-La Sakina N°22 – L’Imam Mûssa Al-Sadr a été un dirigeant musulman de premier, qui a réfléchi aux meilleures solutions possibles pour sortir l’islam et la nation musulmane des nombreux complots et pièges mortels fomentés et dressés contre eux en permanence par des ennemis multiples qui ne connaissent pas de répit. Il devint vite un homme à abattre. C’est ainsi qu’il sera victime d’une conspiration internationale qui le verra disparaître le 31 Août 1978 lors d’une visite officielle en Libye. Mais sa pensée politico-religieuse, à travers le projet unitaire qu’il a porté avec détermination, demeure une boussole pour la communauté musulmane tout entière. A deux mois du 34ème anniversaire de son enlèvement crapuleux et criminel dans la Libye de Kadhafi, notre Rédaction lui rend hommage dans ce numéro et le suivant en publiant l’analyse que Hussayn Rahhal (Dr. En sociologie, universitaire et écrivain) a faite de sa démarche dans le combat de libération et d’émancipation de sa communauté. Avec l’espoir que nos lecteurs comprendront les raisons de son enlèvement.
La pensée de l’Imam Mûssa Al-Sadr représente une étape charnière entre la pensée islamique contemporaine du tournant XX- XXIème et celle des pionniers de la pensée islamique moderne qui a émergé à la fin du XIXème siècle et s’est clairement manifestée au début du XXème siècle. Ses symboles les plus connus sont Jamal Eddine Al-Afghânî (1839- 1897), Sheikh Mohammad Abdû (1849- 1905), Sayyid Mohammad Hassan Al- Shîrâzî (dirigeant de la révolte du tabac en Iran) et Mirzâ Mohammad Hussayn Al-Nâ’inî (1877- 1936), auteur du livre ‘’Tanbîh Al-Umma wa Al-Milla’’.
Ces personnalités ont abordé la question de la renaissance islamique avec des réponses intégrant leur vision globale de la nation islamique, de sa place au niveau mondial et son rapport à autrui. La mission de ces réponses fut double : la nécessité de s’ouvrir aux autres cultures humaines mais dans le cadre de la culture islamique et le maintien de l’identité de la nation islamique, soit ce qui peut être décrit comme étant la voie de l’authenticité contemporaine ou la contemporanéité authentique.
Cette vision globale se distingue par sa prise de conscience de la situation politique de l’époque, des dangers représentés par le projet occidental colonial d’une part et des potentialités de la nation islamique d’autre part. A partir de cette vision, ces personnalités ont réalisé que la renaissance islamique (et arabe) ne peut ne peut émerger dans le cadre de l’occidentalisation intellectuelle mais plutôt dans le cadre de l’ijtihad islamique sur le plan intellectuel, et dans le cadre d’un autre facteur, politique cette fois-ci, qui est l’unité de la nation ; il ne peut y avoir de renaissance sans unité. C’est pourquoi la thèse principale du pionnier de cette école d’unité et de renaissance, Jamal Al-dîne Al-Afghânî (Al-Assad Abâdî) sera l’idée de « Ligue islamique » qui dépasse les divisions coutumières, confessionnelles et sectaires entre musulmans.
Après l’abolition du califat ottoman en 1924 et l’effondrement des espoirs de la « Ligue islamique », l’évènement le plus marquant indiquant la reprise du dynamisme unificateur à l’intérieur de la nation islamique et la résolution des aspects négatifs de la division et du morcellement fut la fondation de ‘’Dar Al-Taqrîb’’ entre les écoles islamiques en 1947 au Caire, par le Hujjatul-islam Mohammad Taqî Al-Qommi (Iran) avec la participation de plusieurs oulémas d’Egypte et du monde arabe, dont le Sheikh d’Al-Azhar Abdoul Majîd Salîm, Sheikh Mohammad Shaltût, Sheikh Salîm Al-Bishrî et Sheikh Mustafa Abdoul Râziq, et de l’Irak, Sheikh Abdoul Hussayn Khâshif Al-Gatâ, et du Liban, Hujjatul-islam Abdoul Hussayn Sharafuddîne.
