Les années passent et la France se sécularise. Selon un recoupement d’études récentes, s’ils étaient 80 % à se dire catholiques en 1966, ils ne sont plus que 51 % en 2007. Aujourd’hui, peu pratiquent : à peine 5 % vont régulièrement à la messe, des gens âgés. Si le protestantisme reste stable, revendiqué par 2,1 % des Français, comme la religion juive, 0,6 %, l’athéisme progresse. En 2012, 35 % de la population et 63 % des 18-24 a ns se disent “sans religion”.
Pendant ce temps, l’islam, seconde religion de France, a vu le nombre de ses fidèles doubler en France avec 2,1 millions de musulmans “déclarés” (3,2 % de la population) et 800 000 pratiquants, soit un tiers des immigrés venus de pays musulmans et de leurs descendants. Beaucoup sont français. Et les plus pratiquants sont les plus jeunes. Des études de Sciences Po en 2005 et du Pew Research Center en 2006 l’annonçaient. Le rapport de 2011 “Banlieue de la République”, du politologue Gilles Kepel, une enquête sur la jeunesse de Clichy-sous-Bois et Montfermeil (deux communes de Seine-Saint-Denis), hauts lieux des émeutes de l’automne 2005, le confirme. “Dans ces banlieues, dit Kepel, le grand récit fondateur de la France moderne selon lequel la nation était toujours capable d’intégrer a été mis à mal. La colère et l’islam se sont développés partout où la République a échoué.”
Bien sûr, la Clichy musulmane décrite par Kepel n’est pas toute la banlieue, et des enquêtes nuancent la montée de cette islamisation. La grande majorité de ces jeunes des cités espère réussir en France, s’inscrit sur les listes électorales, surfe sur Internet, baigne dans la culture mondialisée, développe des “sous-cultures” originales. Ils s’intègrent sans se dissoudre. Une étude du Pew Research Center de 2006 remarque que 72 % des Français musulmans ne ressentent pas “un conflit naturel entre le fait de pratiquer l’islam et le fait de vivre dans une société moderne”. Cela fait dire aux alarmistes que 28 % voient un conflit entre leur religion et les lois de la République. Ils ajoutent que ce sondage a déjà six ans.
Pour en avoir le coeur net, le sociologue Hugues Lagrange, directeur de recherche au CNRS, a croisé, pour une étude à paraître en 2013, les dernières grandes études sur la pratique de l’islam en France – les enquêtes de l’Institut national des études démographiques, “Trajectoires et origines” et “Mobilité géographique et insertion sociale” ; de l’Institut des sciences sociales du politique ; du WVS (World Values Survey) ; du Centre de recherches politiques de Sciences Po et du ministère de l’intérieur) – dont nous donnons ici les principaux résultats. Il constate que l’“affirmation musulmane” se généralise chez les Français de 18-25 ans issus de l’immigration du Maghreb, du Sahel et de Turquie. Ils respectent à 90 % les prescriptions alimentaires et le ramadan. La présence régulière à la prière atteint 30 % chez les 21-25 ans alors qu’elle est inférieure à 20 % pour les plus de 40 ans. Quant à “l’importance accordée à l’éducation religieuse”, comme au mariage religieux, elle augmente chez les 21-25 ans, plus encore chez ceux nés ou arrivés jeunes en France.
D’autres enquêtes confirment que de plus en plus de jeunes musulmans français se démarquent de la pratique discrète et intime de leurs parents. Depuis une dizaine d’années, certains développent un mode de vie “halal” ostensible, associé à des prescriptions morales. Parmi ceux-là, séduite par les salafistes – des piétistes radicaux qui seraient une dizaine de milliers en France d’après le sociologue Samir Amghar, de l’EHESS -, une minorité prône une “rupture islamique rigide” avec l’environnement européen, soupçonné d’aliéner son identité, ainsi que des normes fortes sur les moeurs, la sexualité, le comportement des femmes, le mariage entre musulmans, la virginité et les tenues des filles – sansoublier, selon Gilles Kepel et plusieurs autres, un antisémitisme et un antisionisme affirmés.
