Rétrospective : La jeunesse au Mali en 2012

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Séparés dans le gouvernement formé le 25 avril, au lendemain du coup d’Etat du 22 mars 2012, la jeunesse et les sports se sont finalement retrouvés au sein du même Département dans l’équipe formée le 20 août par Dr. Cheick Modibo Diarra. N’empêche qu’on ressent l’impact, pas forcément positif, sur les activités de jeunesse. Ne serait-ce que l’extrême convoitise qui est en train d’anéantir le Conseil national de la jeunesse (CNJ).

Au nombre des faits marquant la vie de la jeunesse malienne courant 2012 figurent notamment l’adoption par le gouvernement du Document de politique cadre de développement de la jeunesse et la tenue du Sommet YES pour l’Entrepreneuriat des jeunes le 21 février au Centre international de conférences de Bamako. Cet événement, qui a mobilisé près de 3 000 personnes, a marqué le lancement officiel des activités de YES Inc (Youth Entrepreneurship and Sustainability) en République du Mali. Il est venu ainsi renforcer les jalons de l’indispensable partenariat public/privé pour la lutte contre le chômage des jeunes par l’approche entrepreneuriale. Depuis, selon M. Kalilou Dama (coordinateur national de YES), un partenariat stratégique a été conclu avec le gouvernement pour la mise en œuvre de programmes et projets visant l’instauration de la culture entrepreneuriale chez les jeunes du Mali (scolarisés, non scolarisés, déscolarisés).

Pour une plus grande opérationnalité, YES Inc a ouvert un bureau-pays à Bamako et prépare activement la mise en place de stratégies adaptées. Le Programme Incubateur d’Entreprises est une action d’envergure nationale qui a pour ambition de favoriser la création, le renforcement et le référencement de 5 000 entreprises à l’horizon 2020.  «Sa mise en œuvre se fait dans une dynamique partenariale public/privé et sera amorcée à Bamako par l’exécution du projet pilote dit Business Incubation Space. C’est ainsi que, au mois de janvier 2013, sera entrepris le Business Club activity. Il s’agit de l’une des activités phares préparatoires du lancement de cette première phase de notre Programme Incubateur d’entreprises pour le Mali», assure M. Dama. Par ailleurs, malgré les contraintes budgétaires, le Département a accentué ses efforts dans la promotion de la santé de la reproduction des adolescents et des jeunes à travers des structures comme le Projet-Jeunes de Sogoninko et la Cellule sectorielle de lutte contre le VIH/Sida. C’est ainsi que, le 8 octobre 2012, le ministre Hamèye Founé Mahalmadane a lancé une campagne d’information et de sensibilisation des jeunes sur le VIH à Mopti.  Initiée par la Cellule sectorielle de lutte contre le VIH/Sida du Département, cette campagne est soutenue par le bureau Unicef de Bamako. Elle s’inscrit dans une dynamique de mise en œuvre et doit permettre de renforcer au quotidien la prévention au sein de la population, particulièrement des jeunes de Mopti.  Ce projet prévoit des services rapprochés de dépistage/conseil du VIH ; l’utilisation des radios de Mopti, Konna, Bandiagara et les 10 radios Voix des jeunes du Département pour la  diffusion des messages et la sensibilisation de proximité par les pairs éducateurs.  Cette ambitieuse initiative a d’ailleurs débuté par la formation de 60 pairs éducateurs, c’est-à-dire des leaders parmi les jeunes venant de tous les sites de déplacés à Mopti. Le ministre Hamèye Founé Mahalmadane est convaincu que «l’importance de l’implication des différents acteurs dans la réponse au VIH n’est plus à démontrer, car elle reste essentielle pour rompre la chaîne de transmission du virus».

Une jeunesse consciente des défis de l’heure

Cette campagne est l’une des recommandations de l’étude réalisée en synergie avec Unicef et qui a abouti à l’élaboration d’un Plan stratégique national de lutte contre le VIH/Sida chez les jeunes sur la période 2010-2014. Les résultats de cette étude ont révélé l’extrême vulnérabilité de certains groupes parmi les jeunes notamment, les professionnelles du sexe, les vendeuses ambulantes ou les saisonniers dont les taux de prévalence se situent au dessus de la moyenne nationale.  «Cette campagne marque l’engagement des autorités maliennes en faveur de la prévention du VIH en milieu jeune. Cela est d’autant nécessaire que, si le VIH  est une menace sérieuse pour l’humanité, elle l’est davantage pour la jeunesse qui y paye le plus lourd tribut au regard des multiples facteurs de vulnérabilité comme le déficit communicationnel, le multi-partenariat sexuel voire le déni du VIH», a souligné le ministre de la Jeunesse et des Sports. Et on sait que pour le gouvernement du Mali, «la lutte contre le VIH est une priorité au regard du contexte national».

