Réflexions sur les mutations de l’Islam et l’identité musulmane en Afrique subsaharienne

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L’Islam est à la croisée des chemins entre radicalisme et modernité en Afrique. Beaucoup d’enjeux participent de cette étape cruciale de choix pour les sociétés africaines, à savoir les dynamiques démographiques. 

Les fidèles musulmans passeraient de 1,6 milliard en 2010 à 2,2 milliards en 2030, selon le Pew Research, un think tank américain. 17,6% de la population musulmane dans le monde seront subsahariens d’Afrique. Cette nouvelle réalité du paysage religieux pourrait constituer un affaiblissement des autres religions (animisme, notamment). Plusieurs situations engendrent les transformations et mutations de l’islam qui s’opèrent aujourd’hui et demain et qui se sont opérés hier. Ce qui n’est pas faux de l’Afrique chrétienne non plus. On peut citer le recul de l’Etat dans les années 90 dans l’action sociale pour répondre aux exigences des organisations économiques internationales imposant des ajustements structurels. L’affaiblissement et le retrait de l’Etat a fait place petit à petit à une forte libéralisation de l’espace public, la transformation des structures sociales, des associations et ONG musulmanes se sont beaucoup implantées dans la logique d’une économie morale et bienfaitrice.

Viennent se greffer à cette nouvelle donne, la mondialisation croissante des économies, un système international en difficulté de structuration et un Islam transnational en pleine croissance. En Afrique de l’Ouest, cela s’est caractérisé par le financement (1) d’études à l’étranger pour les arabisants, les imams, la création d’associations internationales ou transnationales, investissements graduels des pays du Golfe, la création de centres islamiques (au Sénégal, au Niger, au Mali et au Nigéria, notamment).

L’ampleur qu’a eu le « discours islamique mondialisé » après le 11 septembre, les guerres au Moyen Orient et la révolution iranienne, puis la croissance économique des pays du Golfe grâce à l’or noir, le pétrole, ont accéléré les évolutions des dynamiques religieuses. Celles-ci ont joué un rôle très important dans les pratiques quotidiennes des individus sur la scène politique, le discours politique, impactant les administrations publiques, les actions sociales, la mise en valeur des  symboliques religieuses, la construction considérable de mosquées, des prédications en public. Tous ces éléments ne sont pas neutres dans la radicalisation des jeunes, la montée de l’extrémisme violent contre « les intérêts occidentaux » (discours du groupe terroriste ayant revendiqué  l’attaque de Grand Bassam en Côte d’Ivoire en 2016), contre le système politique moderne (institutions, constitutions…).

Vers des divisions internes accentuées

Tous les musulmans ne sont pas terroristes, ni fondamentalistes, mais les terroristes se réclament musulmans. Les salafs et les confréries soufies ont une lecture différente des choses. Cependant, il s’agit, dans une logique prospective, de se poser la question de savoir si pour défendre l’Islam aujourd’hui et dans une vingtaine d’années, les sunnites et les branches soufies joueront la carte de l’unisson. Ou s’attendre à des affrontements, au pire, à des combats entre tendance réformiste et confrérie soufie. Si l’éclatement est fortement envisageable, les divisions internes seraient de moins en moins discrètes au Sénégal, au Nord Nigéria, davantage au Mali, au Niger, et dans une moindre mesure au Nord du Burkina et en Côte d’Ivoire.

Tout semble croire que l’interprétation ou la réinterprétation des textes coraniques en cours dans les sociétés musulmanes devrait continuer dans un climat politique de plus en plus sensible à ces questions liées directement à la lutte contre le terrorisme transnational et international, à la montée des tensions communautaires. Le lien du local et du global restant toujours important. Sans oublier l’impact des nouvelles technologies, notamment mobiles, le téléphone portable et les réseaux sociaux devenus des réels catalyseurs de diffusion incontrôlée et incontrôlable des messages de haine (2) et d’appel à la rébellion, au djihad, au-delà même des frontières.

Alhoudourou MAIGA

 

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