L’Islam est une religion de paix et de tolérance, en tout cas, selon les écritures Sacrées du Saint Coran. Les fidèles, jeunes et vieux de la Mosquée Bambara (Bamanan-Missiri) de Médina-Coura ont certainement une autre lecture de ces versets. Ici, l’on hésite plus à s’armer de machettes pour s’y rendre dans la perspective d’un règlement de comptes en bonne et due forme. Le chef de quartier, un des médiateurs du conflit ne veut plus prendre de risque.
Satan semble avoir une prise sur ce lieu de culte pourtant dévolu à Dieu. Depuis plusieurs mois maintenant, une forte tension existe entre les fidèles, jeunes et vieux. Il serait fastidieux ici d’évoquer tous les contours de l’affaire. On retiendra seulement que c’est la question de l’Imamat et celle relative à la gestion de la caisse de ladite Mosquée qui sont à l’origine profonde des prises de bec désormais fréquentes.
Le premier Imam ayant été déclaré impotent (à cause d’un mal mystérieux qui le ronge) a été prié par une partie des fidèles de prendre congé jusqu’à sa guérison complète. Certains ont, en effet estimé, à tort ou à raison, qu’il n’accomplissait plus correctement les rites de la prière selon la chari’a à cause de son mal. Mais pour l’Imam lui-même et son clan, il n’en était rien. La prière s’effectuait correctement. Appelé à trancher la question, l’intervention de feu Soumaïla Dramé ne put malheureusement pas calmer les tensions. Non plus celle de l’AMUPI. Le clan de l’Imam crut à un complot orchestré par l’autre auquel est membre le Caissier du Comité de gestion de ladite Mosquée. Ce dernier était farouchement opposé à l’Imam pour des raisons évoquées plus haut. Il finit par démissionner. Et presqu’au même moment, l’Imam, en plus de sa mystérieuse maladie, fut victime d’un accident à l’origine de la fracture de sa jambe. Il n’était plus question pour lui de diriger les prières. Naturellement, la victime et son clan furent confortés dans l’idée que le clan adversaire, par des procédés mystiques, était parvenu à mettre l’Imam dans cet état, c’est-à-dire, dans l’incapacité totale de diriger la prière.
Avec la venue d’un nouveau Caissier et la mise à l’écart de l’Imam à son tour remplacé par un autre, les tensions auraient dû baisser. Il n’en est rien, aujourd’hui. Les deux clans continuent de s’affronter, chacun voyant la main de l’un ou l’autre ténor dans la gestion de la crise.
C’est visiblement la caisse qui pose aujourd’hui problème. On image pourquoi. La mosquée étant en rénovation, les cotisations et quêtes affluent désormais. Afin de s’attirer le maximum de soutien des fidèles, les deux clans ont approché les jeunes du quartier lesquels ont la particularité d’être bien organisés et très influents. Des réunions se tiennent en catimini souvent chez le chef de quartier. Ce dernier M. Bamoussa Touré ne semble pas vouloir se mouille dans l’affaire. Il évite soigneusement lui-même de se rendre dans cette mosquée depuis que certains échos lui sont parvenus : des fidèles des deux clans s’arment désormais de machettes pour se rendre à la prière. Pas rassurant pour un vieux qui n’a plus ses jambes d’antan pour courir.
Cette mosquée, force est de dire, est un cas. L’on se souvient qu’un forcené, opposé au mariage religieux de sa soeur à un individu contre lequel il avait des griefs, s’arma d’une machette et fit irruption dans la mosquée menaçant de décapiter l’Imam si jamais il célébrait l’Union. Naturellement, il fallu attendre plusieurs heures ce jour et l’intervention de la famille du «très-fâché» pour ramener le calme et poursuivre le rituel.
Le tempérament des fidèles d’ici est intimement lié à leur environ et à leurs histoires. Le quartier était appelé «Sofa-Kin», c’est à dire le domaine des «Sofas», les soldats d’élites de l’armée de Samory Touré. Après la défaite de Woyowayanko, les troupes de l’Almamy furent démobilisées et conduites à cet endroit pour y demeurées. C’était une manière de les surveiller par la garnison militaire installée à côté. Nombre d’entre eux furent plus tard recrutés par l’Armée Française à la faveur de la guerre 14-18. Leurs descendants participèrent à la seconde grande guerre (39-45) et à celle d’Indochine. Les survivants, à leur retour, se dispersèrent dans le quartier et fondèrent des zones d’habitation aux noms souvent évocateurs comme «Kafri-carré» ou le «carré des grands cafres» (des non-Musulmans) . L’on ne sait si c’est un hasard si les toutes premières échauffourées de Mars 1991 ont justement commencé là. Ce n’est pas non plus un hasard si le fief des gros bras maliens, médaillés d’or dans la discipline au plan continental, se trouve justement là. Il s’agit, en tout état de cause, d’une population belliqueuse dans l’âme. L’Islam vint plus tard adoucir les moeurs, mais il suffit d’un rien pour que les vieux démons ressurgissent.
L’affaire de cette mosquée risque fort d’être l’étincelle qui mettra le feu à la poudre si les autorités n’anticipent pas. Ailleurs, sous d’autres cieux et pour des raisons d’ordre clanique et de secte, les mosquées sont le théâtre de véritables carnages entre fidèles.
B.S. Diarra“