Une décennie plus tard, Sayyîd Mûssa Al-Sadr quitte l’Iran pour retourner dans la patrie de sa famille au Liban et remplacer Sayyid Abdoul Hussayn Sharafuddîne au siège de la direction spirituelle des chiites dans le sud du Liban. L’épisode charnière de Sayyid Mûssa Al-Sadr a consisté à la rencontre unique de trois sources du patrimoine chiite, le premier étant le courant du rapprochement entre les écoles, le second, le courant unitaire dont les racines politiques plongent jusqu’à Jamal Eddîne Al-Afghânî et, pratiquement, au « Dâr Al-Tagrîb » et le troisième, la pensée élaborée par les universités religieuses de Qum et Najaf, dont les éminents dirigeants religieux ont accompagné à cette époque l’Ayatullah Al-Barûjardî et l’Ayatullah Al-Hakîm.
L’Imam Al-Sadr a rassemblé, au cours de son expérience politique et consciente de son époque, la vision d’Al-Afghânî et la profondeur de réflexion de Sayyid Abdoul Hussayn Sharafuddîne, le chiite attaché à son patrimoine chiite qu’il défend avec vigueur mais dans le cadre d’une seule nation islamique et d’une seule religion, l’islam, qui rassemble toutes les écoles. Il y a ajouté l’expérience particulière de son père, grand dirigeant religieux, Sayyid Sadruddîne Al-Sadr, qui s’est distingué par une prise de conscience du danger des politiques coloniales et des gouvernants nommés par le colonialisme d’une part et par la gravité de la division politique et théologique des musulmans d’autre part.
Quelle est l’importance de cet affluent ?
L’importance de l’expérience du père, référence religieuse, apparaîtra dans la vie libanaise et généralement islamique de son fils lorsque nous constaterons qu’il intégrera cette expérience et en profitera dans sa tentative d’unifier les écoles islamiques au Liban et dans le monde arabe (ce que nous verrons plus loin).
Sayyid Sdruddîne Al-Sadr était le dirigeant référent le plus hostile aux politiques des gouvernants tributaires du colonialisme, au moment où il était le plus ouvert à l’autre musulman et faisait partie de ceux qui appelaient au rapprochement des autres écoles islamiques. Cette orientation exprimait l’authenticité des universités religieuses (les Hawza de Qum et Najaf) dans leur défense des questions islamiques face aux ambitions des exploiteurs (les colonialistes et leurs acolytes), contrairement à la tradition safavide qui profitaient des différends confessionnels entre les musulmans pour asseoir le pouvoir des Shahs au détriment de l’unité des musulmans et en consolidant la division et la mobilisation confessionnelle entre chiites et sunnites.
Cette authenticité des Hawza, telle q’héritée par l’Imam Al-Sadr de son père, peut être perçue dans l’attitude de cette famille d’oulémas (Al-Sadr), exprimée par la fermeté de Sayyid Sadruddîne dans la lutte contre le pouvoir injuste du Shah, pro-occidental et hostile aux oulémas et aux causes de la nation musulmane, dont celle de la Palestine. Elle a atteint son point culminant dans le soutien aux opposants au Shah, en leur accordant une légitimité religieuse, comme le mouvement des ‘’Fida’iyan Islam’’, dirigé par Nawab Safawî et la révolte de Mohammad Mussadiq renversé en 1953 par un coup d’Etat pour réinstaller le Shah au pouvoir.
C’est dans cette ambiance révolutionnaire hostile à l’hégémonie occidentale et favorable à la révolution islamique contre le pouvoir du Shah que l’Imam Mûssa Al-Sadr a grandi, sous la bienveillance de son père, au moment où il était rare qu’un homme de son importance soutienne une révolution armée. Cette audace révolutionnaire fut accompagnée d’une audace théologique et doctrinaire dans laquelle a baigné le jeune Mûssa Al-Sadr : celle d’entreprendre une action unitaire non courante que le dirigeant Sadreddîne Al-Sadr a menée lui-même, en fondant une direction- référence unitaire pour tous les musulmans, regroupant tous les récits et les hadiths chez les sunnites et les chiites relatifs aux questions théologiques (mais aussi doctrinaires) dans un seul ouvrage pour contribuer à unifier les musulmans au niveau théologique, ouvrage ayant pour titre : « Liwâ Al Hamd » (La bannière de la louange).
