L’annonce a été officiellement faite à travers le communiqué n° 46 du gouvernement dont la teneur a été délivrée le vendredi, 10 mars 2023, par le ministre d’Etat, ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, porte-parole du gouvernement, le Colonel Abdoulaye Maïga, qui animait à cet effet un point de presse dans les locaux de son département. L’entretien avec les médias, qui portait également sur la réorganisation territoriale et la carte d’identité nationale biométrique sécurisée, a enregistré la présence de la ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée des Réformes politiques et institutionnelles, Madame Fatoumata Dicko.
Il ne s’agit donc pas d’un renvoi à des calendes improbables, loin s’en faut. Le processus devant conduire à l’ordre constitutionnel se poursuit, mais le chemin est hérisson d’obstacles qui ne sont pas du seul fait des autorités de la transition, encore des écueils artificiellement posés pour retarder l’accomplissement des échéances. Avec clarté et pédagogie, le ministre Maïga a évoqué des raisons que le bon sens commun doit admettre. La décision des plus hautes autorités d’organiser le référendum sur la base d’une nouvelle Constitution entraîne des incidences sur le chronogramme du référendum, a annoncé le ministre d’Etat. La mise en œuvre dudit chronogramme, qui n’est pas une loi, il faut le rappeler, mais un outil de planification, est sujet à des réaménagements en fonction de l’évolution de la situation et des problèmes nouveaux qui naissent, immanquablement dans la marche en avant d’un pouvoir d’exception comme la transition malienne. Le Colonel Abdoulaye Maïga a eu beau jeu de rappeler le Décret n° 2022-0335 du 06 juin 2022 qui a fixé la durée de la Transition à 24 mois. En plus, en vue de l’organisation du référendum et des élections générales, le Gouvernement du Mali, après concertation de la classe politique et des organisations de la Société civile, a adopté le chronogramme du référendum et des élections générales le 29 juin 2022. C’est ce chronogramme qui prévoit l’organisation du référendum le 19 mars 2023. Là, il faut rappeler la ferme volonté des autorités de la transition pour un retour rapide à l’ordre constitutionnel.
Ferme volonté du gouvernement pour un retour à l’ordre constitutionnel, mais pas dans la précipitation
En effet, c’est essentiellement à cause de cette volonté que le gouvernement a envoyé la Loi électorale au CNT pour relecture. Il s’agissait de réduire le délai de mise en place des représentations de l’AIGE à l’intérieur comme à l’extérieur du pays de 06 mois à 03 mois. Dans cette Loi, il était dit que l’AIGE a 06 mois pour faire ce travail et que c’est après cette mise en place qu’il sera question de fixer le chronogramme électoral. En réduisant de moitié ce délai, il n’y a aucun doute que les autorités de la transition ont la ferme volonté d’organiser des élections le plus rapidement possible, n’en déplaise à leurs détracteurs. Sur ce point, il est intéressant de noter, alors que des cris d’orfraie sont entendus çà et là depuis l’annonce du report du référendum pour insinuer que c’est une manœuvre visant à s’éterniser au pouvoir, la réaction fort mesurée et intelligente de Oumar Ibrahim Touré, président de l’Alliance pour la République (APR), qui relève qu’il n’a été dit nulle part que la transition sera prolongée, mais que le décalage a pour but de rassembler tous les Maliens autour de la nouvelle constitution. « Le processus ayant été engagé, il fallait forcément prendre du temps pour dégager le maximum de consensus sur la question », ajoute M. Touré qui conclut : « Maintenant reporté à une date ultérieure, ça peut être à l’intérieur du chronogramme ». Voilà un qui, dans la classe politique, garde bien la tête froide et ne verse pas dans la divagation. Le ministre d’Etat n’a pas dit autre chose : « Ce report se justifie par la ferme volonté des autorités de la transition d’appliquer les recommandations des Assises nationales de la Refondation (ANR, notamment la pleine opérationnalisation de l’Autorité Indépendante de Gestion des Elections (AIGE), à travers l’installation de ses démembrements dans les 19 régions administratives du Mali et le District de Bamako, dans les plus brefs délais ainsi que la vulgarisation du projet de constitution. La nouvelle date du référendum sera fixée, après concertation avec l’Autorité Indépendante de Gestion des Elections et l’ensemble des acteurs du processus électoral. Le Gouvernement rassure l’opinion nationale et internationale que le retour à l’ordre constitutionnel, après avoir mené les réformes nécessaires »
Nécessaire inclusivité autour des réformes politiques et institutionnelles, encore et encore !!!
