Le Comité de règlement des différends de la direction générale des marchés publics et des délégations de service public statuant en commission litiges sur le recours non juridictionnel du cabinet Koni Audit contestant les résultats des offres techniques relatives au recrutement d’un commissaire aux comptes pour le compte de l’Agence nationale d’investissement des collectivités territoriales (ANICT) pour une période de trois (3) années (les exercices clos 2022, 2023 et 2024 non renouvelables), juge le recours recevable et fondé.
Le 5 décembre 2022, l’Agence nationale d’investissement des collectivités territoriales (ANICT) a émis la demande de proposition n°004/ANICT/2022 pour le recrutement d’un consultant pour la mission de commissariat aux comptes de l’ANICT au titre des exercices 2021, 2022 et 2023.
Le 22 décembre 2022, le cabinet Koni Audit a soumissionné pour ladite demande de proposition. Par un mail du 3 février 2023, il s’est renseigné, auprès de l’ANICT, sur la suite réservée à cette soumission.
Par lettre n°2023/0079/DG-ANICT du 15 février 2023, I’ANICT a informé le cabinet Koni Audit du rejet de son offre à l’issue des opérations de dépouillement et de jugement des offres techniques, pour le motif suivant : “L’agrément ou la carte professionnelle fourni non conformes car, c’est la copie en couleur de l’agrément qui est fourni dans l’offre originale cela, contrairement aux dispositions des données particulières de la demande de proposition”.
Le 15 février 2023, le cabinet Koni Audit a introduit un recours gracieux auprès de l’ANICT pour contester les motifs du rejet de son offre et exprimer son incompréhension quant à l’ouverture des plis techniques en l’absence des soumissionnaires, contrairement à la pratique.
Par correspondance du 21 février 2023, le directeur général de l’ANICT a rejeté le recours formulé par le cabinet Koni Audit en maintenant les conclusions de la commission de jugement des offres.
Le 21 février 2023, le cabinet Koni Audit a saisi le Comité de règlement des différends pour contester les résultats de réévaluation de la demande de proposition.
Le recours est-il recevable ?
Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article 120.1 du décret n°2015-0604/P-RM du 25 septembre 2015 portant code des marches publics et des délégations de service public, modifie : “Tout candidat ou soumissionnaire s’estimant lésé au titre d’une procédure de passation d’un marché ou d’une délégation de service public est habilité à saisir l’autorité contractante ou l’autorité délégante d’un recours gracieux à l’encontre des procédures et décisions lui causant ou susceptibles de lui causer préjudice”.
Considérant que l’article 120.2 du même décret dispose que “l’exercice du recours gracieux préalable est obligatoire pour tout candidat ou soumissionnaire qui entend exercer une action en contestation devant le Comité de règlement des différends”.
Considérant que conformément aux dispositions de l’article 120.3 du décret n°2015-0604/P-RM ci-dessus, le recours peut porter sur la décision d’attribuer ou de ne pas attribuer le marché ou la délégation, sur les conditions de publication des avis, les règles relatives à la participation des candidats et aux capacités et garanties exigées, le mode de passation et la procédure de sélection retenue, la conformité des documents d’appel d’offres à la règlementation, les spécifications techniques retenues, les critères d’évaluation. Il doit invoquer une violation caractérisée de la règlementation des marches publics et des délégations dc service public ;
Considérant que l’article 121.1 du décret n°2015-0604/P-RM dispose que les décisions rendues au titre du recours gracieux peuvent faire l’objet d’un recours devant le Comité de règlement des différends dans un délai de deux (2) jours ouvrables à compter de la date de notification de la décision faisant grief ; Considérant qu’il résulte des faits exposes que le 17 février 2023, le cabinet Koni Audit a exercé un recours gracieux contre les résultats de la demande de proposition et qu’une suite favorable a été réserve a ce recours le 21 février 2023 ;
Considérant que le même 21 février 2023, la requérante a saisi le CRD d’un recours en contestation et ce, dans les deux (02) jours ouvrables conformément aux articles 120 et 121 susmentionnés ;
Qu’il s’ensuit que le recours du cabinet Koni Audit remplit les conditions de forme pour être recevable.