Unité islamique ou rapprochement entre les écoles
Le rapprochement entre les écoles, noble but en soi, bénéficiait de l’appui entier de l’Imam Al-Sadr, mais ce n’était qu’une visée partielle qu’il situait dans un cadre plus large, l’unité des musulmans à tous les niveaux : politique, social et affectif, théologique et culturel. L’unité dans le sens de l’unification des capacités islamiques et du rassemblement de la parole s’appuie sur deux motivations.
La première : le devoir religieux qui s’élève par ce genre d’action unitaire au rang de l’adoration, étant une question religieuse et un objectif divin obligatoire.
La seconde : Il s’agit d’une question existentielle dont dépendent la vie et la renaissance des musulmans. Ils ne pourront survivre, dans le cadre des défis mondiaux, ni maintenir leur efficacité, sans l’unification de leurs capacités et l’action commune. Car l’avenir des générations musulmanes dépend de ce parcours unitaire, il est donc relié à la vie, à l’existence et l’avenir des musulmans, ce qui signifie que leur renaissance dépend de leur unité.
L’Imam Mûssa Al-Sadr refuse de parler de l’existence de plusieurs confessions ; il n’y a pour lui qu’une seule confession islamique qui rassemble toutes les écoles, sunnites et chiites. Les écoles sont des courants à l’intérieur de la confession musulmane, d’autant plus que les fondements doctrinaires sont uns, tout comme les sources de la déduction théologiques sont les mêmes. « Il n’y a pas de différence entre toutes ces écoles sur le plan des fondements généraux de l’islam, comme la foi en Dieu, dans Ses anges, Son Livre, Ses Messagers et le Jour dernier, dans leurs moindres détails. Il en est de même pour tous les cultes islamiques (…). De plus, les sources à partir desquelles se développent la pensée religieuse et l’opinion musulmane sont les mêmes, le saint Coran et la noble sunna prophétique, ainsi que l’unanimité de la nation et même la raison » dit-il dans un entretien au quotidien égyptien Al-Haram du 27 mai 1977.
L’Imam Mûssa Al-Sadr préfère utiliser le terme « tamâyuz » (distinction) entre les écoles islamiques au lieu de différend, renvoyant les différences aux facteurs historiques naturels, les considérant comme des efforts de réflexion (ijtihâd) dans le cadre des mêmes fondements : « Nous trouvons ici de grandes différences dans les jugements et les enseignements religieux, mais l’ensemble de ces différences, même l’ijtihâd, entrent dans le cadre des ramifications, ce qui n’entraîne pas d’écart au niveau de la base et des piliers islamiques » (propos rapportés en 1969 par le supplément du journal Al-Nahar d’Egypte).
Le président du Haut Conseil Islamique Chiite au Liban, Mûssa Al-Sadr, s’appuie sur les opinions des oulémas égyptiens pour affirmer sa théorie relative à l’unité des fondements doctrinaires et théologiques des deux parties, sunnite et chiite, dans le même islam. C’est pourquoi il se réfère aux écrits du Professeur Ahmad Hassan Al-Bâqûrî qui dit : « Les deux parties sont rattachées à l’islam par leur foi dans le Livre de Dieu, dans la sunna de Son Prophète ; elles sont entièrement et absolument d’accord sur les fondements rassembleurs de cette religion. Quant à ce qui les distingue, il ne dépasse pas l’ordre théologique ou politique » (propos tenus dans un entretien à la revue de la radio et de la télévision au Caire le 15 mai 1971).
Sayyid Al-Sadr rapporte l’évaluation positive d’Al-Bâqûrî des différences dans les domaines théologiques entre les différentes écoles islamiques, indiquant qu’il s’agit d’un patrimoine scientifique. « Lorsque nous abordons le domaine de la jurisprudence comparée et vivons le climat de confiance instauré par les différends scientifiques entre une opinion et une autre, ou entre la rectification ou le doute sur la véracité d’un hadith, nous trouvons que ce qui existe entre le chiite et le sunnite ressemble à ce qui existe entre les écoles théologiques hanafite, malikite ou shafi’îte (…) et nous pensons que l’acquis scientifique de ce dialogue théologique est digne de l’intérêt, de la considération et de la profondeur de l’étude ; il représente un patrimoine scientifique que nous devons remercier et apprécier. » (Revue de la radio et de la télévision, Caire le 15 mai 1971).