Hugues Lagrange résume ces tendances : “La résurgence des pratiques cultuelles et la religiosité augmentent chez les immigrés venus en France avant l’âge de 16 ans et chez les Français descendants d’immigrés, mais pas chez les immigrés arrivés à l’âge adulte.”
Ces enquêtes ont surpris. Jusque récemment, nombre de défenseurs de l’intégration et de la laïcité, des républicains, prédisaient que les nouvelles générations s’éloigneraient de l’islam. Or, l’inverse se produit. Cette réalité confirme “l’analyse classique”, remarque M. Lagrange, selon laquelle il existe une corrélation entre inégalité, échec scolaire, chômage durable, ségrégation et l’importance accordée à la religion : voir son avenir “terrestre” fermé renforce la croyance et le fait de pratiquer.
Cette corrélation a été confirmée par des enquêtes de sociologie de 2009 menées dans 28 pays, ainsi que par toutes celles qui, en France, depuis trente ans, ont bien décrypté les difficultés et les discriminations que rencontrent les enfants d’immigrés.
Mais ni le chômage ni les inégalités, ajoute Hugues Lagrange, ne suffisent àexpliquer pourquoi les jeunes descendants d’immigrés, souvent français, se montrent plus religieux que les immigrés âgés et précarisés. D’autres facteurs jouent. Notamment culturels et interculturels. Ainsi, le fait que “le sentiment de relégation sociale” soit très sensible chez les secondes générations les éloigne de la culture européenne. De ses modes de vie, ses valeurs concernant les moeurs, la place des femmes, de son irréligiosité. Aussi, “les valeurs traditionnelles et familiales des pays d’origine en sont plus prégnantes et pérennes, et les jeunes en ressentent une forte exigence d’affirmer leur identité”. Faute de la trouver à l’école ou au travail, ils cherchent cette identité dans leur culture – et dans l’islam.
C’est ce que confirme l’enquête “Trajectoires et origines”, de l’Institut national d’études démographiques (INED) : les nouveaux Français “qui vivent dans les “quartiers immigrés” sont sensiblement plus religieux que ceux qui sont dispersés dans des “quartiers mélangés””. Pourquoi ? Faute d’échanges interculturels, constate Lagrange. En plus d’un repli sur la religion, l’isolement réduit les contacts avec la population “majoritaire”, ce qui “limite le brassage des manières de vivre et des croyances”. De la même façon, l’enquête de l’INED montre que les enfants nés dans des couples mixtes, de plus en plus nombreux, sont moins religieux :“La dissonance du couple, la double culture, va dans le sens d’une moindre islamisation.” Lagrange ajoute enfin : “Pour les jeunes ayant réussi leurs études ou vivant loin des cités, l’islam est un islam d’Europe, plus moderniste, marqué par une foi plus personnalisée.” Il conclut, en sociologue webérien pour qui culture et données sociales s’entremêlent : “La religiosité est un élément de construction identitaire satisfaisante autant qu’une consolation. Cela suggère de ne pas sefocaliser sur les seules perspectives de l’intégration et de l’assimilation et d’envisager les attitudes religieuses des immigrés et descendants d’immigrés comme des constructions culturelles, à la fois morales et politiques, éventuellement oppositionnelles.”
Ce n’est pas la première fois qu’Hugues Lagrange met en avant des facteurs culturels pour décrypter la vie des nouveaux arrivants. En 2010, le sociologue s’est fait connaître par un ouvrage au titre intriguant, Le Déni des cultures (Seuil), qui a soulevé une énorme polémique. Il s’agit d’une enquête quantitative, menée pendant sept ans auprès des familles africaines de cinq cohortes d’élèves de 11 à 17 ans des quartiers immigrés de la communauté d’agglomération de Mantes-en-Yvelines, du 18e arrondissement de Paris et de Saint-Herblain, en banlieue nantaise. Lagrange y décrit dans le détail comment les rêves d’intégration des années 1960 ont été bafoués. Il raconte le chômage, l’entassement dans les logements, l’abandon des services publics, l’échec scolaire.
