Hier matin, place de Sélingué, un petit marché à poisson non loin de l’imposant siège de la BCEAO. Depuis qu’elle a installé son étal, Fatoumata Camara, poissonnière, ne raccroche son portable que pour répondre à un autre appel. Des clients qui lui font confiance depuis 20 ans appellent pour s’enquérir de la véracité de la rumeur sur la vente de poissons contaminés sur le marché. La rumeur soutient que suite aux pluies diluviennes du 16 mai dernier qui ont fait 15 morts, des poissons inanimés, auraient été ramassés sur les berges des cours d’eau et mis en vente sur les marchés de la capitale. Cette rumeur alimentée et amplifiée par les réseaux sociaux a un impact négatif sur le commerce du poisson. A la place de Sélingué hier, ce n’était pas la grande affluence de clients.
A la direction nationale de l’assainissement et du contrôle des pollutions et nuisances, on se garde de jouer aux alarmistes tout en recommandant « un principe de précaution », en attendant les résultats d’une mission en cours qui sillonne les berges des cours d’eau. Le directeur national de l’assainissement et du contrôle des pollutions et nuisances, Amadou Camara émet une hypothèse. « Une chose est claire, il y a des poissons qui ne supportent pas l’eau trouble, les poissons d’eau douce par exemple comme la carpe. Dès que l’eau devient boueuse, ils s’étouffent et n’arrivent plus à respirer. Quand ils sont pris dans un grand tourbillon, il y en a qui s’évanouissent et essayent d’aller vers les rivages pour trouver refuge. Entre-temps, il y a une grande partie qui meurent.
C’est quand même un phénomène qui se fait de façon récurrente après des pluies diluviennes comme celles qu’on a enregistrées », détaille le spécialiste qui exhorte les Maliens à ne ramasser aucun poisson mort en attendant le résultat de la mission en cours. Il déplore le fait que ses équipes ont constaté que des gens avaient ramassé des poissons morts. En ce qui concerne la contamination du fleuve par des substances nocives, Amadou Camara explique que « de façon courante, il arrive que même sans les grandes pluies, l’eau charrie des produits toxiques des zones d’orpaillage qui contaminent le fleuve et les poissons meurent. Après une forte pluie ce qu’on fait, on attend 48 heures pour faire des prélèvements ». Selon lui, il n’y a rien d’inquiétant, rassure Camara, car si c’était le cas, on aurait vu des cadavres d’animaux, comme les crapauds et même les vaches qui sont une preuve irréfutable de la contamination. Le directeur national de l’assainissement et du contrôle des pollutions et nuisances confie qu’un bras du Sankarani à Yanfolila fait l’objet d’une attention particulière. « C’est une zone très sensible. J’ai demandé à la direction régionale de Sikasso d’aller faire des investigations afin de rendre compte », nous a-t-il révélé.
Le ministère de l’Élevage et de la Pêche a confirmé hier dans un communiqué que la grande pluie a provoqué une forte mortalité de poissons au niveau du village de Baguineda. Le ministère ajoute qu’une mission conjointe composée de la direction nationale de la pêche et de la direction nationale des services vétérinaires s’est rendue sur les lieux le samedi dernier pour mener des investigations et situer les causes de cette forte mortalité de poissons. L’équipe a échangé avec les pêcheurs et effectué des prélèvements. « Selon les pêcheurs, ce type de pollution est habituel en début d’hivernage après chaque grande pluie. Cependant, la forte mortalité de poissons observée cette année serait probablement due à l’effet conjugué de la baisse du niveau des eaux, la quantité importante des déchets drainés par la pluie, impactant une forte turbidité de l’eau qui a provoqué l’asphyxie des espèces de poissons très sensibles au manque d’oxygène », explique le ministère de l’Élevage et de la Pêche qui rassure la population qu’il s’agit d’un « cas mineur circonscrit et passager et qu’il n’y a pas de risque de drame écologique ». Par principe de précaution, le ministère déconseille la consommation et la commercialisation de ces poissons avant les résultats des analyses d’échantillons envoyés aux laboratoires.
Khalifa DIAKITE