Faire connaissance et non polémiquer
La relation entre les fidèles des écoles islamiques est donc une relation entre des fidèles adhérents à une seule religion et une même origine doctrinaire, avec une variété au niveau des détails et des ramifications. Que faire donc avec le patrimoine doctrinaire qui renferme des opinions et des explications historiques différentes ? Il existe une méthode scientifique et pratique, qui encourage le réalisme d’une part, et qui pousse en direction de l’unité et du rapprochement, d’autre part. Afin que cette méthode réussisse, il est nécessaire de fixer une limite décisive, celle de ne pas transformer la différence doctrinaire en un élément conflictuel générateur de division. Cela peut être accompli selon une stratégie double :
1- S’éloigner de la discussion historique et des polémiques doctrinaires où le ton est généralement querelleur, les arguments servant à affirmer une supériorité, accusations, chicaneries et sectarismes réciproques prenant le pas sur tout.
2- Faire connaissance et respecter l’autre musulman, ce qui signifie donner l’occasion aux musulmans appartenant aux différentes écoles de faire connaissance dans un style scientifique et par des moyens raisonnables permettant de connaître et comprendre l’autre tel qu’il est. A ce propos, l’Imam Mûssa Al-Sadr dit : « L’essentiel est de se rapprocher et de se comprendre, et non de discuter ou de tenter de surpasser autrui par la parole. »
Le fond de cette stratégie est la reconnaissance mutuelle entre les musulmans du fait de leur appartenance à une seule religion, avec le refus de l’accusation réciproque d’incroyance, car « quiconque accuse un musulman d’incroyant est incroyant » (hadith du noble Prophète), ce qui est le début pour tout rapprochement ou unité, une garantie pour ne pas être entraîné vers les séditions que les musulmans ont déjà connues dans l’histoire. Mais ce début demeure inefficace et n’est qu’un analgésique contre les douleurs des divisions historiques et du patrimoine des discussions négatrices, une protection contre la politique criminelle d’accusation d’incroyance, sans parvenir aux abords de l’action unitaire ni atteindre un niveau avancé pour l’unité. Cela peut être considéré comme une première stratégie d’accalmie et de connaissance réciproque qui permet autant que possible de réfléchir calmement et raisonnablement sur les intérêts et les défis communs. En quelques mots, il s’agit d’un pas préventif qui a besoin d’un autre beaucoup plus audacieux, une base qui porte un projet unitaire positif et enthousiaste regardant vers les horizons futurs et non tourné vers le passé, des idées audacieuses qui dépassent la simple connaissance réciproque pour atteindre un niveau supérieur, celui de l’action unitaire dans un cadre intégrant les musulmans de toutes écoles et confessions. Ce fut un autre des buts de l’Imam Mûssa Al-Sadr qui a surpassé ses semblables. Ses propositions pratiques ainsi formulées se sont distinguées par l’audace et la témérité, elles peuvent être considérées comme des mécanismes de travail dans le cadre d’un projet particulier, où l’Imam Al-Sadr distingue entre le rapprochement entre les écoles d’une part et l’unité des musulmans, de l’autre.
Le projet unitaire de l’Imam Al-Sadr
L’Imam Mûssa Al-Sadr a assumé la question du rapprochement entre les écoles, qui a été l’une de ses préoccupations tout au long de son activité religieuse et politique au Liban, dès les années 60 jusqu’à son enlèvement en 1978, période au cours de laquelle il a eu l’accusation de mener une riche expérience dans un pays multi-religieux et multi-confessionnel, et ouvert à l’espace arabo-islamique, dans toute sa diversité.
