La guerre menée contre les jihadistes est juste et justifiée. Et fait le bonheur de toutes les populations du nord. Cependant, très bientôt, elle sera également une aubaine, dans son aspect aide humanitaire.
Des Ong (Organisations non gouvernementales, le Mali en compte des milliers) sont déjà en train de fourbir leurs armes, de rivaliser entre elles pour concocter des projets d’aide d’urgence, des projets de développement. Elles feront très bientôt des requêtes de financement auprès des généreux bailleurs de fonds. Cela était déjà le cas, dans les années quatre-vingt-dix, à la fin de la rébellion concrétisée par la «Flamme de la paix » Au cours de ces années où il fallait rapatrier les exilés et déplacés dans les localités du nord, des centaines de requêtes de financement ont été adressées aux bailleurs de fonds. Beaucoup de projets avaient été financés. A commencer par le Purn (Programme d’urgence pour la réinsertion au nord) exécuté par des Ong internationales comme Acord et Vision mondiale et une dizaine d’Ong nationales.
A ce jour, les rapports de suivi-évaluation de ces programmes n’ont pas été rendus publics. Même si, traditionnellement, les Ong nationales n’aiment pas communiquer, certains en sont venus à douter de la réalité d’un suivi-évaluation. Y’en a-t-il eu ? Et s’il y en a eu, quels ont été les résultats de ces opérations ?
Mais même si des rapports d’évaluation n’ont pas été rendus publics, un petit tour sur le terrain permettra au citoyen lambda de se rendre compte que la réalité du quotidien n’a pas changé fondamentalement. Visiblement, les financements mis à la disposition des Ong et associations par des bailleurs de fonds crédules atteignent rarement les destinataires et les objectifs pourtant clairement affichés dans les projets. Les résultats attendus sont toujours attendus même à la fin du projet. Le même citoyen lambda a ainsi pu se rendre compte que les quatre-vingt-dix pour cent de projets montés dans les régions du nord pour la réinsertion des ex-combattants et la relance du développement ont été un échec. Soit parce que les responsables de ces projets ont surtout pensé à eux-mêmes d’abord, en utilisant les financements à des fins personnelles, soit parce que les services techniques chargés du suivi ont fermé les yeux contre quelques jetons d’absence, soit parce que les partenaires financiers n’ont pas effectué de contrôle ou mal fait l’évaluation. Notamment auprès de tous les bénéficiaires prévus. Mais, pour être indulgent envers eux, il faut reconnaitre que certains chefs de projet sont forts dans l’art de sélectionner quelques villageois, de leur accorder quelques prébendes, et de leur faire dire tout ce que le Blanc veut entendre.
En prélude à la fin de la guerre contre le terrorisme, les mêmes associations et Ong sont en train de tirer sur la sonnette d’alarme. Arguant de tensions qui ne manqueraient pas de naitre entre les différentes communautés du nord. Elles font fi du fait que les habitants du nord ont toujours vécu en parfait accord, qu’ils ont toujours cohabité paisiblement, qu’ils ont toujours eu besoin les uns des autres parce que menant des activités différentes mais complémentaires. Elles agitent le sceptre des exactions et des brimades contre les Arabes et les Touareg tout en sachant que ces brimades et exactions ne sont le fait que de quelques individus qui, à tort ou à raison, croient avoir des motifs de punir des collaborateurs de la rébellion et du terrorisme. Elles font fi également du fait que dans ces petites localités du nord, tout le monde se connait, chacun sait ce que l’autre est susceptible d’avoir fait ou dit.
Mais ces associations et Ong n’en n’ont cure. Elles sont plutôt soucieuses de rééditer ce qu’elles ont déjà réussi dans les années quatre-vingt-dix: abuser de la générosité de l’Occident pour se mettre à l’aise.
Il y a quelques heures à peine, une association dirigée par une élue du nord alarmait publiquement l’opinion publique sur les risques de conflits interethniques et intercommunautaires. Son calcul est de tirer sur la sonnette d’alarme assez vigoureusement pour inciter les amis du Mali à financer des rencontres intercommunautaires de sensibilisation. Le mode d’emploi est assez simple: on fait une requête de financement pour une rencontre, par exemple à Gossi ou à Bourem, où les communautés seraient sur le point de s’étriper. Si l’information est fausse, la tentative d’escroquerie, souvent réussie, elle, est très vraie.
Au moment où le Mali, auquel, un jour ou l’autre, on fera rembourser tout ce que la guerre a nécessité comme dépenses, le temps n’est pas à ces calculs mercantilistes sur fond de désinformation qui pourrait plutôt favoriser les tensions au lieu de les calmer. Ce qu’il faut, c’est se concentrer sur les vrais défis et problèmes.
Cheick Tandina