La fondation Friedrich Ebert en partenariat avec le bureau d’études GISSE a publié la semaine dernière les résultats de l’enquête d’opinion (Mali-mètre 9) sur ce que pensent les Maliens sur les sujets d’actualité. Il s’agit de la situation générale du pays, des défis majeurs pour le pays, de l’appréciation des institutions, les priorités du Gouvernement, la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation et des forces étrangères présentes au Mali. On y trouve également les opinions des Maliens sur le processus électoral avec le référendum, les élections locales, partielles et régionales, la sécurisation du pays, la Commission Vérité, Justice et de Réconciliation, la Justice et la bonne gouvernance ainsi que les perspectives d’avenir. L’enquête s’est déroulée du 10 au 30 novembre 2017 sur un échantillon global de 2156 personnes âgées de 18 ans et plus dans le district de Bamako et l’ensemble des capitales régionales, y compris Kidal, Ménaka et Taoudenit.
Pour ce rapport et s’agissant de la situation générale du pays et des régions, 43 % de la population pensent que la situation générale du pays s’est détériorée, 31% estiment qu’elle est restée inchangée et pour 25% elle s’est améliorée. Quant aux défis majeurs du Mali, ils sont constitués de la gestion du problème du Nord, la lutte contre la pauvreté, la lutte contre le chômage et la lutte contre l’insécurité alimentaire. Cela, respectivement pour 53%, 49%, 46% et 41% des citoyens interrogés.
Confiance dans les Institutions
Selon ce document, les opinions sont quasi les mêmes entre les personnes enquêtées insatisfaites et satisfaites. Ainsi, 50% sont plutôt insatisfaits, contre 49% qui se déclarent plutôt satisfaits du président de la République. La majorité, soit 51,5% des citoyens sont insatisfaits contre 46% de satisfaits de la gestion du Gouvernement, indépendamment du sexe ou du niveau d’instruction. Aussi, majoritairement, à 53%, les citoyens ne sont pas satisfaits des députés contre 32% qui le sont. Les opinions des citoyens sur les actions des opposants sont partagées entre satisfaits 28,2%, sans opinion 27,4% et insatisfaits 23%.
Justice et bonne gouvernance
Dans leur majorité, soit 54,4%, les citoyens ne font pas, du tout, confiance en la Justice et une minorité de 36,7% lui fait partiellement ou confiance 7,3%.
La grande majorité, soit 78,2% des enquêtés sont tout à fait d’accord, contre une faible minorité de 10,8% qui ne sont pas d’accord sur la corruption de la justice. Ce sont les villes de Kidal 94,9%, Bamako 86,9%, Gao 80,6%, Kayes 79,8%, Tombouctou 78,5%, Koulikoro 77,1%, Mopti 76,6%, Ségou 76,5% et Sikasso avec 75,6% enregistrent les plus fortes proportions de citoyens ne partageant cette affirmation.
S’agissant de l’expression «justice au service des riches ou au service du pouvoir», 78% des personnes enquêtées sont tout à fait d’accord contre 14% qui sont d’un avis contraire et 8% sans opinion. Cette affirmation est partagée par plus de 70% des populations des localités enquêtées, et plus particulièrement à Kidal avec 94,9% et Kayes 84,5%.
Pour la très grande majorité, soit pour 84,9% des citoyens interrogés, l’impunité est très fréquente contre 12% qui pensent qu’elle est peu fréquente. Quant au niveau de la corruption, pour une très grande majorité des enquêtés, 90,6%, ce niveau de corruption au Mali est très élevé contre 8% qui estiment qu’il est peu élevé. Pour la majorité des enquêtés, les principales raisons de la corruption sont la pauvreté des populations avec 46,5% et l’avidité avec 40,6%. Il y a aussi les mauvais exemples des dirigeants avec 36,7% des citoyens qui le pensent ainsi, le bas niveau des salaires et des revenus avec 31,3% et l’impunité avec 24,1%.