Cette expérience libanaise de l’Imam Mûssa Al-Sadr lui a permis d’expérimenter ce qu’il avait acquis de l’environnement de Qum et de l’expérience paternelle , notamment dans le domaine de l’unité théologique, utilisant son audace révolutionnaire pour présenter des réponses à la question problématique relative à l’unité de la nation, à son rôle dans la renaissance et le maintien de la force des musulmans, mais aussi dans la défense de leurs causes.
Ces réponses furent empreintes de la pensée de leur auteur et de la synthèse de son expérience débordante d’attitudes pratiques, éloignée des dédales des controverses et polémiques métaphysiques stériles. Il proposa les mécanismes d’un travail unitaire qui représentent un parcours complet à partir des deux motivations citées plus haut, le devoir religieux et le maintien de l’avenir et de l’existence de la nation.
Ceci s’appuie sur une méthode pratique, basée sur l’incitation de tous les musulmans à affronter ensemble les défis immédiats et à s’attaquer aux projets communs susceptibles d’élaborer, avec le temps, une identité unique, qui mêle leurs efforts dans un seul creuset, leur faisant sentir que la bataille est une, le destin un et l’avenir un.
Nous pouvons souligner les mécanismes les plus importants que l’Imam Mûssa Al-Sadr a élaborés ou proposés en vue du rapprochement des musulmans et l’unification de leurs efforts :
Premièrement : la lutte politique et sociale
1- La lutte de libération contre le colonialisme et la domination, en premier lieu le sionisme et l’occupation israélienne, la question palestinienne étant le pivot de cette lutte. Quiconque se penche sur le comportement de l’Imam Mûssa Al-Sadr pourra énumérer des dizaines d’entretiens journalistiques, de conférences et de visites hors du Liban consacrées au soutien de la résistance palestinienne. « La résistance est la cause des Arabes et des musulmans, elle est la cause du Liban et toute tentative d’affaiblir Israël se situe au cœur de la bataille », dit-il le 13 mars 1973 dans un entretien accordé au quotidien koweitien ‘’Al-Siyasa’’. L’allocution de l’Imam Al-Sadr prononcé lors de la fondation du Haut Conseil Islamique Chiite en 1969 a mis, à la tête des priorités de ce conseil communautaire et confessionnel, un article essentiel adoptant le soutien à la résistance palestinienne et l’action en vue de libérer les lieux saints.
Il était clair, pour l’Imam Al-Sadr, que le cœur de la question palestinienne est Al-Qods, et le cœur d’Al-Qods, la mosquée d’Al-Aqsa menacée par la judaïsation et demeurant le symbole de la question. C’est pourquoi il amis engarde les Arabes et les musulmans, lors de l’incendie de la mosquée Al-Aqsa par les extrémistes juifs en 1969, que si « aucune réaction appropriée ne répond à ce crime ignoble, nous allons douter de la présence de la foi, de l’entité ou de la nation nommée la nation des Arabes » (entretien accordé à ‘’Al-Jarîda’’, quotidien libanais, le 26 août 1969). La position la plus clairement exprimée, qui indique le lien entre l’unité des musulmans et le soutien à la résistance en Palestine est apparue dans le message de l’Imam Al-Sdr au mufti de la République libanaise, Hassan Khalid, le 19 octobre 1969, invitant ce dernier, représentant la plus haute instance religieuse de la confession sunnite, à mettre, aux côtés du conseil chiite, les bases de l’unité islamique et à entamer la voie pratique avec des propositions claires. Al-Sadr a considéré que cette tentative commune atteindra des buts majeurs et sera la garantie pour unifier les musulmans, sur le plan doctrinaire mais aussi affectif. Il y a ajouté les buts nationaux et l’unité des sentiments religieux, qui confirment « la nécessité de participer effectivement à la libération de la Palestine, la nécessité de protéger le Liban contre les appétits de l’ennemi perfide, la nécessité de soutenir la résistance palestinienne sacrée et la nécessité de reprendre la coopération totale avec les pays arabes frères pour affronter l’agression incessante de l’occupant » (message adressé au mufti de la République libanaise). L’insertion de cet article dans le message visant à réaliser l’unité des musulmans montre le degré de compréhension politique de l’Imam Al-Sadr de la relation entre la Palestine et l’unité, l’unité des Arabes et des musulmans. Il affirme implicitement qu’il n’y a pas d’unité sans résistance, que le chemin de l’unification des écoles islamiques est celui de la résistance qui rassemble ce qui est divisé et unifie les énergies vers le véritable danger, et non envers un danger interne illusoire. La résistance est l’alternative pratique à la suprématie illusoire et verbale dans une polémique interne entre les fidèles des écoles, à propos des questions historiques qui n’ont aucune utilité, sinon de répéter l’éclatement mental à la place de l’unité des sentiments.
