Révision constitutionnelle : limitation du mandat présidentiel : Entre mensonge et propagande !

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Depuis l’annonce de la révision constitutionnelle, l’opinion publique n’a cessé d’être intoxiquée par la propagande officielle du gouvernement consistant à lui vendre la production avariée de son tripatouillage constitutionnel sous le label qu’il « n’entend modifier ni le nombre ni la durée du mandat du Président de la République ».

Cette propagande a été montée de toute pièce comme si, mis à part la question du nombre et de la durée du mandat du Président de la République, la Constitution du 25 février 1992 pouvait sans coup férir, subir toutes les tortures juridiques possibles. Erreur monumentale d’appréciation !

La conscience démocratique malienne attachée aux idéaux de mars 91, qui demeure encore à l’abris de l’argent sale, de la corruption politique et des postures opportunistes qui font actuellement tant de ravages dans notre pays, administre depuis, la preuve que la soi-disant « préservation » de la limitation de la durée et du nombre de mandat du Président de la République n’a eu sur elle, aucun effet anesthésiant de nature à la rendre insensible aux manipulations inacceptables de la révision constitutionnelle en cours. D’ailleurs, au vu de ce que tout observateur lucide a pu enregistrer depuis que cette opération de tripatouillage a démarré, cousue de mensonges parfois grossiers, de manipulations éhontées de concepts juridiques élémentaires auxquels on fait tordre le cou, de connivences grossières entre la Cour constitutionnelle et le pouvoir en place, il serait pour le moins irréaliste de croire que le nombre et la durée du mandat du Président de la République sont désormais sécurisés. Il faut être assez naïf pour penser un seul instant que, parce que « la procédure de révision par le Congrès ne peut être mise en œuvre lorsque le projet ou la proposition de révision porte sur la durée ou le nombre de mandats du Président de la République… », ces dispositions constitutionnelles sont ainsi mises à l’abri de manipulations éventuelles. En vérité, il n’en est rien ! Dans le fond, la loi constitutionnelle a délibérément opté pour un système de protection factice et illusoire de la limitation de la durée et du nombre de mandat présidentiel, aux dépens d’un véritable dispositif juridique de verrouillage qui annihilerait toute velléité éventuelle d’un Président autocrate qui cèderait à la tentation de s’éterniser au pouvoir.

 

La loi constitutionnelle ne protège que de manière factice la limitation de la durée et du nombre de mandat présidentiel

Le Constituant de 1992 avait clairement perçu l’importance de la problématique fondamentale de l’alternance dans un régime politique se voulant démocratique, mais animé parfois par des acteurs politiques aux velléités rétrogrades et à l’inclinaison autoritariste voire monarchiste.

. C’est sans doute et à juste titre pour cette raison qu’il avait posé le principe constitutionnel de la limitation du nombre de mandat présidentiel en disposant à l’alinéa 2 de l’article 30 que le Président de la République « n’est rééligible qu’une seule fois ». A travers cet article, la Constitution de 1992 interdit de la manière la claire à tout Président de la République d’exercer plus de deux mandats.

Avec son acception minimaliste de la notion de limitation de mandat, la révision constitutionnelle actuelle prétend avoir renforcé l’alinéa 2 de l’article 30 de la Constitution de 1992 en la reformulant de la manière suivante : « Nul ne peut exercer plus de deux mandats ».

En réalité, cette reformulation qui n’a rien de novateur, date de la loi constitutionnelle du Président Alpha qui ne l’avait proposé qu’en tant que monnaie d’échange à son refus de verrouillage réel de la limitation du nombre de mandat présidentiel. De surcroît, elle n’enlève ni n’ajoute rien à la formulation originale de 1992 d’autant que la rééligibilité se définit comme l’aptitude d’une personne déjà élu à une fonction à se faire élire une nouvelle fois. La Constitution de 1992 réduit cette rééligibilité à une seule fois. Que veut-on de plus ? La nouvelle formulation de l’alinéa 2 de l’article 30 introduite par la loi constitutionnelle pour soi-disant renforcer la limitation de nombre de mandat présidentiel est complètement ridicule et surtout totalement superfétatoire ! On fera remarquer que la loi constitutionnelle du Président ATT s’est gardée de tomber dans ce tripatouillage inutile. En somme, la reformulation apportée à l’alinéa 2 de l’article 30 de la Constitution de 1992 ne renforce nullement la limitation du nombre de mandat présidentiel.

