Chefferie traditionnelle à Djoliba : Succession dans la bonne tradition

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Le Président IBK rencontre les notabilités traditionnelles et religieuses de Mopti
Le Président IBK rencontre les notabilités traditionnelles et religieuses de Mopti (18 mars 2014)

Le patriarche Kindia Balla Keïta a été intronisé comme le 30è chef de village au cours d’un rituel rodé.

 

Ce dimanche 16 mars était un jour particulier à Djoliba, un village de la commune du Mandé (cercle de Kati). Et pour cause : la localité intronisait son 30è chef de village. C’est en août dernier que le 29ème chef de village, Sidikiba Keïta, est décédé. Dans cette partie du Mandé, la désignation et l’installation d’un chef de village ne sont jamais simples. Il faut obéir à un rituel qui remonte à Bemba Kanda Keïta, le patriarche qui est à l’origine de l’installation de la communauté dans cette zone. Les chefs de village de Djoliba, Niamé, Kamalé Kakalé, Kamalé Soba, Balandougou et Tambala descendent du patriarche. La succession s’effectue sein d’une génération avant de passer à la suivante. L’installation d’un chef de village se fait toujours en parfait accord avec les autres chefs de village en fonction.

 

Djoliba, localité située à une quarantaine de kilomètres au sud de Bamako sur la route Bamako-Kangaba, a ainsi fait la fête dimanche. La cérémonie d’intronisation du 30ème chef de village  s’est déroulée dans une ferveur populaire mémorable. Le nouveau chef est Kindia Balla Keïta, frère du précédent dont le père, Makamba Keïta, était aussi chef de village au milieu des années 60.

 

Le ton de la cérémonie d’intronisation avait été donné la veille par des réjouissances populaires  qui avaient duré une bonne partie de la nuit avec des sorties de masques et des fêtes avec les chasseurs. Tôt le matin du jour « J », la cour du domicile du futur chef de village était déjà noire de monde. Des invités étaient venus d’un peu partout. Parmi eux, figuraient plusieurs responsables administratifs et des personnalités politiques dont Bokary Téréta, le ministre du Développement rural qui représentait le président de la République.

 

Il n’était pas tout a fait 10 heures quand le futur chef de village fit son entrée, accompagné comme il se doit, de plusieurs dignitaires locaux et des membres de la confrérie des chasseurs traditionnels « donzos». L’arrivée du patriarche fut saluée par les coups de feu des chasseurs, puis le silence s’installa.

 

Siné Keïta, l’envoyé du chef de village de Niamé,  pouvait alors entamer le rituel. Il se présente et demande solennellement aux représentants des quatre villages cités plus haut s’ils sont d’accord pour qu’il procède à l’intronisation de Kindia Balla Keïta comme chef de village de Djoliba. Tous donnent leur aval. A 10h10, il invite Kindia Balla Keïta à prendre place sur la peau de bœuf dédiée à la circonstance. Il fait répéter le geste à trois reprises et déclare Kindia Balla Keïta installé comme 30è chef de village de Djoliba. Les chasseurs  tirent à nouveau des coups de feu pour saluer l’événement. L’émotion est à son comble. Le tout nouveau chef de village qui a, à ses côtés ses proches, ne peut s’empêcher de verser des larmes. Il rejoint ainsi les successeurs de son ancêtre, Bemba Kanda Keïta fondateur de Djoliba.

 

Le nouveau chef de village est  âgé de 84 ans. Il est le père de l’actuel maire de la commune du Mandé, Mamourou Keïta. Il va consacrer le reste de sa vie au service de sa communauté, à côté des quatre autres chefs de village de la communauté des descendants de Bemba Kanda Keïta.

