Aujourd’hui 08 mars, on est à un mois, jour pour jour, de l’ouverture officielle de la campagne électorale (08 avril). Timides ou timorés, actifs ou modérés, modestes ou ostensibles, les candidats à l’hypothétique élection présidentielle du 29 avril (premier tour) n’ont pas attendu le coup d’envoi pour se lancer dans la course vers Koulouba. A la faveur de meetings, congrès, conférences ou convention, ils ont révélé quelques pans de leurs projets de société ou de leurs programmes de gouvernance. Les clivages entre ces candidats n’étant pas nets dans une classe politique malienne où droite, gauche, centre etc. sont plus que jamais théoriques, les documents présentés se ressemblent tous et s’attaqueront avec les mêmes mots aux mêmes maux vécus depuis des décennies par la société malienne. Avec également une autre constante : ces projets et programmes sont de la pure littérature, c’est-à-dire avec des actions non budgétisées et quantifiées, basées sur des généralités.
Les généralités
Après vingt ans de processus démocratique, la situation générale du Mali n’est guère reluisante. Selon certaines statistiques, le PIB (produit intérieur brut) serait de 3500 milliards de Fcfa alors que le budget national serait estimé à 1000 milliards de Fcfa. La dette publique serait égale à 60% du PIB contre 6% du PIB pour la dette intérieure. Le déficit public serait évalué à 3% du PIB. 265 000 Fcfa par an et par habitant soit moins de 1000 Fcfa par jour et par habitant. Ces chiffres parlent et indiquent que le Mali est un pays très pauvre. De fait, ce pays, qui n’a toujours eu qu’un taux de croissance à un chiffre (4%) et dont 65% du PIB est assuré par l’économie informelle, est régulièrement classé depuis vingt ans parmi les cinq ou six pays les plus pauvres de la planète Terre.
Autant dire que, comme en 1992, 1997, 2002 et 2007, la lutte contre la pauvreté sera le principal cheval de bataille. ATT a gagné à deux reprises en promettant aux Maliens de les sortir de la misère résiduelle en satisfaisant à toutes les requêtes sociales. Le Malien est toujours pauvre et la demande sociale est plus que jamais d’actualité.
Sur le plan de la santé, l’insuffisance d’hygiène et d’assainissement, les carences alimentaires et nutritionnelles, la faiblesse en équipements et infrastructures socio-sanitaires, le difficile accès aux soins de santé, la précarité des enfants et des femmes enceintes, le coût élevé des consultations et de certains médicaments, la mauvaise qualité des prestations de services sanitaires sont autant de maux qui méritent une thérapie de choc.
Au plan de l’éducation, les années scolaires et universitaires incomplètes et tronquées, les débrayages récurrents de la part des élèves, étudiants et enseignants, la démission collective des parents d’élèves, du personnel enseignant, de l’administration, des élèves et étudiants, les effectifs pléthoriques dans les classes et le déficit d’infrastructures entrainent au fil des ans l’école malienne dans les bas-fonds. Au point que le système scolaire ici ne donne plus que des produits impropres à la consommation et que, intégration sous-régionale aidant, le pays est envahi de plus en plus de ressortissants des pays voisins.
La lutte contre la corruption, ce fléau qui fait le plus de mal à l’économie et à la société, sera aussi évoquée lors de la campagne électorale. Le sujet est très prisé par les Maliens qui savent que c’est la volonté politique qui manque le plus pour le combattre efficacement.
D’autres sujets seront également débattus par les candidats qui, tous, promettront de l’emploi, des salaires conséquents, l’accès facile au foncier et à l’habitat, un panier de la ménagère abondamment garni. Bref, avec eux, il y aura à boire et à manger, et le Mali sera le meilleur des mondes.
Aujourd’hui, 08 mars, c’est aussi une journée internationale dédiée à la femme. Une bonne occasion pour les femmes maliennes de se réjouir d’avoir une des leurs à la tête du gouvernement et de grosses structures de l’administration, de compter des ministres et des députés, d’être maire ou préfet. Mais paradoxalement, malgré toutes ces avancées et promotions, la femme malienne n’a pas, cette année, le cœur à la réjouissance. On lui a volé son Code grâce auquel elle aurait pu s’épanouir comme cela se doit dans une société moderne pour lui infliger un texte suranné et barbare digne des lointaines époques de l’Etat de nature.
Aujourd’hui 08 mars, des femmes, celles des villes, parleront au nom d’autres femmes, celles des campagnes. Elles plaideront pour elles, monteront des projets pour elles, demanderont des financements pour elles. Au nom des femmes rurales, les femmes citadines percevront des fonds et en feront ce qu’elles ont le plus envie d’en faire: s’acheter de jolies toilettes, bien se parfumer, rouler dans de grosses cylindrées. En laissant leurs «sœurs» s’enfoncer chaque année dans leur triste sort.
Cheick Tandina
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