De la même manière, la protection factice de la limitation de la durée et du nombre de mandat présidentiel ressort du dernier alinéa de l’article 143 de la loi constitutionnelle qui, plutôt que de verrouiller ces limitations, tend au contraire, de manière implicite, à inciter à faire sauter ces verrous pour éventuellement plonger le pays dans un régime constitutionnel de mandat présidentiel infini empêchant toute possibilité d’alternance politique.

Le dernier alinéa de l’article 143 est ainsi libellé : « La procédure de révision par le Congrès ne peut être mise en œuvre lorsque le projet ou la proposition de révision porte sur la durée ou le nombre de mandats du Président de la République, des députés et des sénateurs ou bien sur la modification du présent alinéa ». On tente à travers cet alinéa, d’embobiner les Maliens dans l’illusion que la durée, le nombre de mandats du Président de la République, des députés et des sénateurs, ainsi que la modification de cet alinéa, sont protégés par le simple fait qu’on ne pourrait les modifier que par la voie référendaire. Or, comme on peut le constater tous avec l’expérience en cours, le régime actuel n’hésite pas souvent à fouler au pied les principes démocratiques élémentaires dans le seul but d’assouvir ses desseins politiques. Les référendums ayant une tendance naturelle à se transformer en plébiscite, il est toujours risqué de s’en remettre à des consultations électorales dans un contexte politique comme le nôtre où la gouvernance navigue à vue dans la corruption généralisée et le clientélisme politique qui ne permettent quasiment aucune expression authentiquement libre du peuple souverain. Autant dire que la voie référendaire de modification constitutionnelle indiquée par le dernier alinéa de l’article 143 sera quasiment d’une facilité d’adoption au moins équivalente à celle de la voie parlementaire du fameux Congrès.

En vérité, le tripatouillage du dernier alinéa de l’article 143 n’est que le résultat du choix délibéré de la loi constitutionnelle d’occulter les vraies problématiques de l’article 118 de la Constitution qu’elle pousse sous le tapis. Et qui paraissent déterminants pour la consolidation de notre processus de démocratique.

 

La loi constitutionnelle refuse de verrouiller la limitation de la durée et du nombre de mandat du Président de la République

Au regard de la Constitution de 1992, la seule et unique forme de protection de disposition constitutionnelle demeure la garantie offerte à la laïcité, la forme républicaine et le multipartisme qui, aux termes du dernier alinéa de l’article 118 reproduit par la loi constitutionnelle, « ne peuvent faire l’objet de révision ».

Qu’en est-il du verrouillage par exemple de la limitation de la durée et du nombre de mandat présidentiel en les insérant dans la liste des articles de la Constitution ne pouvant faire l’objet de révision constitutionnelle, au même titre que la laïcité, la forme républicaine de l’Etat et le multipartisme ?

Il faut rappeler à cet égard qu’un tel verrouillage avait déjà été proposé en 2001 par les députés lors des débats parlementaires sur le projet de loi constitutionnelle du Président Alpha Omar KONARE. Au vu des dérives autoritaires et des tentations monarchistes qui caractérisent le régime actuel, il est évident que la question du verrouillage de la durée et du nombre de mandat du Président de la République demeure d’actualité et ne peut en aucun cas être éludée. Nos voisins en sont déjà à un tel verrouillage. Par exemple le Burkina Faso dont la Constitution dispose à l’article 165 qu’« aucun projet ou proposition de révision de la Constitution n’est recevable lorsqu’il remet en cause (…) la clause limitative du nombre de mandat présidentiel » et « la durée du mandat présidentiel ».

Au Sénégal également, le constituant va encore plus loin et plus fort à l’article 103 de la Constitution. Ce pays a notablement élargi le périmètre de la zone d’interdiction de révision de la Constitution du pays qui couvre la forme républicaine de l’Etat, le mode d’élection, la durée et le nombre de mandats consécutifs du Président de la République qui ne peuvent faire l’objet de révision. Le constituant sénégalais a de surcroit soumis ces dispositions constitutionnelles à un verrouillage à double tours, car l’interdiction de révision frappe également l’alinéa qui la pose et qui ne peut donc lui-même faire l’objet de révision. Ces questions pertinentes que soulèvent les dérives du régime actuel qui font planer de sérieuses menaces sur l’alternance politique au Mali, n’auront finalement guère eu d’écho dans la loi constitutionnelle.