Mais le titre du livre indique que le sociologue aborde un sujet tabou : le lien entre la culture d’origine d’une personne, ses coutumes, sa religion, sa conception de lafamille, des femmes, etc. et son parcours en France. Comment ces données jouent-elles dans la scolarisation, la réussite, la délinquance ? Une analyse du livre qui a choqué s’intéresse au nombre significatif d’“inconduites répétées” et d’échecs scolaires constatés parmi les jeunes et les très jeunes (avant 16 ans) originaires du Sahel (Sénégal, Mali, Mauritanie, Sud algérien, Niger). Le fait de vivredans une famille nombreuse, parfois monoparentale, parfois polygame, où la mère a traditionnellement peu d’emprise sur les garçons, où le père se doit d’aider les siens restés au pays, ne facilite pas la scolarisation, constate Lagrange : le français est moins parlé qu’ailleurs, la concentration à l’étude n’est pas encouragée, le passage du village et ses coutumes à la banlieue joue dans la méconnaissance de l’école – peu d’enfants profitent d’un soutien scolaire et sont préscolarisés -, les phénomènes de bandes et de clans enrôlent les plus jeunes.
Bien sûr, les mentalités changent, il y a des réussites individuelles, ajoute Lagrange, mais on mesure l’importance des traditions sur la scolarisation quand on compare par exemple avec les familles asiatiques : “Plusieurs enquêtes montrent que les jeunes Chinois bénéficient d’habitudes familiales très exigeantes propices à la réussite scolaire, jusque dans les familles les plus modestes de serveurs et de plongeurs.”
Lagrange pense qu’une société de migration ne doit pas fermer les yeux sur les traditions culturelles des arrivants. Qu’elles soient acceptées ou réprimées, elles survivent toujours au coeur des sociétés d’accueil. “L’Histoire montre que la proscription des croyances induit un maintien des identités anciennes. Ainsi, dans l’Empire romain après Constantin, les cultes des divinités domestiques se perpétuent longtemps. Les juifs marranes se sont constitués après la terrible répression de l’Inquisition. Et les catholiques d’Ulster témoignent de la force imprimée aux identités minoritaires par l’hostilité, le mépris et la répression…”
Voilà pourquoi, au terme de son enquête, il conclut qu’il faut adapter les politiques d’intégration, propose la scolarisation précoce des enfants sahéliens et de donnerdu pouvoir aux mères (“empowerment”) par diverses mesures : microcrédit, économie solidaire, allocations indirectes. Il recommande aussi une politique d’incitation à la mixité sociale : construire des zones résidentielles avec les enfants d’immigrés “qui ont réussi” à proximité des cités où ils sont nés, relogerdes familles dans des quartiers cosmopolites. Il préconise encore d’inciterfiscalement les entreprises à s’installer en banlieue et d’encourager les collectivités à investir dans les associations culturelles et sportives.
Il reprend par ailleurs l’idée d’une “discrimination méritocratique” des enfants des quartiers immigrés, défendue par l’historien et politologue Patrick Weil, et rappelle l’importance de former des imams respectueux de la République : la diffusion de l’islam modéré a fait reculer la délinquance dans des cités et les prisons. Selon Hugues Lagrange, il faut se méfier des politiques de la ville généralistes, considérer la pluralité des migrations, tenir compte des différences de bagage culturel, mener des politiques ciblées et volontaristes.