2- La lutte en faveur des causes des autres musulmans vivant ailleurs et qui subissent l’oppression, l’injustice et l’assujettissement, comme en Asie et en Afrique (conférence ayant pour titre « les méthodes de l’éducation islamique » prononcée à la huitième conférence islamique au Caire en 1977).
3- La défense des opprimés sur la terre, le refus du comportement des oppresseurs, l’allègement des souffrances des gens et la protestation contre ce qui les prive de leurs droits.
Cet aspect de la lutte procure probablement à la pensée islamique et à ses prédicateurs une identité combative autour de laquelle ils rassemblent les musulmans, comme les opprimés non musulmans autour des questions du droit et de l’oppression.
4- La lutte sociale qui procure une identité sociale précise aux oulémas musulmans et à leurs actions, ayant pour principe la défense des classes pauvres et opprimées : « Pourquoi abandonnons-nous la lutte en faveur des classes laborieuses ou exploitées entre les mains des partis athées alors que l’islam refuse la foi de toute personne rassasiée lorsque son voisin est affamé ? » (conférence citée ci-haut). Cette lutte sociale constitue un devoir pour les oulémas musulmans car l’être humain qui souffre et qui est opprimé fait porter en général les responsabilités de sa privation aux régimes et aux personnalités, qui ne lui offrent pas l’occasion nécessaire : « Il aspire à entendre, de la part du prédicateur ou du savant religieux musulman, la chaleur de la lutte et le cri du droit » (même conférence citée précédemment).
Ce devoir est l’un des aspects de la vision unitaire d’Al-Sdr, l’autre aspect de cette lutte, particulier aux oulémas musulmans, étant celui de la coordination de leurs efforts d’une part et le développement et l’éveil de leurs sociétés d’autre part, car l’identité qu’il a proposée aux oulémas de l’islam ne se complète pas sans l’effort dans les domaines du social et du développement où « se constituent ces efforts communs, dans les tentatives visant à combattre l’analphabétisme, l’éclatement familial, la protection des orphelins et la relève du niveau des laborieux » (message au mufti).
Deuxièmement : essor intellectuel et modernisation institutionnelle
L’Imam Al-Sadr a alors réalisé qu’il n’y a pas de renaissance sans unité, ni unité sans résistance, mais il a considéré que sans une mentalité moderne de l’intérieur même de l’islam, nous ne pouvons obtenir ni résistance, ni renaissance, ni unité. C’est pourquoi il a insisté sur ces deux mécanismes dans ce cadre :
1- Développer l’ijtihad musulman et le rendre révolutionnaire de manière à ce qu’il corresponde aux exigences de l’époque, et traiter les problèmes actuels des musulmans et les défis qu’ils affrontent, à partir de leur système culturel et non pas d’un autre, extérieur. « Le pas que nous proposons est d’exposer les problèmes et les difficultés auxquels font face les musulmans, comme ceux de la jeunesse, de la femme, des étudiants, des travailleurs, des ressources minérales, aux oulémas musulmans en leur demandant de proposer des solutions islamiques à chacune de ces questions ». Ceci s’appuie sur la conception de l’ijtihad qui a pour rôle d’assurer le lien entre le texte sacré et la compréhension humaine des besoins nouveaux. L’ijtihad est composé de deux éléments : « un élément divin qui est le texte révélé et un élément individuel qui est l’entendement du ‘’moujtahid’’ », qui grâce à « cet entendement et sa déduction issue de son expérience et de sa pratique, et de ses propres constituants, l’ijtihad se met en mouvement et se développe (…)»
C’est sur cet effort de réflexion (ijtihad) entreprise que l’Imam Al-Sadr s’appuie pour s’éloigner des formules anciennes et historiques qui n’ont pas pu rassembler les musulmans et leur permettre de s’appuyer sur des textes communs, contrairement à la nouvelle situation : « après que la ‘’porte’’ de l’ijtihad ait été ouverte au lieu des avis technologiques (fatwas), la différence entre les écoles s’est atténuée, et la rencontre est devenue possible ». Il s’appuie sur ce même moyen d’ijtihad pour apporter des solutions aux questions qui se heurtaient jadis à un refus ou à une mauvaise compréhension rigide et immature, comme le cas de l’assurance-vie ou l’assurance contre les accidents, qu’il a considérés comme des points positifs, après avoir étudié minutieusement la question, rejetant l’idée que l’assurance est une forme de jeu de hasard. Il en est de même pour la conception de la pauvreté dont les applications ont changé au fur et à mesure que le niveau de vie des humains évoluait.
