Nous étions en avril 1997, le premier tour du scrutin législatif devrait se tenir. Les acteurs politiques, toutes catégories confondues (majorité comme opposition), chacun est sur le terrain pour mobiliser l’électoral dans le but d’aligner le maximum de députés à l’Assemblée nationale. L’opposition politique, alors incarnée par des hommes à poigne et très déterminés à obtenir l’alternance par les urnes, se sont mobilisés derrière les regrettés Almamy Sylla, Me Demba Diallo, Seydou Badian Kouyaté, Mamadou Bamou Touré, Me Mountaga Tall, Choguel K. Maïga, Amadou Niagandou, etc. Il y avait aussi, un certain Mamadou Lamine Traoré. Il a été respectivement : 1er vice-président et président par intérim de l’Adema-Pasj après l’élection du président Alpha Oumar Konaré à la présidence de la République en mai 1992. Mamadou Lamine Traoré a été également tout puissant ministre d’Etat en charge de l’Administration territoriale dans les gouvernements successifs de Younoussi Touré et Abdoulaye Sékou Sow, sous la direction du président Alpha Oumar Konaré entre 1992 et 1994. C’est à la faveur du 1er congrès ordinaire des Abeilles en 1994, que le ministre Mamadou Lamine Traoré et ses proches furent poussés à la porte par le clan Alpha Oumar Konaré.
L’ancien ministre des Affaires étrangères, Ibrahim Boubacar Keïta, qui avait été porté à la tête du gouvernement quelques mois plus tôt, après la démission en catastrophe du Premier ministre Abdoulaye Sékou Sow, est élu président du parti contre Mamadou Lamine Traoré. Lui, qui avait tout entrepris pour remplacer Alpha Oumar Konaré à la tête des Rouges et Blancs, se retrouve finalement secrétaire aux relations extérieures adjoint après Toto Diarra. Très remonté contre ce qu’il a qualifié de coup de canif dans son dos de la part de Alpha Oumar Konaré et son clan, Mamadou Lamine Traoré, claque la porte pour grossir le rang de l’opposition. Son apport sera de taille dans l’animation politique au sein de l’opposition.
D’un camp à l’autre, la bataille politique s’organise. C’était l’ambiance dans les rues de la capitale du fait des manifestations de colère de l’opposition, qui se mobilise derrière leur leader. L’opposition dénonçait la mauvaise organisation du processus par la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), une nouvelle structure en charge des Elections, dirigée par le bâtonnier Me Kassoum Tapo, qui représentait la société civile dans la nomenclature des membres constituant la CENI. Pouvoir comme opposition, chaque camp se défend de la justesse de son argumentaire. Les rares salles de conférences à Bamako ne désemplissaient pas. Idem pour les rues de la capitale. Tous les jours, il y avait une activité, notamment les conférences et les points de presse. Les marches avec barricades et ou les meetings. Qui se terminent pour la plus part par des jeux de pierres entre manifestants et forces de l’Ordre.