La jeunesse malienne est naturellement très attendue sur le front de la reconquête des régions septentrionales du Mali et de la réconciliation. Pour permettre à la jeunesse d’être à l’avant-garde du combat de libération ou de sauvegarde de l’intégrité du territoire national, le ministre de la Jeunesse et des Sports travaille depuis quelques mois à la relance du Service national des jeunes. Mais, déjà consciente des défis actuels et de leurs enjeux, la plate-forme des fédérations et associations nationales de jeunesse du Mali vient de mettre en place un projet dénommé «Demisenw Joyoro», c’est-à-dire, la «place des jeunes». Initiée grâce à l’assistance technique de la Direction nationale de la jeunesse (DNJ), cette campagne sera lancée le 20 janvier 2013. L’objectif visé est la levée de 100 millions FCFA et 100 000 poches de sang à collecter comme contribution à l’effort de guerre de libération du nord-Mali. Elle s’étendra du 20 janvier au 20 avril 2013.  «Chaque contribution est validée par la remise d’un reçu numéroté. Les fonds collectés sont versés dans un compte bancaire ouvert au nom de l’opération Demisenw Joyoro. Les contributions anonymes pourront aussi être perçues directement au niveau de certains points ciblés», assure Sory  I. Traoré, le coordinateur national de l’initiative.  Il faut aussi noter que la première phase du Programme d’Appui à la Jeunesse malienne (PAJM, 2008-2012) est arrivée à terme, le 31 décembre dernier. Axé sur la formation à l’entreprenariat et à la gestion, l’accompagnement et le conseil, et, enfin, l’accès au crédit garanti par un fonds dédié, le PAJM a largement comblé les attentes.

Les acquis du PAJM plaident pour une reconduction du programme

Ainsi, pendant ces quatre ans, 310 demandeurs (52 % des admis à la formation) ont bénéficié d’un prêt. Et par la suite, 13 promoteurs ont bénéficié d’un 2e prêt. Et cela grâce au partenariat avec le Fonds auto renouvelable pour l’emploi (FARE) et la Banque malienne de Solidarité (BMS). Les bénéficiaires interviennent dans presque tous les domaines, notamment le commerce, le maraîchage, l’aviculture, la fabrication de savon, la coiffure, la menuiserie… Le financement de ces projets a nécessité l’investissement de près de 548 millions de FCFA. Ce qui est davantage encourageant, ce que 55 % des projets financés sont des créations d’entreprises, donc des sources potentielles de nouveaux emplois. Le taux de remboursement, 75 %, est aussi un motif de satisfaction pour les coordinateurs de ce projet rattaché au ministère de la Jeunesse et des Sports.

