Histoire des musulmans en Europe : L’historienne Jocelyne Dakhlia fait le point

0

L’Institut des Sciences Humaines a servi de cadre le jeudi 15 février dernier pour une conférence-débat dont le thème était : « les musulmans dans l’histoire de l’Europe : une intégration invisible ». La conférence était animée par  Professeur  Jocelyne Dakhlia, historienne-chercheuse franco-tunisienne.

Selon la conférencière, la  présence des musulmans en Europe de l’Ouest ne relève pas d’une histoire récente, qui aurait débuté avec la colonisation de l’Afrique au XIXe siècle.

« Nombreux étaient les galériens, les ambassadeurs ou les Morisques c’est à dire  les musulmans convertis au christianisme après la reconquista, mais accusés pour certains d’être restés secrètement fidèles à leur confession, composant des groupes clairement identifiés et prétendument tenus à l’écart de la société », a-t-elle expliqué. Pour elle, leur identification était difficile.

« L’identification des “Turcs”, “Maures” et “Mahométans” dont parlent les documents de l’époque moderne n’a pourtant rien d’évident. Force est de constater que les hommes d’alors n’avaient pas toujours les idées très claires à ce sujet, les confondant fréquemment avec les chrétiens orientaux, les juifs ou les musulmans convertis. L’appartenance confessionnelle n’apparaît pas dès lors, comme le seul critère dans le processus d’identification à l’image de ce qu’on observe dans le cas plus général des étrangers…. », a-t-elle fait savoir. Avant de souligner que c’est ce que permet de démontrer l’analyse des figures jusqu’alors moins connues des historiens, esclaves pour certains affranchis, marchands de tissus, petits artisans, bouffons, barbiers….

A en croire la conférencière, le problème semble d’abord méthodologique parce qu’il n’est pas toujours aisé d’identifier les personnes de confession ou d’origine islamique.

« Mon devoir est d’amener à reconstituer cette pratique. Ce n’est pas l’Islam qui pose problème mais le statut de l’égalité », a-t-elle déclaré.

Selon elle, les appartenances étaient un enjeu social, déterminées par le métier, le quartier d’habitation, le lien familial, la fidélité et le patronage.
« Le propos n’est certes pas de nier la dimension conflictuelle que recouvraient fréquemment les relations entre chrétiens et musulmans, ni l’importance du phénomène de la captivité et de l’esclavage. Mais la domination, le rapport entre maître et serviteur et la violence contre les captifs conduisaient, elles aussi, à une forme d’assimilation. A l’échelle microsociale, les accommodements et les situations d’interconnaissance permettaient l’intégration, facilitée encore par l’affranchissement fréquent des esclaves », a-t-elle souligné.

D’après elle, la conversion forcée ou pas, constituait une étape importante dans ce processus. Et le baptême apparaissait plutôt comme l’aboutissement d’une progressive insertion dans la société chrétienne.

« Et si les conversions furent nombreuses, elles n’étaient pas systématiques. En réalité, les musulmans étaient non seulement acceptés, mais leur présence comme leur culte n’étaient pas, loin de là, systématiquement stigmatisés. Les différentes études de cas permettent de mesurer combien la place des musulmans et leur inscription dans les débats sur les statuts, le droit et la citoyenneté variaient d’un espace et d’une époque à l’autre… », a-t-elle indiqué.

Des musulmans peuvent-ils être européens ? Des Européens peuvent-ils être musulmans ? La question est au cœur des propos de ces historiens qui affirment clairement leur volonté de prendre part aux débats civiques contemporains. L’actualité d’un tel thème de recherche a nourri leur travail et l’exploration des concepts d’assimilation et d’intégration a fondé leurs discussions.

AouaTraoré

Commentaires via Facebook :