Comme un leitmotiv, ces mots reviennent dans les discours et tous les Maliens, aussi bien les politiques, que la société civile. Tout le monde parle de « Refondation du Mali » et la « mise en place du Mali kura » ! Tu parles ! Comme si, brusquement, suite à deux « coups d’État » burlesques (en août 2020 et en juin 2021), on découvre que le pays n’avait pas ou plus de fondations, qu’il était devenu trop vieux et qu’il fallait en créer un « nouveau » ! Pour les uns, le Mali aurait « déraillé » à un moment de sa trajectoire et il faudrait le « remettre sur les rails » ; pour d’autres, le pays serait « tombé dans une ornière », dans un trou donc, un gouffre et il faudrait l’en sortir ! Tu parles ! Mon Dieu, qui donc a donné ce nouveau blé à moudre aux Maliens ?
La machine à « griotiser » et à « mentir » s’est alors emballée et les associations et autres regroupements de soutien à la Transition ou de lutte contre la corruption se sont multipliés et vont sans doute continuer à polluer l’espace public ! Tu parles ! Comme si c’était maintenant, en ces dernières années que ce pays-là est « tombé » ou a « déraillé ». Soyons sérieux, nous avons tous assisté au pourrissement sur pied de ce pays depuis plus de trois décennies, sinon plus ! Ce sont les mêmes qui ont sucé la sève nourricière de ce pays (par égoïsme) et qui vocifèrent plus haut que tous aujourd’hui, qu’il faut refonder le Mali, qu’il faut lutter contre la corruption ! Mauvaise gouvernance quand tu nous tiens !
On a beau repeindre une vieille voiture avec le plus beau gris-métallisé, elle restera une vieille voiture qui ne vaut pas un clou. On a beau ravaler la façade d’une vieille maison, quand l’acheteur entrera à l’intérieur, il verra bien que c’est une vieille maison qui ne vaut pas grand-chose. On a beau redorer un bijou en le trempant dans une solution aurifère, l’acheteur, en grattant un peu verra que le bijou est en plomb ou en aluminium ! Tout cela pour dire que nos discours actuels sur la « refondation du Mali », le « Mali kura » ou la lutte contre la corruption ne sont qu’une opération de ravalement de façade ou de peinture d’une vieille voiture encore une fois. En regardant en arrière, pendant les quelques décennies passées, il y a eu dans ce pays tellement de fora, des centaines de fora sur tous les aspects du Mali et si ce pays voulait changer, il aurait changé. Mais, non, comme toujours, les Maliens sont forts pour produire les plus beaux discours qui finissent dans les tiroirs blindés de nos bureaux. Il me semble, à mon humble avis, qu’en termes de ravalement de façade, il n’y a plus rien à dire ! Tout a été dit et nous en sommes toujours à ressasser les mêmes discours inopérants.
Si nous voulons « refonder ce pays », si nous voulons un « Mali kura », c’est « l’homme malien qu’il faut refonder », c’est d’un « Malien kura » qu’il faut accoucher. Nous l’avons déjà dit par ailleurs, que le Mali a de très bonnes institutions mais qu’il faut simplement accepter de les laisser fonctionner. Que manque-t-il, par exemple, au système judiciaire malien ? Rien, sauf, les hommes qu’il faut pour les faire fonctionner et des justiciables qui ne pensent pas que tout est « achetable ».
Le jour où nous ne corromprons plus les juges et avocats ainsi que tous les auxiliaires de la justice, le jour où ces derniers ne se laisseront pas corrompre, alors, oui, la justice malienne sera la meilleure. Pourquoi l’Oclei, le Vérificateur général ainsi que tous les autres Organes de contrôle sont-ils inopérants au Mali ? C’est à cause du manque de sérieux dont font preuve les Maliens : Personne ne veut être contrôlé ; personne n’accepte être vérifié dans ses procédures ; personne ne veut déclarer ses biens avant d’occuper un poste administratif ; etc. Et quand des dossiers douteux sont déposés sur la table de ceux qui doivent prendre des décisions, tous les « intercesseurs entrent en lice » pour brouiller les pistes ; les sacs de billets de banque volés commencent à circuler ; toutes les manœuvres dilatoires pour freiner la justice commencent à fleurir dans les associations malfaisantes de la société civile ; etc… Nous sommes dans quel pays-là ?
On nous parle de « fora déjà inutiles » sur la refondation du Mali. Qu’allons-nous dire et qui n’a pas été déjà dit ? Qu’allons-nous décider et qui n’a pas déjà été décidé ? Qu’allons-nous découvrir sur ce Mali que nous ne savons pas déjà ? Il faut être sérieux ! Des deniers publics vont encore être gaspillés dans des foras mal préparés et mal exécutés pour des résultats qui n’apporteront rien aux pauvres maliens, sauf, évidemment, aux petits malins qui en profiteront pour remplir leurs poches. Mon Dieu !
