casser l’unité de la communauté islamique. L’argument qui aurait finalement convaincu le Cheick Thierno Hady Thiam et ses partisans fut celui que c’est l’imam Mahmoud Dicko qui aurait “menti” au président et l’aurait ainsi induit en erreur. L’empêchant de soutenir le Cheick Thierno Hady Thiam et ses partisans.

Ces différents incidents ont fini par convaincre le président IBK que le soutien apporté par les “religieux” est explosif. Aussi prit-il la précaution de mettre des distances entre lui et les marabouts. Ce qui n’a pas arrangé les choses.

L’AFFAIRE DE L’AVION PRÉSIDENTIEL ET DES CONTRATS MILITAIRES….

En choisissant de ne pas gérer les religieux comme des partenaires politiques dans la gouvernance du pays, le Président IBK a creusé davantage le fossé entre lui et “Sabati 2012“. Certes Mahmoud Dicko reste l’homme par qui passe la sympathie religieuse et les contacts officieux, mais les nombreux cadres, hommes d’affaires, hommes et de femmes qui ont adhéré à “Sabati 2012” et qui espéraient une participation a la gouvernance sont laissés sur le quai. Leur engagement n’est pas encore recompensée. Il y eut la formaton d’un deuxème Gouvernement avec l’arrivée de Moussa Mara comme Premier ministre, puis un troisième Gouvernement avec comme Premier ministre, Modibo Kéïta, malgré tout “Sabati” n’est pas consulté. Ses cadres s’impatientent.

Pour changer cette donne, l’idée effleure “Sabati 2012” de se transformer en parti politique, afin d’ntégrer la mouvance présidentielle. Mais là n’est là n’est pas le problème… Le problème est dans l’absence de cadre formel et de concertations entre le président IBK et la force électorale qui l’a porté au pouvoir. L’affaire de l’avion présidentiel et des contrats militaires a démontré cela.

En effet, lorsque cette affaire a éclaté, “Sabati 2012” s’est senti humilié. Il s’est gardé d’apporter son soutien au président qui réclamait être en bon droit de payer un avion de commandement. “Sabati 2012” a déclaré publiquement que cela pouvait attendre. Le mouvement a également dénoncé, publiquement, les surfacturations révélées dans l’affaire des contrats militaires.

Arriva l’affaire de “Charlie Hebdo”, cet hebdomadaire français qui s’est fait connaitre par sa passion de caricaturer le Prophète de l’Islam (Paix et Salut sur lui). IBK monte à Paris, défile pour la liberté de presse et la lutte contre le terrorisme. Mais très vite la confusion s’installe: le voisin d’IBK dans la procession est Netanyahu, le Premier ministre israélien, accusé d’être un bourreau des “frères musulmans” palestiniens; aussi, le lendemain de la marche, “Charlie Hebdo” défie t-il les musulmans et publie une nouvelle caricature du Messager de dieu (Paix et Salut sur lui). A Bamako, comme dans d’autres capitales musulmanes, les religieux se mobilisent et désavouent les propos tenus par IBK à Paris.

L’imam Dicko, l’allié politique d’IBK, ne put se soustraire de la protestation. Il déclare publiquement que l’on ne peut pas être avec le Prophète Mouhamad et être avec ceux-là qui le vilipendent. “Sabati” monte encore une fois au créneau et dénonce et les démarches d’IBK et les propos qu’il tient. Pis, le président de “Sabati” déclare que le fait que le président ait défilé bras desssus-dessous avec Netanyahu est inadmissible et intolérable.

LE CODE DE LA FAMILLE: LA GOUTTE D’EAU…

Aujourdhui, le divorce est presque total entre IBK et la force électorae religieuse qui l’a porté au pouvoir. Le dernier congrès tenu par “Sabati 2012“, le week-end dernier, en a donné les signes annonciateurs. S’abstenant d’évoquer le dessous de leur “colère” contre le président, puisque n’étant pas associés à la gouvernance pour laquelle ils ont mouillé le maillot et puisque ne bénéficiant nullement des rétombées politiques qu’ils sont en droit de s’attendre, les religieux ont choisi de dire que le memorandum sur lequel IBK s’est engagé pendant la campagne électorale n’est pas appliqué. Que le président a “trébché”, qu’il doit “se montrer à la hauteur de la mission”.

En coulisses, les mots sont durs: “IBK a trahi ses engagements”, disent de nombreux religieux.

Pour lui faire payer cette trahison, les religieux ont décidé de l’attendre au tournant du vote d’un projet de loi sur la parité entre hommes et femmes dans l’attribution des postes administratifs et électoraux. Le projet fâche les religieux, qui y voient un mépris pour l’équilibre séculaire de la société malienne. Moussa Boubacar Ba, le président de “Sabati 2012“, fulmine: “si cette loi passe à lAssemblée Nationale, l’histoire nous dira ce qui adviendra”. On n’est plus dans l’expression de mécontentement, on est dans la colère. Dans la mise en garde publique au Président de la République. Et pour cause. Le divorce entre IBK et la force électorale religieuse qui l’a porté au pouvoir est toute proche….

Baba SANGARÉ

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2 COMMENTAIRES

  1. Cet article résume bien le deal passé entre IBK et les religieux. Inacceptable pour un PR qui voulait recréer une nouvelle gouvernance. En réalité il ya une méprise totale entre IBK et ces religieux.IBK croyait pouvoir rouler ces religieux dans la farine, se servir d’eux, accéder au pouvoir qu’il a cherché par tous les moyens et ensuite faire ce qu’il veut de son pouvoir! On connait la suite:
    – IBK installe sa famille au pouvoir
    -IBK qui oublie de lutter contre la corruption: au contraire la corruption est érigée en système de gouvernance
    -absence de solution de sortie de crise au Nord, au Sud
    -jeunesse oubliée

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