2- Evolution des méthodes et des mécanismes de modernisation grâce à la fondation d’institutions modernes actives et le soutien aux institutions en place, dont celle du rapprochement entre les écoles, ou les instituts de recherches islamiques, incitant celles-ci à adopter des méthodes scientifiques dans leur approche des sujets, comme le fait de mener des statistiques, des études sociales et politiques, l’utilisation des moyens modernes d’éducation et d’information, en vue de suivre les situations des musulmans dans le monde et de s’adresser à l’opinion publique.
L’Imam Al-Sadr a insisté dans son message (document) au mufti de la République libanaise sur cet aspect scientifique, car toutes propositions unitaires qu’il a avancées « ont besoin instamment d’études précises pour les exécuter et pour définir les responsabilités y afférentes, pour mobiliser les forces des musulmans dans le monde et es personnes aux consciences vives et intentions sincères partout dans le monde.»
C’est pourquoi il a appelé le mufti Khalid à une participation effective à ces devoirs unitaires, en leur consacrant tous les efforts possibles, en étudiant en commun les programmes et les moyens pour faciliter et consolider la coordination des activités. C’est là que se manifeste l’esprit d’organisation et scientifique de l’Imam Al-Sadr, qui souhaite traiter les problèmes des musulmans par une méthodologie précise, contemporaine et efficace, en conformité avec les exigences de l’époque et la modernité.
(La suite dans le prochain numéro)
Source : la Sakina N°22
C’est la même menace qui pèse sur le Mali; et appelez ça comme vous voulez: Aqmi, Al-Qaïda, Salafisme, islam-intégriste, Ansar Dine, MUJAO, Boko-haram, Chiisme, Sunnisme, c’est la même réalité politico-religieuse dont la vraie appellation est le Wahhabisme (ou Wahhabia sous nos lattitudes) ici financé par l’Arabie Saoudite et le Qatar. Une véritable menace sur la laïcité et les fondements de la république dont se soucie comme d’une guigne la bourgeoisie islamo-compradore pourrie du Mali et faute d’une pensée autonome de nos réalités propres.
Les ethno-sécessionnistes touaregs ne sont pas mieux; sauf pour les félons de l’ONU-UE-UA-CEDEAO qui appellent à ne sanctionner que ceux liés à al-Qaïda et sans doute exclus des négociations et compromis à venir.
Alors, que promettent-t-ils les vendus de l’ONU-UE-UA-CEDEAO aux autres, contre l’unité et la souveraineté du Mali?
Pure hypocrisie ! Les uns et les autres sont soutenus par les mêmes : les intérêts occidentaux du pétrole et des mines, c’est-à-dire l’impérialisme occidental et ses sous-fifres du wahhabisme intégriste que sont le Qatar et l’Arabie Saoudite, en plus des bourgeoisies islamo-compradores pourries du Mali et du Sahel.
Face à cette question de toutes les trahisons, il est important pour le peuple malien de ne laisser l’initiative à aucun fantoche du néocolonialisme et de l’impérialisme.
Suivez ce lien édifiant : http://www.marianne2.fr/Au-Mali-le-Qatar-investit-dans-le-djihadisme_a220404.html
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