Revenons au titre du livre, Le Déni des cultures. Qui les dénie ? Les défenseurs de l’esprit républicain laïque, universaliste, qui rêvent d’intégrer les nouveaux venus sans tenir compte de l’importance du fait culturel et religieux dans l’histoire de l’immigration. Mais aussi une bonne part des collègues sociologues de l’auteur, de responsables politiques de gauche comme de droite ou de militants qui répètent à l’envi : si l’islam séduit les jeunes, c’est avant tout pour des raisons économiques, sociales, de discrimination . Les raisons culturelles ? Elles leurs semblent secondaires…
Lagrange prend largement en compte l’ostracisme social dans ses recherches, mais d’ajouter des facteurs culturels a valu à son livre une volée de bois vert. On trouve pas moins de dix articles à charge sur le site “Délinquance, justice et autres questions de société”, dont le rédacteur en chef, Laurent Mucchielli, est une figure de la sociologie de la délinquance et du racisme. Tous s’en prennent à l’approche de Lagrange. Pour eux, il enferme les immigrés et leurs enfants dans la cage de leurs traditions. Certains l’accusent de “racisme culturel”, car il sous-entendrait qu’ils sont incapables d’apprendre, de changer et de s’intégrer à la société européenne. Pour Laurent Mucchielli, insister sur les biais culturels, c’est accuserles immigrés de créer les problèmes qu’ils rencontrent tout en déniant les discriminations. Continue-t-il à critiquer Lagrange alors que les dernières enquêtes montrent l’essor des références islamiques – pour le moins culturelles – chez les jeunes ? Oui, dit-il au Monde : “En ciblant des ethnies et des pratiquants – les Sahéliens, les musulmans -, on les réduit à une définition, on trouve ce qu’on cherche, alors que tous ont des personnalités multiples, des vies plus riches. C’est très réducteur.”
Quant à l’importance que Lagrange accorde au poids des traditions autoritaires africaines et islamiques des pères et des frères sur les mères et les filles, d’autres sociologues la trouvent exagérée, rappelant que le patriarcat dominateur existe aussi dans la France profonde. Aors pourquoi tant insister sur celui des immigrés ?
Surpris et meurtri par ces tirs croisés, Lagrange s’est défendu, soutenu par plusieurs collègues, qui ont parlé de “lynchage”. Ils ont dénoncé un excès de sociologie néomarxiste empêtrée dans l’économisme, souvent marquée à l’extrême gauche, méconnaissant tout des courants des “études culturelles” et“interculturelles” vivaces dans les pays anglo-saxons depuis quarante ans, très attentives aux “sous-cultures” des jeunes immigrés, ce que Lagrange appelle un“nouveau syncrétisme” – qui est un champ important de recherche : par exemple, l’essor du mouvement halal en banlieue, que Gilles Kepel a étudié.
L’affaire Lagrange a pourtant fait bouger les lignes, d’autant que les données récentes sur l’islamisation des jeunes générations confortent sa réflexion, ainsi que celle des tenants de l’importance des études culturelles. Le sociologue Michel Kokoreff, professeur à Nancy-II, spécialiste des quartiers populaires et des phénomènes de bandes, a resitué l’enjeu du travail de son confrère dans un article de fond publié dans la revue La Vie des idées : “Il contribue à faire la sociologie de la société telle qu’elle est et non pas telle que nous voudrions qu’elle soit.” Ajoutant : “On sait les passions que suscite toute mise en cause de notre fameux modèle républicain d’intégration basé sur l’universalisme abstrait.”
C’est sans doute ce que beaucoup ne pardonnent pas à Lagrange et à d’autres chercheurs. Ils nous décrivent sans fard, avec nombre de romanciers, de cinéastes, de chanteurs, une société française irrémédiablement pluriethnique, multiculturelle, multiconfessionnelle. C’est le “creuset français”. Cela ne va pas sans confrontations et défis posés à la République. Ainsi, Vincent Tiberj, chercheur en sociologie de l’intégration, a été critiqué pour son enquête Français comme les autres ? (2005, coécrite avec Sylvain Brouard) sur les nouveaux citoyens d’origine maghrébine, africaine et turque. L’ouvrage montre qu’une grande majorité de la seconde génération se revendique comme française et valorise la réussite par le travail. Mais il montre aussi qu’elle diverge profondément des jeunes Français “majoritaires” sur trois domaines, très culturels : l’homophobie (deux fois plus répandue), les moeurs (endogamie, défense de la virginité avant le mariage, brutalité envers les filles), l’antisémitisme (39 % ont déclaré que “les juifs ont trop de pouvoir en France”, pour 20 % chez les autres). Vincent Tiberj, comme Lagrange, a été attaqué par des confrères lui reprochant de tirer des “conclusions péremptoires” d’échantillons mal définis. Quand on lui demande son avis, il répond: “Il faudrait continuer ce genre d’études, affiner les résultats.”
