À la grande satisfaction de la Plateforme ‘’An Te A Bana’’, le projet de révision de la Constitution du 25 février 1992 a été renvoyé à une date ultérieure. La décision qui intervient dans un contexte trouble et de division entre les Maliens, surtout à Bamako, a été presque saluée à l’unanimité par la classe politique, les organisations de la société civile même dans le camp du ‘’Oui’’. Ce qui reste cependant inconnu et qui semble être une moindre préoccupation pour le camp de la victoire, c’est la position des autres signataires de l’Accord et même de la communauté internationale.
Bien qu’elle a été sensible à la question pour laquelle elle avait même proposé sa médiation, la Communauté internationale, à travers la MINUSMA, reste pour le moment discrète sur sa position. Quant aux groupes signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation (CMA et Plateforme), ils n’ont pas non plus réagi à la décision présidentielle de surseoir à la révision de la constitution de 1992.
Faire économie de la révision ?
Si les ex-rebelles de Kidal avaient émis des réserves sur la non-prise en compte de certaines de leurs préoccupations dans le projet de loi constitutionnelle, notamment sur la question de la décentralisation, de la régionalisation, l’on ignore pour l’instant leur réaction sur la décision de surseoir à cette révision constitutionnelle.
Peut-on réellement faire économie de cette révision constitutionnelle ? Pour IBK, il y va de la crédibilité du Mali au regard de ses engagements pris face au monde entier qui a accepté d’être à son chevet pendant des moments de braises.
« Ne le faisant pas (la révision Constitutionnelle), nous ne sommes plus dans l’Accord pour la paix. Ainsi, avons-nous tous décidé à Alger. Ce n’est pas une lubie d’IBK. Non que çà et là ce qui a été prévu le soit. Ce n’est pas une question d’orgueil ou d’ego. Il s’agit de gestion d’État et il s’agit également de tenir un engagement, d’être en conformité avec un Accord qui nous engage.
S’il y a recul, nous fondons les autres à s’estimer libérés. Dès lors que nous ne tenons pas nos engagements pourquoi tiendraient-ils les leurs », mettait en garde le président IBK face aux forces vivent lors de sa réponse aux vœux de l’Aïd-El-Fitr.
C’est pour cet élan d’engagement et d’honneur pour le Mali que président IBK a simplement accepté de « surseoir » et non de retirer purement et simplement, le projet de révision constitutionnelle.
Décision souveraine et responsable
Le président IBK mesure bien ses mots : « … j’ai décidé, en toute responsabilité, de surseoir à l’organisation d’un referendum sur la révision constitutionnelle ». Conscient qu’il n’y a pas d’alternative à la révision constitutionnelle, le Président semble être dans la logique de rassembler autour de lui le maximum de Maliens pour sa réussite.
« Il était, il est et il restera de mon devoir d’expliquer tous les bénéfices que la révision constitutionnelle apporterait au rétablissement de la paix, à la consolidation de nos institutions et à l’amélioration de la gouvernance de notre pays », a-t-il indiqué avant d’expliquer les raisons de sa décision de surseoir.
« Je l’ai fait, parce qu’à l’heure où notre pays est confronté à tant de défis majeurs, on ne saurait ajouter aux périls existants ceux que font naître la mésentente, la polémique et le malentendu. Nous devons prendre le temps de nous retrouver pour échanger sans détour. Il me reviendra en tant que Président de la République à faire prendre les dispositions nécessaires pour que le dialogue qui s’engagera soit inclusif et dépassionné », a-t-il martelé dans son adresse.
Comment redémarrer le processus de paix ?
Pour le moment, le grand défi réside dans comment faire redémarrer et accélérer le processus de paix ? En tout cas, si le dialogue n’est pas rompu entre les Maliens dans le sens de la paix et la mise en œuvre de l’accord, il n’en demeure pas moins que le processus de mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger est au point mort. Et pour cause, les sessions du Comité de suivi qui constituent de véritables baromètres et en même temps propulseurs du processus de mise en œuvre de l’accord sont suspendues. Après la 19e session du CSA, en début du mois de juillet dernier, suite aux violents affrontements entre la CMA et le GATIA à Kidal, aucune date n’est pour le moment connue pour le prochain rendez-vous.
La machine a été grippée lorsqu’il a été question de la désignation d’un observateur indépendant, de l’installation des gouverneurs de Kidal et de Taoudénit, de l’opérationnalisation du MOC et du démarrage des autorités intérimaires de Kidal.
Après des rencontres entre les autorités de notre pays et les ex-rebelles, notamment la CMA, la visite de la Commission de bons offices dirigée par l’imam Mahmoud DICKO à Kidal, la reprise du processus devrait intervenir après un retour au calme entre protagonistes dans la région de Kidal.
Devoir de mémoire
Aujourd’hui, la suspension du processus de révision de la Constitution, un engagement de la partie malienne inscrit dans l’accord, pourrait être diversement appréciée par les autres signataires et la Communauté internationale qui n’ont pas encore dévoilé leur appréciation de la décision présidentielle. Voilà la grande inconnue qui déterminera certainement la nouvelle conduite à tenir.
À écouter certains partisans zélés du ‘’Non’’, la partie adverse a mordu la poussière, la victoire et la grandeur sont de leurs côtés (A Bana). Ils oublient volontiers que des Maliens (des milliers) ont marché et arpenté les boulevards de Bamako pour appeler la Communauté internationale à venir au secours de notre pays en 2012. La présence de la MINUSMA et celle de Barkhane cachetée par la résolution des Nations-Unies rentrent dans le cadre de ce « plaidoyer des Maliens ». Toute chose qui fait qu’à la différence du Pacte national en 1992 et des accords d’Alger en 2006, l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger est garanti par la Communauté internationale. Peut-il être un ‘’grand boubou’’ que l’on porte selon notre bon vouloir ?
La réponse est négative pour tous les citoyens épris de liberté, de justice et qui ont un sens de l’honneur et de l’engagement. Car il ne s’agit en aucunement d’une question d’orgueil ou d’ego, mais de la gestion d’un État et il s’agit également de tenir un engagement, d’être en conformité avec un Accord qui nous engage.
Les nostalgiques de An Te A Bana
Malgré les appels et explications, des radicaux de la Plateforme An Te A Bana, ne veulent rien comprendre. Ils se font allergiques à toute question de révision de la Constitution du 25 février 1992, même quand l’intérêt est en cause, comme s’il s’agissait d’une parole d’évangile. Son vice-président, Amadou Thiam, a certes salué l’esprit de grandeur de la décision du président IBK, mais ne semble pas vouloir se contenter d’un simple sursis.
“Mais si cette déclaration officielle (adresse du président à la Nation) informe le peuple malien que le projet de révision constitutionnelle est en sursis – et non annulé – en vue d’une large concertation future, elle interroge sur les éventuelles arrière-pensées du président pour en modifier ultérieurement le cadre et les modalités d’approbation à une prochaine échéance favorable et confirme qu’il ne renonce pas à son adoption”, a confié M. Thiam à de confrères de la place.
Un motif pour lui d’appeler les membres de la Plateforme à la vigilance : “la plate-Forme An tè A bana – Touche pas à ma Constitution reste donc plus que jamais vigilante et mobilisée afin que l’intérêt supérieur de la nation, son unité nationale et son intégrité territoriale soient les seules priorités gouvernementales, dans le respect de ses institutions et de l’honneur de ses citoyennes et citoyens”.
Par Sidi DAO