C’est dans cette ambiance délétère, que se sont organisées le 1er tour de la législative d’avril 1997. A l’issue du scrutin, très controversé, opposition comme majorité ont crié à la fraude massive et réclamé l’annulation pure et simple des votes dans l’ensemble des circonscriptions électorales. Une volonté exaucée par la nouvelle Cour Constitutionnelle. Mais, l’opposition ne s’est pas contentée de demander une simple annulation, elle a également réclamé la remise à plat du système électoral et politique en exigeant l’introduction du système proportionnel dans notre arsenal juridique concernant l’élection des députés à l’Assemblée nationale pour éviter de se retrouver à l’avenir avec la position de dominance à l’absolue de l’Adema-Pasj au sein de l’hémicycle. Mais, le hic à l’époque était de deux ordres : le délai des réformes préconisées par feu Almamy Sylla et ses camarades, qui conduisait le pays tout droit vers une nouvelle transition politique et la volonté de l’Adema-Pasj de s’accrocher à ses avantages constitutionnels. Car, la modification du système électoral pour introduire le système proportionnel entrainerait de facto à la modification de la constitution. Car, le système majoritaire est constitutionnel. Le président Alpha Oumar Konaré, qui a vu le danger venir a refusé de mordre à l’hameçon. Car, son mandat de cinq (5) ans devrait arriver à terme le 08 juin 1997. L’Adema-Pasj, qui a pris goût à la dominance sans partage a récusé la requête et enjoignant ses forces à celle de son président pour faire front commun contre l’opposition. Almamy Sylla et ses camarades aussi avaient réussi à constituer un bloc homogène solide pour y faire face. Les affrontements ont duré plusieurs semaines. Malgré le niet catégorique de l’Opposition, et en dépit de la profondeur de la crise sur l’arène politique à l’époque, le président Alpha Oumar Konaré a dû se résoudre à faire cavalier seul. Il refusa, à son tour de faire marche arrière. Car le faire, il allait tomber dans le piège du vide juridique, que l’opposition voudrait l’entrainé. Pour ce faire, il s’est employé par tous les moyens pour non seulement éviter le manège, mais à débaucher le maillon faible de l’opposition, qui se nommait Mamadou Maribatrou Diaby et son parti. Qui l’ont accompagné à la présidentielle de 11 mai 1997. Cette action de sauvetage de dernière minute a certes épargne à la démocratie malienne une aventure à l’issue incertaine, mais a créé un préjudice qu’elle traine encore. Car, c’est encore cette querelle de principe entre les deux forces politiques (majorité et opposition), qui est à l’origine du malaise de notre système politique. Dès lors, la problématique de la révision de la Constitution d’avril 1992, mainte fois reporté reste d’actualité.
Il s’agit de guérir notre système démocratique un malaise originel : celui de la dominance sans partage d’une seule force politique sur les autres ou encore l’écrasement des autres forces politiques par un seul parti et ses alliés au sein de l’hémicycle. La démocratie malienne souffre également de la suprématie d’un élu, fut-il Président de la République, au-dessus des autres Institutions pendant son mandat et même au-delà. Pendant le règne de ce représentant suprême de Dieu sur Terre, le Président (souverain) n’a de compte à ne rendre à personne. Le risque dérive autoritaire n’est pas à démontrer, c’est un vécu. Au regard de la pratique démocratique durant les 30 derrière années, il était impératif de se jeter un regard critique sur la Constitution pour apporter les améliorations nécessaires en vue d’éviter à notre pays les souffrances inutiles. Car, la plus part des grands affrontements politiques, qui sont eu lieu durant cette période, ont entrainé des pertes en vies humaines, notamment la frange juvénile. Il est donc nécessaire d’adopter une nouvelle Constitution, qui va prendre en charge toutes les dérives à l’origine des écueils, qui ont fait souffrir tant notre peuple.
Il faut rappeler qu’après la réélection du président Alpha Oumar Konaré, l’opposition a non seulement refusé de reconnaître son statut de Président de la République réélu, mais a désigné son propre Président en la personne de Almamy Sylla. Elle a également constitué son propre gouvernement face à celui du président Alpha Oumar Konaré. Dès lors, la confrontation entre les deux camps était inévitable. Et à la faveur d’une conférence de presse, qui se tenait au siège du Miria, le parti de Mamadou Lamine Traoré, les leaders de l’opposition, qui s’était donnée une identité en s’appelant Coppo (Collectif des partis politique de l’opposition), avec Almamy Sylla comme président de la coalition. Comme pour dire qu’il soit appelé : la révision de la Constitution ou une nouvelle Constitution, la nécessité du changement est une constance depuis le des deux dernières années du second mandat du président Konaré. Mais, tous les trois Chefs d’Etat (Alpha Oumar Konaré, Amadou Toumani Touré et Ibrahim Boubacar Keïta) qui se sont succédé à la tête du pays, ont tous tenté l’aventure d’une nouvelle Constitution. Mais, tous les trois ont échoué. Va –t-on vers un scénario du genre encore ?
A suivre…
M A. Diakité