Domaines concernés par la corruption
Des résultats de l’enquête, il ressort que les domaines les plus concernés par la corruption sont la justice avec 47,6%, la police avec 38,7%, la fonction publique 30,1% et la douane 26,9%. D’autres domaines sont aussi cités comme la mairie avec 20%, la santé 19,6%, l’éducation, y compris l’Université avec 13%. S’agissant des mesures à prendre pour lutter contre la corruption, 55,6% des enquêtés pensent qu’il faut sanctionner lourdement les auteurs et complices, 41,8 pour inciter les responsables à donner l’exemple, 32,9% pour l’augmentation des salaires des agents de l’Etat et des collectivités et 31,6% pour la nomination de responsables des administrations selon le mérite.
Mise en œuvre de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation
Ici, il faut souligner que les principales sources d’information des populations sur l’Accord sont la télévision avec 64,3%, la radio 57,3% et le grin avec 30,3%. Quant à l’appréciation du niveau d’avancement de la mise en œuvre de l’accord, 60% des enquêtés estiment que le processus n’est pas avancé contre 19% qui estiment le contraire et 21% sont sans opinion. S’agissant de la connaissance des autorités intérimaires, es personnes enquêtées sont à 59% à déclarer n’avoir pas entendu parler des autorités intérimaires contre 41% d’entre elles qui en ont entendu parler. Quant à l’avancement du processus de désarmement et de cantonnement des groupes armés, 71% estiment que ce niveau d’avancement n’est pas satisfaisant contre 24% qui estiment le contraire. La grande majorité des populations de toutes les villes enquêtées a déclaré être non satisfaite de l’état d’avancement du processus, à l’exception de Tombouctou où 52% affirment le contraire.
Aussi, 63% ont déclaré n’avoir pas entendu parler de la conférence d’entente nationale contre 37% qui ont déclaré le contraire. Quant à la charte pour la paix et la réconciliation, 87% des enquêtés ont déclaré n’avoir pas entendu parler de cette Charte contre 13% qui ont déclaré le contraire.
Sécurisation du Mali
Il ressort de ce rapport que 71% des personnes interrogées ont déclaré ne pas se sentir en sécurité la nuit chez elles, contre 29% qui affirment le contraire. Les deux tiers des personnes interrogées ont déclaré ne pas se sentir en sécurité contre un peu plus du tiers 34% quand elles sortent seules pendant la journée. Un peu plus du tiers, soit 34% affirment le contraire. La très grande majorité avec 84,9% des personnes interrogées ont déclaré se sentir en insécurité en allant dans les villages voisins et une petite minorité 14,5% affirme le contraire. Aussi, 78% des personnes interrogées déclarent qu’elles ne se sentent pas en sécurité lors des rassemblements sur les lieux publics, contre 22% qui expriment le contraire. Ce sentiment d’insécurité est particulièrement élevé à Ménaka avec 100%, Bamako 99,5%, Kidal 99%, Tombouctou 94,9%, Gao 89,8%, Mopti 89,7% et Ségou 89,5%. Il faut retenir qu’une majorité de 60% de citoyens ont déclaré faire confiance aux FAMAS pour assurer la sécurité des régions, elles sont suivies, dans des proportions significatives, par la gendarmerie avec 49,1%, la garde nationale 41,5%, la police 37,4% et la population/jeunesse 21,4%.
Niveau de satisfaction du travail de la MINUSMA
Selon ce rapport, 53% des citoyens estiment être insatisfaits de la MINUSMA contre 34% qui le sont. S’agissant des principaux reproches faits à la MINUSMA, 54,9% pensent que la mission onusienne ne protège pas les populations contre la violence des groupes armés et les terroristes, puis dans des proportions moindres, 33,7% pensent qu’elle est en complicité avec les groupes armés. Ils sont 24,7% à voir que le mandat de la MINUSMA n’est pas suffisamment connu, 23,2% pensent qu’elle se protège elle-même et 20,2% trouvent qu’elle contribue à la cherté de la vie. Sur la durée que pourrait encore faire la MINUSMA au Mali, les personnes enquêtées pensent majoritairement, soit 43,9% qu’elle devrait rester moins d’un an et pour 15% elle devrait rester entre 1 à 3 ans. Toutefois, 23% sont sans opinion.