On ne fait pas progresser un chantier, singulièrement politique volatile par nature, en faisant fi des réalités nouvelles. Il y a, de la part du gouvernement, la recherche de l’inclusivité autour du projet de Constitution, lequel projet a connu des rebondissements saugrenus, voire carrément emmerdants de la part des politiciens qui ont entendu dix mois pour réclamer son abandon pur et simple, après y avoir sacrifié un peu de leur temps. Vient le fichier électoral qui doit être adapté aux résultats des travaux de la réorganisation administrative et territoriale. S’y ajoute la mise en place des coordinations de l’AIGE qui était tributaire de l’adoption des textes de la réorganisation administrative et territoriale. Or, ces projets de textes n’ont été adoptés par le CNT que le 20 février dernier. Qu’à cela ne tienne, toujours en raison des embûches politiciennes qui n’ont pas manqué, le processus de rédaction de la nouvelle Constitution prévu pour prendre fin en octobre 2022 a connu une seconde phase. En prenant le raccourci, on en arrive à l’épineuse question de la réorganisation administration et territoriale qui fait que, depuis 2012, soit durant onze ans maintenant, le Mali est peut-être le seul pays au monde qui ne connaît pas avec certitude ses propres frontières intérieures. Une honte léguée par les gouvernances passées et qui urge d’être soldée. Last but not the least, la douloureuse problématique de la carte biométrique sécurisée à laquelle les autres pays, nos voisins et ceux de notre espace, ont trouvé des solutions vraies, alors qu’elle demeure un boulet aux pieds des Maliens. Il aurait été intéressant de faire l’impasse sur la prétention de LIMAMA de s’opposer au référendum au nom du refus de la laïcité qu’elle combat de toutes ces forces, un principe qui ne s’accommode certes pas avec l’immixtion de la religion dans la gestion de la cité, mais qui est justement le principe grâce auquel la LIMAMA a pu voir le jour. Le Mali est un très vieux pays musulman, mais il n’est pas théocratique ; des entités théocratiques, comme la cité de Hamdallaye, y ont régné. Mais à supposer que l’on abroge la laïcité, dans notre pays où vivent chrétiens, musulmans, athées, etc., quelles lois religieuses devrions-nous adopté dans la gouvernance ? Singulièrement pour l’islam, qui n’est pas homogène chez nous, quels préceptes de quelles écoles islamiques adopter ? L’islam au Mali, pour peu que nous ne nous bernions pas, est toujours éclaté entre de multiples clubs, sunnites, chiites, soufis, etc.
Il importe certainement de rappeler à ceux de nos compatriotes que c’est à la suite de la grave crise post-électorale de 2018, au mois d’octobre de la même année, qu’une délégation ministérielle de médiation de la CEDEAO conduite par le ministre des Affaires étrangères du Nigéria, avait conclu dans son rapport à l’attention du Mali : « …..Avant d’entreprendre toutes élections, le gouvernement doit faire les réformes politiques et institutionnelles nécessaires ». C’est parce le Gouvernement IBK avait refusé d’entreprendre lesdites réformes qu’a éclaté la crise post-électorale de 2020, qui a fini par emporter son régime. Aujourd’hui, le Gouvernement Assimi GOÏTA veut mettre en œuvre lesdites réformes politiques et institutionnelles, à travers les recommandations des ANR et l’Agence Indépendante de Gestion des Élections (AIGE). Ce à quoi s’opposent avec l’énergie du désespoir une certaine classe politique malienne déclarée inutile par Emmanuel Macron. A l’évidence, ceux-là qui parlent le plus aujourd’hui d’élections sont les plus mal préparés pour ces échéances.
Amadou N’Fa Diallo