L''Imam Mohamoud Dicko nous parle du mois de carême : Il ne s''agit pas de jeûner le jour et de tout se permettre la nuit""

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Le carême fait partie des cinq piliers de la religion musulmane. Au cours de ce mois, les fidèles doivent s”abstenir de boire, de manger, de fumer et d”avoir des relations sexuelles du lever au coucher du soleil. Nous avons rencontré, pour nous éclairer, l”imam de la seconde mosquée de Badalabougou, le Professeur Mahamoud Dicko. Il nous parle du Ramadan, de ses avantages, des bénédictions, des prières, mais aussi de ce qu”il n”a pas apprécié, comme le fait que les boîtes de nuit, les espaces de loisirs et autres lieux de distraction fonctionnent normalement.

L’Imam Mahamoud Dicko est heureux et satisfait du fait que, cette année, la communauté musulmane dans son ensemble ait commencé à jeûner le même jour. Ce qui est une bonne chose, car il y a eu des années où il y avait des divergences autour de l”observation du croissant lunaire. "C”est une bonne chose, parce que nous avons constaté que, partout au Mali, tous les imams et érudits ont commencé à observer le carême à la même date. Cela était devenu rare depuis une dizaine d”années".

Selon l”Imam Dicko, le carême est l”un des cinq piliers de l”Islam et tout musulman majeur doit jeûner, à l”exception des gens qui sont dispensés pour des raisons bien déterminées par la charia ou pour des raisons de maladie, âge avancé ou voyage. "Le jeûne, ce n”est pas seulement de s”abstenir de boire et de manger. C”est une pratique cultuelle, le moment du renforcement de la spiritualité, du recueillement, de la communion avec Dieu. Il y a beaucoup de gens qui pensent que le jeûne est une routine, une période où l”on ne mange pas du matin au soir, mais où, la nuit, on se permet tous les gâchis ".

Ainsi, il estime qu”il n”est pas normal que les gens se lancent dans beaucoup plus de dépenses pendant le mois du carême que pendant les autres mois, car cela devrait être le contraire.

L”imam de la seconde mosquée de Badalabougou nous fera aussi savoir que certaines personnes observent le mois de carême sans connaître son sens réel. "Le jeûne est riche en enseignements. Il y a une grande spiritualité, de l”humanité, de la solidarité, de l”entraide. Nous devons accepter de goûter l”amertume d”être privé de nourriture, mais les gens, malheureusement, ne le font pas. Les riches, de plus en plus, mangent énormément pendant le mois de carême. Cela devrait être le contraire, les musulmans doivent se mettre dans l”état des pauvres, vivre le fait de ne pas pouvoir manger à sa faim. Vivre la vie des autres, de ceux qui n”ont pas beaucoup de moyens, pendant juste un mois, c”est une façon d”être solidaire avec les nécessiteux, les couches les plus démunies".

Le mois de carême n”est plus, selon Mahamoud Dicko, un mois de solidarité. "A part le fait que les gens jeûnent, on ne sent pas de mouvement de solidarité entre les musulmans et les pauvres. On voit que ce sont des fondations, des gens proches du pouvoir qui donnent aux pauvres.

Les autres, ceux qui se disent musulmans, qui ont de l”argent, qui ont les moyens, vont dans les grands hôtels de la Mecque pour y passer leur mois de carême. Ils préfèrent dépenser des millions plutôt que d”assister les pauvres et les nécessiteux dans leur pays. C”est une interprétation inverse de l”enseignement concernant le jeûne, malheureusement". Parlant du voyage, l”Imam nous expliquera qu”il amenait auparavant à vivre beaucoup de situations difficiles.

C”est pourquoi l”Islam a dispensé les voyageurs de jeûner. Mais, aujourd”hui, il faut reconnaître que les gens voyagent beaucoup plus confortablement qu”autrefois. "Ne pas être chez soi, ne pas être dans son milieu habituel, c”est un sacrifice énorme. Un musulman qui est dans une situation de ce genre, qui peut même être dans un milieu hostile, l”Islam a préféré le dispenser de jeûner. Mais ceux qui voyagent dans des voitures climatisées peuvent jeûner sans problème". Concernant les malades, le Pr Dicko a tenu à faire la part des choses. Car il y a des maladies temporaires et des maladies chroniques.

"Ceux qui souffrent de maladies temporaires ne peuvent pas jeûnent pendant leur maladie mais, une fois guéris, ils doivent payer les jours qu”ils n”ont pas effectués. Pour ce qui est des gens qui ont une maladie chronique, ils ne doivent pas du tout jeûner. En compensation, ils peuvent donner une mesure de céréales tous les jours à des pauvres ou à des démunis. Mais tout cela dépend des médecins. Donc les fidèles musulmans qui sont malades doivent aller voir les agents de santé. Il y a des maladies avec lesquelles on peut jeûner, mais avec d”autres ce n”est pas possible. Mais il n”est demandé à personne, étant malade, de s”efforcer de jeûner".

La colère du professeur réside dans le fait que, pendant le mois de carême, les gens n”observent le Ramadan que le jour, pas la nuit. "Le carême, c”est de jour comme de nuit. On doit sentir le mois de carême dans tous nos actes de la vie quotidienne. Il serait dommage que, pendant le mois de carême, les nuits soient comme des nuits ordinaires. On ne sent pas le carême dans nos médias. La télévision nationale continue de programmer Samedi Loisirs, Jouvence, Top Etoiles, Maxi Jeunes et je ne sais quoi. S”il y a quelque chose que je regrette c”est que l”ancien président de la 2ème République avait instauré un respect strict de la sacralité du mois de carême. C”est aussi une responsabilité de l”Etat de nous aider à vivre notre foi.

L”Etat organise le pèlerinage, il doit nous aider à vivre ce mois béni et ne pas laisser n”importe qui faire n”importe quoi. Malheureusement, à l”avènement de la démocratie, le premier acte posé par le Président de la Transition, qui est aussi le Président de la République nouvellement élu, a été de prendre un arrêté pour ouvrir les bars pendant le mois de carême. C”est extrêmement grave, ça a été une erreur monumentale. Nous regrettons cet acte qui a enlevé au mois de carême sa sacralité. Si dans un pays rien n”est respecté, il n”y a pas de tabou, il y aura un vagabondage spirituel et cela sera dommage pour notre pays". Quand nous lui avons dit que nous étions dans un pays laïc, sa réponse a été celle-ci.

"Je sais que des gens vont dire la même chose. Votre démocratie, votre liberté ont des limites, cela ne veut pas dire faire tout ce qu”on veut. Le mois de carême doit être respecté, parce que c”est le seul mois de l”année où les musulmans se consacrent beaucoup plus à l”adoration de Dieu. Qu”on nous parle de laïcité, d”accord, mais dans le respect des uns et des autres et de leur religion".

K.T.

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