Elles sont des centaines, voire des milliers à abandonner depuis huit mois nos zones rurales pour la capitale Bamako. Huit mois d’incertitude, d’humiliation, de vol, viol et violence. Aujourd’hui, elles cherchent le chemin du retour.
Les premières pluies sont tombées sur la capitale Bamako depuis quelques semaines. Si pour certains, ces pluies viennent anéantir l’implacable canicule qui s’abattait sur la ville, pour d’autres, c’est l’annonce du retour vers les champs.
Ces derniers ne sont autres que ces jeunes filles, tous âges confondus, qui avaient pris d’assaut la capitale après les dernières pluies de l’année passée afin d’y trouver des emplois temporaires. La seule offre de Bamako, c’est le service de "bonne" pour la bagatelle mensuelle d’une somme oscillant entre les 5 000 et 10 000 FCFA.
Traitées comme des esclaves, ces jeunes filles font l’objet de tous les abus, de toutes les humiliations, de toutes les violences. Après près d’un an vécu stoïquement, aujourd’hui, elles cherchent à retourner à la maison : un autre calvaire.
En effet, le cas de Kadiatou illustre nombre de situation que vivent en ces moments de préparatifs du retour, des centaines de servantes. Agée de 18 ans, la jeune Kadiatou comme nombre de ses paires, a choisi Bamako pour faire fortune après les dernières récoltes dans son village en septembre dernier. La jeune servante n’avait alors que 17 ans. Très vite, elle fut embauchée par une enseignante. Son travail consistait à s’occuper des enfants alors que madame est au service. Elle était tellement belle Kadiatou que les jeunes du quartier n’ont pas perdu leur temps. Trois mois après sa venue à Bamako, la jeune servante était tombée en état de grossesse. Devenue encombrante pour madame l’enseignante, celle-ci renvoya, la pauvre fille. Que va-t-elle devenir ? Kadiatou a sillonné la ville, mais personne ne veut d’une servante enceinte. Doit-elle retourner à la maison ? Non, la jeune fille préfère rester à Bamako car ses parents ne lui pardonneront jamais sa "faute". C’est pourquoi, la pauvre fille qui a déjà utilisé ses économies pour survivre, rôde dans les rues et continue à y vivre grâce à la solidarité de ses camarades. Elle n’ira donc pas cette année au village et trouvera des explications à fournir à ses parents par l’intermédiaire de ses copines qui iront au village. Quant à Nana, cette autre servante, elle n’est âgée que d’à peine 13 ans et depuis 7 mois, celle pour laquelle elle travaille à Lafiabougou ne lui a jamais versé un radis. Et aujourd’hui, au moment où les camarades de la gamine s’apprêtent à rentrer au village, sa protégée lui a promis d’attendre un peu. Celle qui l’a embauchée, vient cependant de partir pour le Burkina Faso. Quand reviendra-t-elle ? Nana ne le sait pas, mais, les larmes aux yeux, elle dit n’avoir pas le choix. Elle doit attendre, même s’il le faut pendant plusieurs années, pouvant jamais rentrer au village sans son argent.
Djénéba elle, est régulièrement payée par ses patrons. Il y a deux ans cependant qu’elle n’est pas repartie au village. A travers une correspondance adressée à ses parents, elle leur avait expliqué que le double de son salaire lui est payé afin qu’elle reste à Bamako pendant un certain temps. Elle a même pris le soin d’envoyer un peut d’argent à la famille. Mais, toute cette histoire est fausse. Djénéba a plutôt été enceinte et a mis au monde un petit garçon. Ne pouvant rentrer au village avec le "colis" embarrassant, elle a décidé de rester à Bamako en attendant de trouver à qui le confier. En vain. Cette année encore, elle n’ira pas au village.
Hawa, elle, compte rentrer dès la semaine prochaine à la maison. Hélas, ses patrons ne lui ont rien versé depuis 4 mois avec la seule explications : "Nous n’avons pas d’argent et n’allons pas nous transformer en argent". La jeune "52" de son côté n’est pas restée les mains croisées. Elle a contacté la police et espère dans les jours à venir, être en possession du fruit de sa sueur.
Voilà le quotidien de centaines de jeunes maliennes, les victimes d’une société en décomposition où les plus forts écrasent les plus petits.
Voilà des situations indignantes auxquelles hélas, presque toute une société demeure indifférente.
Le problème des jeunes rurales dans la capitale malienne nous interpelle tous. Personnes ne doit rester indifférent à l’esclavage de ces jeunes femmes qui n’ont commis qu’un seul crime : celui d’être pauvre, de vouloir lutter pour la survie.
Que sont-elles devenues, ces nombreuses associations pour la promotion de la femme, pour la protection de la femme, etc…?
Que font-elles fait ces associations de femmes qui sillonnent dans des voitures au luxe insolent nos campagnes afin de "sensibiliser" les femmes ?
A quoi ont-ils servi ces nombreux séminaires, rencontres, réunions, et débats sur la situation de la femme malienne ?
Boubacar Sankaré