Ne savez-vous pas que c’est le Malien qu’il refonder ? Ne savez-vous pas que c’est un « Malien kura » qu’il faut fabriquer ? Ici, le travail n’a pas encore commencé, car, personne ne sait plus désormais comment « faire un Malien nouveau – un Malien kura », personne ne sait comment « refonder l’homme malien/la femme malienne ». Il nous faut sans doute retourner aux fondamentaux : réhabiliter la famille, remettre la famille malienne à l’endroit. En effet, comme le disait l’Éducateur Rousseau (1712-1778) : Un père, quand il engendre et nourrit des enfants, ne fait en cela que le tiers de sa tâche. Il doit des hommes à son espèce, il doit à la société des hommes sociables ; il doit des citoyens à l’État. Tout homme qui peut payer cette triple dette et ne le fait pas est coupable, et plus coupable peut-être quand il la paye à demi. Celui qui ne peut remplir les devoirs de père n’a point le droit de le devenir. Il n’y a ni pauvreté, ni travaux, ni respect humain, qui le dispensent de nourrir ses enfants et de les élever lui-même. Lecteurs, vous pouvez m’en croire. Je prédis à quiconque a des entrailles et néglige de si saints devoirs, qu’il versera longtemps sur sa faute des larmes amères, et n’en sera jamais consolé. Et un millénaire et quelques siècles avant lui, Platon le philosophe écrivait que la tyrannie avait son origine dans la Démocratie, quand la population a un désir insatiable de liberté, alors, « le père s’accoutume à traiter son fils comme son égal et à redouter ses enfants, que le fils s’égale à son père et n’a ni respect ni crainte pour ses parents, parce qu’il veut être libre (…) Le maître craint ses disciples et les flatte, les disciples font peu cas des maîtres et des pédagogues. Qui doit éduquer qui ? Comment éduquer mon enfant ? Quelle place pour l’école dans l’éducation ? Autant de questions auxquelles nous ne savons plus répondre, tant l’éducation, à tous les niveaux a été laissée en déliquescence dans notre pays ! Après l’éducation brouillonne dans la famille, nous avons confié l’éducation scolaire au « dieu-argent » (corruption à grande échelle dans les écoles, achat de diplômes et d’examens, etc.), tout cela est devenu tellement banal que nul ne s’en inquiète, ni l’enseignant, ni le parent ! Tu parles ! Il faudrait aussi arrêter le « griotisme » et les flatteries dont nous entourons nos gouvernants, disons leur la vérité pour les aider à nous gouverner en vérité et à conduire le pays dans des idéaux de grandeur et d’honneur !
Comment « refonder l’homme malien » ? Comment « fabriquer le Malien kura » ? L’éducation civique et citoyenne que nous avons connue dans notre jeune âge à l’école a fait place nette. On a sans doute pensé que cela retardait l’obtention du diplôme et on a tout balayé pour ne plus former que des enfants sans « valeurs », sans modèles. Comment avons-nous osé remplacer « l’éducation nationale » par « l’enseignement national » ?
Nos enfants aujourd’hui, ont plus besoin de modèles que de maîtres ! Quels modèles les parents présentent-ils aujourd’hui à leurs enfants dans la famille ? Quels modèles les enseignants présentent-ils aujourd’hui à nos enfants dans les écoles (au fondamental, au secondaire, au supérieur) ? Quels modèles la société malienne présente-t-elle à nos enfants aujourd’hui ? On a l’impression, que ce sont les grands voleurs de la Nation qui sont présentés comme modèles à imiter. Voyez comment ces voleurs, ces corrupteurs, ces corrompus sont adulés et glorifiés, chantés lorsqu’ils sortent de prison, si d’aventure ils y avaient mis le pied ! Au lieu de modèles comme les Mandela, Sankara, Modibo, nous voulons tous être appelés, Excellence, Docteur, Maître, des titres souvent et tellement peu habités ! Tu parles !
Je vous en conjure, chers compatriotes : Arrêtons de vouloir refonder le Mali ! Arrêtons de vouloir fabriquer un Mali kura ! Le Mali a été refondé depuis longtemps dans des institutions à nulles autres pareilles, il suffit de les laisser fonctionner ! Le Mali kura est là depuis les indépendances, il suffit d’ouvrir nos cœurs à l’amour de ce pays-là et de le vouloir plus grand et plus important que notre intérêt familial et/ou individuel !
Septembre 2021
Le Gallican