Quant au niveau de satisfaction de la force Barkhane, 46% des citoyens estiment être satisfaits de son travail au Mali contre 47% qui déclarent le contraire. Cependant, 11% sont sans opinion. Quant aux reproches faits à Barkhane, 55,5% pensent que la force est complice des groupes armés, pour 48,9%, elle ne protège pas les populations contre la violence des groupes armés et les terroristes et pour 24,1% elle ne s’intéresse au développement du pays. Ils sont 44% des citoyens qui estiment que la force française devrait rester moins d’un an au Mali, 16% pensent qu’elle pourrait encore rester entre 1 à 3 ans et 12% entre 4 à 5 ans. Cependant, il convient de signaler que 20 % des personnes enquêtées déclarent ne pas savoir. S’agissant de la connaissance de l’existence de la formation de l’armée malienne par l’EUTM, ils sont 61% à répondre par l’affirmative et 39% par la négative. Concernant l’efficacité de la formation de l’EUTM aux forces armées du Mali, la majorité des enquêtés, soit 62,9% apprécient «beaucoup» cette formation contre plus du quart, 26,6% qui l’apprécient «un peu» et environ 6% qui ne l’apprécient «pas du tout». Quant à la force conjointe G5 Sahel, 51% des personnes enquêtés ont déclaré avoir entendu parler de sa mise en place contre 49% qui ont affirmé le contraire.
Processus électoral
Pour ce rapport, 35% des enquêtés étaient contre le projet de révision constitutionnelle contre 11% qui y adhèrent. Cependant, il est à noter que la majorité, soit 54,3% a déclaré ne pas être au courant de ce projet ou sans opinion.
Dans l’ensemble, 68% des enquêtés possèdent leur carte NINA «en bonne et due forme», 14% ont fait le RAVEC mais n’ont pas leur carte, 9% n’ont pas fait le RAVEC et 6% ont perdu leur carte. Il est à noter que 4% possèdent la carte NINA mais celle-ci comporte une erreur. Des élections des conseillers de région, de cercle et communales partielles, 68% des personnes enquêtées sont informées de ces élections contre 32% qui ne le sont pas. Ainsi, 73% des enquêtés qui sont informés des élections ont déclaré être disposés à voter, 14% sont d’un avis contraire et 14% sont indécis. Dans l’ensemble, seulement 24% des enquêtés sont membres d’un parti politique ou d’une organisation de la société civile contre 72% qui n’en sont pas membres.
Vérité, justice et réconciliation
Il ressort dans ce rapport que dans l’ensemble, 37% des enquêtés ont déclaré avoir connaissance de la mise en place de cette commission Vérité, Justice et Réconciliation, contre 63% qui disent ne pas en avoir connaissance. Pour la majorité des enquêtés, l’action prioritaire à entreprendre pour la réconciliation au Mali est d’organiser des rencontres inter et intracommunautaires avec 59%d’opinion favorables. Elle est suivie d’autres actions comme contribuer à réconcilier l’Etat avec les populations avec 32,9% ou se pardonner simplement, sans chercher à juger des responsables avec 24,5%. Aussi, on peut lire dans ce document que 72% des citoyens ont déclaré importants les enquêtes et jugements des acteurs coupables de crimes et violences contre les populations. Environ le quart, soit 23% des enquêtés les jugent pas importants.
En somme, dans l’ensemble, la majorité des citoyens enquêtés, soit 59,6% estiment que la situation du pays devrait s’améliorer dans 6 mois, 25% pensent qu’elle devrait rester au même niveau, et, pour 8%, elle devrait se détériorer. Il est à noter que 7% sont sans opinion. Aussi, dans leur très grande majorité avec 84,7%, les citoyens souhaitent que le Mali retrouve la paix et la sécurité d’ici cinq ans. Les autres grands souhaits exprimés sont l’emploi des jeunes avec 49,8, de bonnes récoltes et la sécurité alimentaire avec 37,1%, la fin de la pauvreté pour 23,3% et le développement des infrastructures avec 19,7%. Alors, vivement la concrétisation de ces souhaits pour l’honneur et le bonheur des Maliens.
Dieudonné Tembely
tembely@journalinfosept.com