Le constituant malien qui manifeste depuis 1992, quelques timides velléités de « verrouillage » de la limitation du nombre de mandat présidentiel, pourrait utilement s’inspirer des expériences sénégalaise et burkinabé.

Comme cela a été bien compris dans ces pays et dans d’autres constitutions africaines, on ne saurait parler de véritable garantie quant à la limitation du nombre de mandat présidentiel tant que la disposition qui la prévoit n’est pas elle-même rangée parmi les dispositions constitutionnelles ne pouvant faire l’objet de révision.  Il nous paraît impératif d’élargir le champ matériel d’interdiction de révision constitutionnelle au moins à la limitation du nombre de mandat présidentiel.

Dr Brahima FOMBA

Chargé de Cours à Université des Sciences

Juridiques et Politiques de Bamako(USJP)

 

 

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3 COMMENTAIRES

  1. Comment le Dr Brahima FOMBA pouvait assister l’Assemblee Nationale dans le tripatouillage de la constitution ? Meme les deputes qui sont elus par le peuple et pour le peuple ont demande des primes pour les heures supplementaires pour massacrer la constitution consensuelle. Ils ont avalise le mauvais travail de Me Kassim TAPO qui face a l’argent n’a pas peur de Dieu a forte raison des hommes. Le projet est vote a l’Assemblee Nationale par la majorite . Ce qui d’ailleurs n’a pas surprenant. Ce sont les memes deputes qui ont innoncente ATT , parce que la gestion de cet autre traitre etait consensuelle. Traduire ATT devant la haute Cour de Justice pouvait avoir des consequences grave dans le pays.

  2. Des gens qui ne cherchent que leurs intérêts personnels veulent vaille que vaille que le scrutin se tient , afin qu’ils récidivent ce qu’ils ont fait sous AOK. Je veux parler de Me Kassim TAPO et ses collaborateurs de la CENI. Quelle honte pour des cadres qui ne veulent que sucer le sang des maliens. Cette fois ci le référendum ne se tiendra pas.

  3. Merci Mille fois Dr FOMBA pour cette contribution de qualite. Mais depuis le debut de cette nouvelle crise qu’IBK a delibrement cree, vous n’avez cesse d’éclairer la lanterne des maliens. Sauf que s’agissant d’un cadavre il faut lui montrer sa tombe. IBK sait bien pourquoi il tient à cette révision de la constitution. Le combat va se poursuivre sur plusieurs fronts pour l’empêcher par tous les moyens légaux sa révision constitutionnelle . Jamais elle ne se fera tant que les préalables ne seront pas accomplis. Ses guerriers ( Me Kassim TAPO et Baber GANO) ont compris que le complot ne passera pas. C’est d’ailleurs pourquoi ils sont absents de tous les débats . Il a fallu que le roi IBK lui meme monte au front, il est present, mais tout ce qu’il organise à propos de cette révision de la constitution n’aboutira que sur le NON, il n’y aura pas de révision sous IBK , parce qu’il est très mal indiqué pour plusieurs raisons, dont quelques unes: il est à la solde de la France. Le projet de révision est importé de la meme France. Si avant son accession au pouvoir la CMA était son vis à vis, aujourd’hui il jure céder une partie du Mali à ces bandits sur injonctions de la France. Depuis son arrivée au pouvoir, l’accord pour la paix dont il prend comme le saint Coran n’a jamais eu un début d’exécution du cote de la CMA. Peut il de nos jours se rendre à Kidal ? Si oui comment ? Si non ! pourquoi veut il livrer une partie du territoire à ces bandits Armés ? Se rappel t-il d’avoir dit de ne jamais discuter le couteau à la gorge ? Si demain le peuple l’autorise à faire son fameux référendum , pourra t-il faire les oprations de vote partout ? Pourquoi en 4 ans Kidal où il a fait sa campagne à l’élection présidentielle , malgré sa franche collaboration avec la CMA, il n’a pas pensé à y faire une simple visite dans cette partie du territoire ? Vraiment qu’IBK est au moins pitié de ce peuple qui lui a donné le pouvoir. Il n’a rien fait , rien du tout, qu’il accepte se retirer tranquillement .

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