En 1988, le recensement au Sénégal avait enregistré 1,6% d’Animistes, et 4,3% de Chrétiens, pour la plupart, des Catholiques : à cette date, c’était la couche la plus influente, sur le plan politique et économique.
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Ce fait est du aux vingt ans de pouvoir -1960-1980- de l’ancien Président, Léopold Sédar Senghor. La couche intellectuelle et citadine est représentée à 47,4% par les Tidianes, à 30,1% par les Mourides, et à 4,8% par les autres confréries musulmanes.
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Une organisation religieuse
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La confrérie Soufi fut fondée vers 1883 -à l’époque coloniale- par Cheick Ahmadou Bamba qui vécut de 1852 à 1927. Elle est dirigée par un Chef suprême : le Calife général, qui est aussi l’héritier biologique et spirituel du fondateur.
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En 2003, le mouvement Mouride comptait 3 millions d’adeptes, essentiellement au Sénégal, mais aussi en Occident et aux Etats Unis. De nos jours, la confrérie rassemble plus du double de ces adhérents, répartis en Afrique et à travers le monde.
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En Mai 2003, un ancien candidat à la présidentielle et fondateur d’un petit parti pro islamiste avait provoqué de vifs tollés, pour avoir publiquement réclamé… l’instauration d’un Comité Islamique de Réforme du Code de la Famille (CIRCOF).
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Bien que tout de suite rejetée par le Président Abdoulaye Wade, cette proposition -que bien des Sénégalais avaient assimilé à une tentative d’islamiser le pays- avait semé de virulentes diatribes au sein des médias et d’une grande frange de la population.
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C’est que depuis son arrivée au pouvoir, les thèses islamistes sont entrées en politique. D’autre part, Wade entretient de solides relations avec la confrérie Mouride de Touba : il y disposerait d’une suite présidentielle où il passe très souvent ses week-ends.
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Une grosse part des revenus des expatriés adhérents de la Confrérie revient à cette dernière, et est destinée, en particulier, à l’édification de la ville de Touba.
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Plus que celle de l’autre confrérie des Tidianes, l’organisation de la vie des disciples Mourides est essentiellement régie par les marabouts et chefs réligieux. Le pouvoir de décision de ces derniers apparaît encore plus frappant dans la “Ville sainte”.
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Un mode de vie singulier
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Touba est à deux heures de route de Dakar et en 2003, la ville comptait plus d’un million d’âmes, contre 300 OOO en 1999. Son immense mosquée, érigée en 1964, est la plus haute d’Afrique de l’Ouest : elle mesure… 86 mètres ! Les citoyens des autres confessions religieuses accèdent difficilement à Touba. Les visiteurs et leurs véhicules y subissent un contrôle de la police du Calife.
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A Touba règne une atmosphère austère. Des chants distillés à tue-tête par des haut-parleurs remplacent les sons du sabar, du mbalak et autres vocalises. Les bars, le cinéma, les spectacles, le sport…, rien de tout cela n’est autorisé dans la Cité ! Même la cigarette et les jupes ne font pas partie du paysage.
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Et pourtant, les femmes ne sont pas voilées à Touba, bien qu’il leur soit recommandé un port vestimentaire décent. C’est qu’ici, la “Djihad” -guerre sainte- est non seulement perçue sous un angle pacifique, mais la femme joue un rôle capital dans la société. Mieux, pour le Mouride, c’est le travail qui constitue un moyen de sanctification, aussi important que la prière.
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Calèches et taxis y font fortune, mais les voitures respectent le code de la route… en roulant à gauche. Seuls les talibés -disciples- du Calife sont chargés du service d’ordre.
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Pour les cas de force majeure, une gendarmerie est installée… hors de la ville. Le nombre de gendarmes de Touba, tenu secret, avoisine la trentaine, mais aucune intervention ne peut s’y faire sans l’accord du Calife. Et si le Commandant de cette Brigade spéciale déplaît au Calife, il est immédiatement révoqué. “Les gendarmes le savent si bien qu’ils se mettent à carreau”, affirme un magistrat sénégalais.
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Rien d’étonnant donc que l’incivisme sévisse à Touba, puisqu’en plus, les représentants de l’Etat n’y ont pas droit de cité. Si bien que très souvent, des escrocs et criminels de droit commun y trouvent refuge, en se plaçant sous la protection d’un chef religieux.
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Un juge d’instruction de Dakar témoigne : ”Parfois, de violents conflits se multiplient à Touba… Il n’y existe aucun titre foncier, et il suffit qu’un chef religieux donne une terre à un disciple pour qu’il en soit propriétaire. Parfois, des marabouts rivaux attribuent la même propriété à plusieurs personnes. Et les autres Sénégalais s’en trouvent ainsi lésés.”
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Et d’atouter : “Les Mourides de Touba ne paient ni impôts, ni taxes. En plus de bénéficier d’appuis et infrastructures financés par les contribuables sénégalais, ils font très souvent de l’import-export et cette activité est considérée, par beaucoup de Sénégalais, comme une concurrence déloyale.”
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Un chauffeur de taxi avoue sans gêne ni scrupule : "Ici, je ne paie pas de patente. On ne paie même pas l’eau. Et mon marabout m’a donné une terre. Je n’aurais jamais bénéficié de ces avantages si j’étais hors de Touba.”
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Comme en guise de protestation, un chef religieux de la ville déclare : “La ville gère un budget de 8 milliards de FCFA. Depuis que Wade est au pouvoir, on se sent enfin compris.”
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Mais cet autre Sénégalais est plutôt amer : “Les autres Sénégalais ne supportent pas ce privilège de gaieté de coeur. Ils ont l’impression d’être traités comme des citoyens de seconde zone. Et ils pensent que les principes de laïcité sont remis en cause. Le Président a tort de jouer avec cette carte confrérique. Les Mourides sont économiquement puissants, certes, mais ils ne sont pas majoritaires au Sénégal.”
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Oumar DIAWARA
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