A. LAM

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6 COMMENTAIRES

  1. Si les autorités politiques pouvaient s’inspirer des intronisations traditionnelles de chefferie pour amener un peu de moral dans leur manière de gouverner.
    Ce qu’il faut retenir de cette cérémonie c’est:
    1) le consensus de tous ceux qui peuvent être touchés par l’autorité de nouvel intronisé,
    2) l’exercice physique (assis-debout à trois reprises subi au nouveau chef) a pour objet de lui signifier que le trône n’est pas pérenne. Le nouveau chef a succédé d’autres hier, aujourd’hui c’est lui et demain c’est un autre qui gérera dans le futur. Voilà le sens de cet exercice qui est un rappel de la sagesse. Et la peau sur laquelle on l’a fait assoie servira de témoin pour la postérité car après sa mort c’est cette peau qui enveloppera celles des autres qui l’ont précédé.
    3) le serment prononcé par le maître de cérémonie. Si le nouveau chef de village et les siens ont pleuré c’est parce qu’ils mesurent la portée de ce que ce maître de rite a prononcé. Ce dernier joue le rôle de prêtre. D’où tout le sens de l’honneur.
    4) après la face visible de la cérémonie, des reliques sont transmis pour raffermir le pouvoir du nouveau chef. A chaque relique son sens. Les plus connus sont: le relique pour la prospérité, le relique de la sécurité et la défense de l’intérêt des villages et de leurs administrés, le relique de la santé pour protéger tous les villages de la lignée Bemba Kanda Keïta de Kouroussa ( le Hamana) jusqu’à la limite de Badougou.
    C’est dire que le peuple ne doit donner le commandement qu’à celui qui en saisi la portée de l’honneur.
    VIVE LA REPUBLIQUE.

    • Merci sankingba pour cette leçon sur nos traditions.Toi aussi tu es un grand “karamoko” de la culture africaine du mandé!Nous aurons toujours besoin de vous (mon frère KING & moi-même)pour la pérénisation de nos us & coutumes.Merci encore “an karamoko ba”.
      😉

      • Mon cher sambpu je vais te faire une révélation mais avec la permission des “donsobas” et des “toon-tiguis” du mandé profond. Je ne sais pas si l’instrument appelé le bolon était de la fête à Djoliba, mais permettez moi que je le décrive un peu.
        Voilà un instrument à 3 grosses cordes pour les notes ressemblant un peu au donson ngoni mais c’est pas du tout le même sens spirituel.
        La Tête du bolon (partie supérieure de la guitare où l’on trouve les Mécaniques) est faite de bâtonnets issus des branches d’un arbre mystique nommé le figuier de la mort (appélé sou toro).

        Le Manche : partie de l’instrument que le guitariste pince les cordes avec sa main gauche afin d’effectuer des positions d’accord ou d’arpège ou bien des notes. Cette manche est constituée du tige de figuier d’un cimetière.

        La Caisse : c’est la partie inférieure de la guitare qui a pour rôle d’amplifier les notes jouées par le guitariste. Elle est en calebasse ouverte au 2/3. Elle est fermée par une peau de lion placée sur un morceau de linceul provenant du cimetière.

        Quant aux cordes, elles sont aux nombre de trois (3) faites avec une peau d’hyène tannée, jouée uniquement avec les deux pouces de la mains du guitariste. Seule l’annulaire de l’instrumentaliste porte une grosse bague pour le rythme de médium.

        L’instrument est confectionné nuitamment dans un cimetière avant l’aurore.
        Mon cher Sambpu, le cor qui accompagne les notes du bolon est en alliage d’or et de bronze.

        C’est ce bolon mythique qu’on joue pour l’intronisation des rois au manding.
        Ou quand un chef de guerre arrivait à être tué sur le champ de l’honneur, son corps dans un hamac orienté par le “daro” des founè sous le son du bolon et sous le youyou des autres hommes de caste.
        Tout cela pour dire l’importance que le malinké accorde à l’honneur.
        Malheureusement ces valeurs sont en désuétude.
        KARAMOKO I NI KO. Voilà la fanfare du manding profond pour l’ouverture des bans à l’honneur des braves.

        • Mon cher Sambpu, et quand j’ai assisté à la remise du carquois du mandé à ATT lors de la pose de la pierre du musée de Kouroukan fouga, ça me bouillonnait à l’intérieur. Et pourtant Simbo (IBK) étant à ses côtés. ne s’est contenté que de féliciter le nouveau récipiendaire.
          Je ne dis pas que IBK mérite ce carquois mais comme il est Président de tous les maliens aujourd’hui, qu’il nous montre le chemin de l’honneur!!!!! Ha mandé!! Allah ka Simbo sô chila.
          Pour moi c’était un oracle de la fin du règne ATT. Car, quand on accepte ce qu’on ne mérite pas au mandé, on subit la colère des “mbébas” les grands parents. VIVE LA REPUBLIQUE

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