La communauté musulmane s’apprête à célébrer demain mercredi Laylat al-Qadr (la Nuit du Destin). Cette 27e nuit du ramadan est considérée comme la plus sainte de l’année. Cette année, dans le cadre de sa célébration, les musulmans sont confrontés à de nombreuses contraintes. Malgré tout, certains n’abdiquent pas. La foi l’emportant sur les difficultés du moment.
La célébration de la Nuit du Destin cette année intervient dans un contexte particulier et difficile occasionné par une crise sanitaire mondiale. En effet, avec la propagation de la maladie à Coronavirus et ses mesures restrictives, les musulmans ne pourront pas célébrer, comme ils en avaient l’habitude, cette nuit commémorant celle au cours de laquelle Allah a révélé le Coran au prophète Muhammad (Paix et Salut sur Lui) pour la simple raison de cette crise sanitaire qui a eu également comme corollaire une crise financière.
La Nuit du Destin est une nuit où les musulmans multiplient les actes d’adoration, les invocations, notamment les prières et la récitation du Coran. Pour cela, beaucoup de personnes se rendaient dans les mosquées ou chez leurs prêcheurs préférés pour la célébrer. Mais avec la maladie à Coronavirus et ses mesures restrictives, nombreuses sont les personnes prêtes à abandonner cette pratique cette année. Même si les lieux de culte ne sont toujours pas officiellement fermés, beaucoup de personnes disent le faire par mesure de précaution. “Avec la mesure de distanciation sociale préconisée par les autorités sanitaires, j’ai décidé de ne participer à aucune prière collective encore moins assister à un prêche. C’est regrettable, mais je le fais pour ma propre santé et celle des autres”, se justifie Amadou Koné, un fidèle musulman rencontré à Lafiabougou. Pour compenser, notre interlocuteur espère se racheter en priant seul à la maison.: “Néanmoins, je compte faire de mon mieux à la maison en priant seul pour ne pas laisser passer cette belle rarissime occasion de l’année“.
Mais à entendre d’autres fidèles parler, l’habitude est une seconde nature. Et pour aucune menace du monde, ils ne sont pas prêts à l’abandonner. “Depuis le début du mois de ramadan jusqu’à ce jour, je n’ai raté aucune prière collective de vendredi ni celle du soir d’après rupture du jeûne. Donc ne vois pas de raison pour laquelle je ne vais pas assister au prêche comme d’ordinaire pour célébrer la nuit la plus sainte de l’année “, répond de son côté N’Fally Mariko, un fervent disciple du prêcheur Maky Bah.
Comme l’habitude des fidèles, la situation difficile a, aussi, eu des répercussions sur la générosité des fidèles. Contrairement aux précédentes Nuits du Destin, celle de cette année ne sera pas célébrée de la même manière pour Doussou Traoré, Cette généreuse restauratrice de nuit qui a l’habitude d’apporter de la nourriture en quantité et en qualité à une mosquée avoisinante. Non épargnée par les conséquences du Coronavirus notamment le couvre-feu qui vient d’être levé il y a juste quelques jours, elle avoue être peinée de ne pas être en mesure de perpétuer pleinement une tradition. “Mes affaires ont été perturbées pendant la période du couvre-feu car on ne pouvait pas vendre pendant la nuit. Cela a impacté mon revenu. Cette situation me pousse à regarder un peu à la dépense pour pouvoir tenir le coup difficile du moment”, a-t-elle expliqué ajoutant que : “Je vais essayer de respecter une tradition malgré la situation difficile. En tout cas je suis peinée de ne pas pouvoir le faire comme je le souhaite. Mais Dieu connait déjà mon intention. Ça c’est l’essentiel“.
Aux dires de plusieurs leaders religieux, ils célébreront la Nuit du Destin avec leurs fidèles malgré l’interdiction de tout regroupement de plus de 50 personnes. Même si les infrastructures étatiques tels que les stades ou autres grands carrefours ne seront pas mises à leur disposition, ils se préparent pour la fêter dans leurs mosquées ou chez eux.
Alassane Cissouma
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Abdoulaye Coulibaly, chef de famille :
“Le sourire de mes enfants n’a pas de prix“
Abdoulaye Coulibaly âgé de 43 ans est commerçant (propriétaire d’une quincaillerie) à N’golonina et marié et père de 6 enfants (3 filles et 3 garçons). Issu d’une grande famille, il est à la charge de sa propre famille, de ses parents et soutient ses frères et sœurs.
“Très jeune, j’ai commencé à travailler pour aider mon père dans les dépenses. J’ai arrêté l’école coranique pour venir en aide à ma famille. Mon père était le seul qui s’occupait de la famille. Je me suis marié très jeune pour me responsabiliser et me faire une place dans la société“, explique M. Coulibaly.
“Malgré la crise économique du pays, je fais de mon mieux pour subvenir aux besoins et caprices de ma famille. Depuis le début de la pandémie, tout est passé en mode ralenti. Et les affaires ont chuté, surtout pour nous les commerçants qui vivons de notre commerce. Et ce n’est pas facile de vivre le jour au jour avec deux femmes et plusieurs enfants à notre charge en plus des parents“, ajoute Abdoulaye.
“En ce temps de fête, le marché est lent, les clients se font rares. On ne sent même pas qu’il y’a eu fête à l’horizon. Les autres années, la fête se sentait depuis le 15ème jour du ramadan or cette année, cela n’est pas le cas. Chaque fête, je dépense une fortune pour l’habillement de mes enfants, et mes neveux ainsi que mes parents. Et tout ça je le fais avec grand amour, parce que le sourire sur leur visage en ce moment n’a pas de prix. Je donnerais tout rien que pour les rendre heureux“, témoigne M. Coulibaly.
“Je me bats pour que ma famille ne manque de rien. Je suis dans 4 tontines de bœuf pour que ma famille soit comblé et heureux le jour de la fête. Ma famille est force pour moi, et grâce à elle j’ai la force d’affronter cette crise et Insha’Allah je la surmonterais avec son aide et son amour. Ma famille c’est ma vie et je ferais tout pour qu’elle n’envie personne sur cette terre“, se réjouit Abdoulaye.
Sira Diarra