Ce n’est pas la première fois que des enquêtes pointent la montée de l’antisémitisme et du sexisme dans les banlieues. Mais qui l’étudie vraiment ? Beaucoup de chercheurs ont peur de stigmatiser les enfants immigrés. Ou deparasiter le phénomène majoritaire – la plupart s’intègrent bien. Ou de donner des arguments au Front national. En 2008, après une longue enquête, le sociologue Didier Lapeyronnie a décrit ce qu’il appelle un “ghetto français”, un “contre-monde”où vit une jeunesse ostracisée, “sans visage” sous les capuches, en butte au racisme, qui voit son existence filer sans la vivre. Alors, elle se révolte, mais aussi cherche des responsables et l’antisémitisme monte. Lapeyronnie en parle comme d’une forme de “socialisme des imbéciles” et de la misère, qui voit dans “le juif”son portrait à l’envers : riche, solidaire, communautaire, défendu par des droits, contrairement au jeune musulman.
Ces enquêtes permettent de mieux comprendre ce qui se joue, par exemple, dans l’inquiétante vague de tweets antisémites publiés avec le hashtag “#UnBonJuif” – plusieurs milliers d’utilisateurs – qui a déferlé sur le réseau social à la mi-octobre. Ou encore quand la police arrête en Seine-et-Marne une cellule radicale qui s’apprêtait à commettre des assassinats ciblés de juifs, révélant que l’assassin de Toulouse, Mohamed Merah, capable de tirer à bout portant sur des enfants juifs, n’est pas un fou isolé.
Le démographe Patrick Simon, un des directeurs de l’INED, a aussi été très critiqué par nombre de ses pairs pour avoir défendu l’usage prudent des“statistiques ethniques” afin de mieux identifier les trajectoires des migrants en France. Démarche raciste, dangereuse, qui rappelle la France de Vichy, a-t-on entendu. Mais pour Patrick Simon, le débat est dépassé et la France pluriethnique continue de progresser, bon an mal an. Lui aussi s’intéresse aux enquêtes interculturelles, “si peu citées dans la presse française”, qui décrivent sans détour la cohabitation des populations, les succès et les échecs.
“Les politiques devraient s’intéresser à ces études plutôt que de jeter de l’huile sur le feu, comme l’a fait Copé en réduisant le ramadan au vol d’un pain au chocolat”,dit M. Simon, qui a enquêté à Belleville (Paris 19e et 20e). La sociologue Véronique De Rudder, fondatrice de Remisis (site consacré aux relations interethniques), s’est penchée, elle, sur le marché d’Aligre (Paris 12e). Ce sont des quartiers où les minorités vivent côte à côte, travaillent, commercent, qu’il s’agisse de chinois, juifs, maghrébins, nouveaux Français, autochtones. Ces études montrent comment les gens s’arrangent avec leurs coutumes, passent des compromis, se bagarrent aussi. Ces quartiers ne sont pas à feu et à sang, les restaurants et les marchés continuent. On cohabite, même si c’est compliqué parfois.
Vivre dans une société multiconfessionnelle oblige notre démocratie laïque à défendre la tolérance tout en surveillant l’extension du domaine religieux – ce qu’on appelle au Canada les “accommodements raisonnables” entre la République et la diversité. Nous sommes loin d’aborder ces domaines de façon dépassionnée, regrette le philosophe Michel Terestchenko, auteur d’Un si fragile vernis d’humanité. Pour lui, “on assiste en France à un vrai blocage intellectuel sur ces questions. Nous préférons l’affrontement déraisonnable, crier au “communautarisme”,attaquer l’islam en général, plutôt que de réfléchir à la manière de vivre ensemble en se respectant, passant des compromis, et trouvant des consensus”.
LE MONDE | 01.11.2012 à 14h22 Par Frédéric Joignot