Grâce à la formation dispensée, les jeunes qui n’ont pas eu la chance de bénéficier d’un financement n’ont pas pour autant baisser les bras. «C’est plus souvent le cas pour les hommes lorsqu’il s’agit de développer une activité alors que chez les femmes, cela concerne la création d’une entreprise. Les hommes font alors appel à leurs fonds propres alors que les femmes cherchent un financement auprès de la famille ou d’un autre programme. Toutefois, les candidats sont plus nombreux à poursuivre leur projet en l’absence d’accès au crédit lorsqu’ils ont suivi la formation. Elle a donc un impact significatif sur la confiance donnée aux jeunes talents dans leur capacité d’entreprendre», explique M. Giles Lossois, l’un des deux coordinateurs du PAJM. Les témoignages des bénéficiaires plaident toujours en faveur de l’efficacité de l’initiative et de la transparence dans le choix des bénéficiaires grâce à un comité de crédit. «Depuis que j’ai eu mon crédit, un conseiller en entreprise me suit régulièrement. Il m’a accompagné dans le démarrage de mon activité et il m’a aidé à mettre en place mes outils de gestion. Si je rencontre des difficultés, il est là pour me soutenir et à chaque fois que j’en surmonte une, j’ai l’impression de grandir un peu. Et cela grâce au PAJM», témoignait récemment Seïba Dembélé, gérant d’un studio-vidéo à Sikasso.  Pour Mlle Mina Tandina, propriétaire d’une fabrique de savon à Tombouctou, «après 3 semaines de formation à l’entrepreneuriat, j’avais plus confiance en moi pour m’engager dans la création de mon atelier de fabrique de savon. Je sais maintenant que je suis capable de mener un projet et de prendre des initiatives». Lors de sa visite des services de jeunesse, le 3 janvier dernier, le ministre Hamèye Founé Mahalmadane a brièvement échangé avec le coordinateur sur la poursuite du PAJM.  En attendant, ce programme a permis au Département de faire de l’entreprenariat-jeunes l’un des axes stratégiques du Document cadre de politique de développement de la jeunesse (2012-2016) dont la mise en œuvre se réfère à la démarche méthodologique du PAJM.  Au niveau de la participation aux rencontres internationales, la jeunesse malienne était présente au 3e sommet panafricain des jeunes leaders des Nations Unies pour l’atteinte des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD). C’était à Ouagadougou (Burkina Faso) du 20 au 22 décembre 2012, sur le thème «Contributions et réflexions des jeunes sur le cadre conceptuel  de l’agenda post 2015».

Une pleine implication des jeunes dans la vie de la nation

Recommandons aux Chefs d’Etat et de gouvernement, aux partenaires au développement et au Système des Nations Unies : à la fin du sommet, les jeunes ont souhaité leur pleine participation aux débats de haut niveau sur la question des OMD ainsi qu’un investissement conséquent dans la jeunesse incontournable dans la mise en œuvre des stratégies de développement. Les participants ont aussi recommandé l’appui et le renforcement des capacités d’intervention des réseaux et des organisations des jeunes au niveau-pays qui doivent être les interlocuteurs directs des Etats dans les actions de réalisation des OMD… Après avoir formulé des recommandations, ils se sont engagés à s’investir davantage dans les actions de promotion des OMD et de mobilisation des jeunes ; d’appliquer à eux-mêmes le principe de recevabilité qu’ils exigent des dirigeants africains. Ces jeunes leaders sont également déterminés à s’approprier le cadre conceptuel de l’agenda post 2015 et à participer efficacement aux débats de haut niveau sur les OMD post 2015.

Pour obtenir des résultats probants, les jeunes du Mali jugent nécessaire et opportun que chaque acteur assume ses responsabilités et engagements. Pour ce faire, les participants au sommet de Ouagadougou promettent de jouer pleinement leur rôle et d’assumer leur responsabilité, tout en exhortant les décideurs et les partenaires techniques et financiers au développement de leurs pays à remplir leur part de responsabilité. L’année 2013 constitue donc pour la jeunesse du Mali une année d’espoir, le point de départ d’une nouvelle ère qui, nous l’espérons avec forte conviction, éloignera d’elle cette angoisse d’un lendemain hypothétique infligée par les événements regrettables qui ont secoué le pays en 2012. Aujourd’hui, le Mali est à un tournant décisif de son avenir comme nation. Et de l’efficacité des solutions à la crise actuelle dépendent aussi celle de sa jeunesse. Face donc à la gravité de la situation, il est indispensable que chaque composante des forces vives du pays s’assume dans l’unité et la légalité pour ne pas être une hypothèque aux efforts consentis par les autres. La jeunesse se doit de faire violence sur elle-même afin d’être un modèle d’unité et de tolérance. Que peut servir un CNJ incapable d’assumer ses missions fondamentales à cause de la profonde division de ses animateurs ?

En tout cas, si les jeunes du Mali d’aujourd’hui veulent que l’histoire retienne leur génération comme l’une de celles qui ont contribué à bâtir cette grande nation, ils ont intérêt à oublier leurs différences partisanes et politiciennes pour se donner la main face aux défis. Pour la crise au sein du CNJ, force doit donc restée à la légalité afin que le bureau ait la chance de poursuivre son mandat et poser des actes sur lequel il sera jugé.

Moussa BOLLY

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