Dans le souci d’adapter notre Constitution au contexte actuel du pays, le Gouvernement a soumis à l’appréciation de la Commission Loi de l’AN la révision du texte fondamental du 25 février 1992. Mais ledit projet, depuis son adoption le 3 juin dernier à une large majorité de 111 voix n’a eu de cesse de susciter de vives polémiques entre Maliens à travers le pays. Chacun y est allé de ses commentaires et dans l’attente de la présentation de la loi référendaire au vote populaire, on aura assisté à une forte résistance à travers des marches, des meetings et des conférences de presse et même des campagnes de proximité pour arracher l’adhésion des indécis. Mais question : les vraies motivations de cette résistance ont- elles été dévoilées ?
La question est d’autant moins superflue que depuis le début de cette bataille, les leaders défilent sous les yeux des populations soit pour soutenir ou dénoncer ce que le président de la République présente comme un passage obligé pour le Mali. Mais quasiment personne – même les détracteurs du projet – ne parlent de ce qui semble une discrimination politique. Il s’agit de vouloir imposer ses choix de manière constitutionnelle contrairement au fondement de la démocratie : choisir librement ses candidats de façon souveraine.
Comme pour restreindre le champ des prétendants dès le premier round de la présidentielle de 2018, la nouvelle constitution prévoit par exemple que «les candidats aux fonctions de président de la République doivent être exclusivement de nationalité malienne d’origine», au motif d’«éviter que des citoyens naturalisés ou binationaux n’accèdent à la magistrature suprême».
Pour des raisons diverses, plusieurs pays interdisent à un citoyen qui n’était pas détenteur de leur nationalité à sa naissance d’exercer certains mandats politiques, notamment les États-Unis et l’Algérie. Dans le cas actuel du Mali, il n’y rien qui préconise une telle démarche que seulement de barrer la route à ceux qu’on appelle les binationaux.
Instaurée dans le monde en 1295, lors de la lutte française contre les Anglais, la double nationalité, appelée bi-nationalité, est aujourd’hui un sujet particulièrement sensible dont la mise en cause est considérée comme politiquement incorrecte, au point d’être marqué du sceau de l’extrémisme.
Pour des raisons que seuls eux-mêmes pourront expliquer, la plupart de nos hauts cadres et leurs enfants ont une double nationalité «américaine ou française ». Si pour les pères s’est à la suite d’une demande de nationalité, pour leur enfant c’est par naissance. Pour cause, c’est dans ces pays occidentaux que leurs femmes accouchent.
En claire, la validation de cette constitution annonce la fin de rêve pour beaucoup d’entre eux et leurs enfants.
A moins qu’ils ne renoncent de façon officielle à l’autre nationalité, puis qu’il est clair qu’on ne peut pas servir deux maitres à la fois. Et la majorité des leaders politiques maliens et leurs familles, ont une double nationalité : français ou américain.
Malheureusement les victimes ne pourront jamais soulever cette question sans autant motiver le pourquoi ils sont frappés par la théorie de la double nationalité.
Elle serait synonyme chez certains d’une “moitié nationalité malienne” et une forme de traitrise pour les plus extrémistes. Et désormais même le cultivateur s’intéresse à la constitution et sa révision.
On peut dire qu’ils sont pris au filet et ne savent trop quoi faire, à part d’entraîner dans leur combat personnel une population vivant sous le faix d’une pauvreté endémique.
Comment comprendre autrement que la présence de l’homosexualité ne soit jamais mentionné dans les amendements formulés de part et d’autres ?
Pour rappel, un citoyen binational détient deux passeports, ce qui peut faciliter le passage de frontières ou l’obtention de visas. Il peut parfois voter lors des élections nationales des deux pays (si l’un des pays n’exige pas que les électeurs soient résidents permanents).
Ceci explique que la binationalité apparaisse parfois comme un privilège par rapport aux mono nationaux et comme une atteinte au principe d’égalité des droits. Et souvent, le binational doit respecter ses obligations dans chaque pays. Par exemple, en Belgique, le vote est obligatoire et le citoyen américain résidant à l’étranger continue à payer des impôts aux États-Unis.
Amidou Keita