Diokolo Niaré dit Bakoroba et son frangin Souleymane Niaré sont des descendants de la 15e génération de Simbala Niaré, fondateur de Bamako. Pour eux, l’appartenance de la terre de Bamako aux Niaré ne souffre pas de doute. Et jusqu’à une période récente, la terre de leurs ancêtres n’a été vendue pour un centime mais cédée symboliquement en échange de la cola.
« Bamako appartient aux Niaré. C’est indéniable. Chacun peut dire ce qui lui semble bon. C’est notre aïeul, Simbala Niaré dont nous sommes les descendants de la 15e génération qui a fondé cette ville ». Ainsi parle Diokolo Niaré dit Bakoroba, sexagénaire, l’un des gardiens de la tradition des Niaré.
En nous adressant à Baba Niaré, le chef coutumier des Niaré, ce dernier nous a renvoyés à son demi-frère Bakoroba. Selon Baba Niaré, les choses sont organisées à leur niveau de telle sorte que chacun a un rôle particulier à jouer.
Bakoroba et un autre de ses frères, Souleymane Niaré, sont des mémoires vivantes. Tous les deux lettrés relatent sans se lasser l’histoire de Bamako dans ses moindres détails. « La terre ne se vendait pas à Bamako. La parcelle était tout simplement offerte à celui qui la demandait en échange de 10 noix de cola », soutient Bakoroba.
« La cola n’avait aucune valeur pécuniaire. Elle était tout simplement un signe de respect au chef », témoigne Souleymane. Selon ce dernier, c’est à partir des années d’indépendance que la terre de Bamako a commencé à avoir une valeur monétaire. Sinon, explique-t-il, tous les vieux quartiers comme Niaréla, Bozola, Dravéla et Bagadadji ont été cédés à leurs occupants sans frais payés.
L’argent a tout gâché
Les Touré et Dravé, qui font partie des trois familles fondatrices de Bamako, se sont ainsi installés dans la ville des Trois caïmans selon les rites de la tradition. Les Niaré qui ont pour marabout les Touré et les Dravés les hôtes des Touré, sont liés par un pacte. « En recevant un étranger, la première des choses chez nos ancêtres était de lui donner un lopin de terre pour s’abriter. Le chef de village mettait à contribution ses propres enfants pour aider l’étranger à construire sa hutte en lui apportant de la terre. L’étranger installé avait droit à une autre parcelle pour cultiver et se nourrir », a indiqué Bakoroba Niaré, nostalgique de ce passé lointain.
Bakoroba et Souleymane se souviennent que l’urbanisation de la ville de Bamako dans les années 1920 a amené la question de lotissement, qui, à son tour, a emprunté la voie de l’argent en reléguant les us et coutume au second plan.
Selon l’analyse des Niaré, l’introduction de l’argent dans le foncier est à l’origine de tous les maux que le secteur connaît aujourd’hui. La terre a eu de nouveaux propriétaires autres que ceux qui sont les gardiens du temple.
Abdrahamane Dicko
Histoire…
… d’un terrain vendu à deux
Acquérir un terrain à usage d’habitation dans le district de Bamako relève, pour certains, du parcours de combattant. Du formel à l’informel, il faut passer par les coxeurs, les spéculateurs et autres truands sans vergogne.
Nous sommes à Kalabanbougou en Commune IV où M. T., partant volontaire à la retraite, a décidé de s’octroyer un terrain à usage d’habitation pour échapper aux affres de la location. Pour ce faire, il a sollicité le concours de D. M., reconnu comme intermédiaire entre les propriétaires de terrains et les futurs acheteurs.
Dévoué en la matière, D. M. lui a donné rendez-vous le vendredi dernier dans le but de lui montrer des terrains « prêts à vendre ». Ainsi trois parcelles lui ont été proposées. Ne se doutant de rien, M. T., a choisi un des trois terrains qui lui revenait à 586 000 F CFA. Sans se faire prier et croyant avoir fait une bonne affaire, il s’exécuta et une facture en bonne et due forme lui fut remise.
Deux jours après, il décida de commencer les travaux avec deux camions benne remplis de moellons et de graviers. Arrivé sur les lieux, il fut désagréablement surpris de voir un commerçant de la place en train de faire la fondation d’une villa sur son terrain qu’il venait d’acheter, il y a seulement une semaine.
Furieux, il a été invité par le commerçant à garder son calme afin de trouver une solution au problème. Ainsi le commerçant s’est servi de son portable pour appeler D. M., qui lui a vendu le terrain. Quelques minutes après, il arriva à bord de sa voiture.
Comprenant la situation engendrée entre les deux acheteurs, il se tourna du côté de M. T. et lui dit que juste après qu’ils ont conclu le marché, il s’est rendu compte qu’il avait vendu le terrain au commerçant et que si toutefois M. T. le désire encore, il lui trouverait ce même jour un autre terrain au même prix. Se sentant trahi, M. T., le cœur serré a tout simplement réclamé ses sous qui lui ont été remis séance tenante.
Comme M. T., combien sont-ils à être dépouillés de leur argent par des faux intermédiaires ?
Idrissa Sako“