Les arguments solides
de Koni Audit…
A l’appui de son recours, le cabinet Koni Audit indique : Que son offre a été écartée de façon discriminatoire et injustifiée dans la mesure ou l’attestation d’agrément qu’elle a fournie est une copie certifiée conforme tel qu’il est admis dans la pratique pour toutes les pièces administratives fournies (inscription au registre du commerce, quitus fiscal, certificat de non-faillite etc.) et que tous ces documents sont fournis en copie unique, à charge pour le titulaire de les multiplier et de les légaliser pour ses besoins ;
Que l’attestation d’agrément incriminée par l’autorité contractante est celui fourni depuis la phase de manifestation d’intérêt et qu’il a été présélectionne sur la base dudit agrément ;
Qu’il dénonce l’ouverture des offres techniques en l’absence des soumissionnaires ;
Que l’ouverture des offres en présence des soumissionnaires est gage de transparence et d’équité et qu’elle aurait permis d’éviter tout malentendu en se rassurant notamment sur la qualité de l’attestation d’agrément l’original ou copie certifiée) fourni par les soumissionnaires ;
Qu’au regard de l’article 12 de l’Arrêté n°2015-3721/MEF-SG du 22 octobre 2015 fixant les modalités d’application du code des marchés publics, plus spécifiquement des alinéas 12.2 et 12.3, la non-conformité de l’attestation d’agrément fourni n’est pas suffisant pour déclarer son offre irrecevable ;
Qu’il sollicite qu’il plaise au CRD de bien vouloir annuler la décision d’élimination de son offre.
… Contre les réponses
argumentées de l’ANICT
En réponse aux prétentions du cabinet Koni Audit, l’ANICT rappelle :
Qu’en réponse au recours gracieux du cabinet Koni Audit, elle avait envoyé en fichiers joints, les scannes en recto verso des deux agréments qui sont des copies en couleur (et non des photocopies en noir et blanc comme l’affirme la requérante) et le scanne du quitus fiscal (en témoin) qui par contre est bien la certification originale de par le verso du document ;
Que l’incrimination des copies en couleur des deux agréments se justifie par les éclaircissements donnés dans les données particulières de la demande de proposition.
Qu’il n’y a donc, aucune ambiguïté sur l’incrimination de la copie en couleur des deux agréments encore plus si c’était des photocopies en noir et blanc dans l’offre originale comme l’a affirmé Koni Audit ;
Qu’au vu de ce qui précède, elle maintient le grief retenu contre les deux agréments ;
Que par ailleurs, en référence à l’article 55.3 du code des marchés publics, l’invitation des soumissionnaires est exigée seulement à l’ouverture des offres financières, conformément aux dispositions ci-après : “L’ouverture des propositions s’effectue en deux temps. Dans un premier temps, les propositions techniques sont ouvertes et évaluées conformément aux critères définis dans le dossier de consultation. Dans un deuxième temps, seuls les soumissionnaires ayant présents des propositions techniquement qualifiées et conformes voient leurs propositions financières ouvertes. Les autres offres financières sont retournées, sans être ouvertes, aux soumissionnaires non qualifiés .
L’ouverture des propositions financières est publique et les soumissionnaires qualifiés sont invités à participer”.
Que dit le recours ?
Sur l’ouverture des propositions techniques en l’absence des soumissionnaires :
Considérant que conformément aux dispositions de l’article 55.3 du décret n°2015-0604/P-RM du 25 septembre 2015 portant code des marchés publics et des délégations de service public, modifié, relatives aux dispositions spécifiques applicables aux marches de prestation intellectuelle : “L’ouverture des propositions s’effectue en deux temps. Dans un premier temps, les propositions techniques sont ouvertes et évaluées conformément aux critères définis dans le dossier de consultation. Dans un deuxième temps, seuls les soumissionnaires ayant présenté des propositions techniquement qualifiées et conformes voient leurs propositions financières ouvertes. Les autres offres financières sont retournées, sans être ouvertes, aux soumissionnaires non qualifies ;
Que l’alinéa 2 du même décret dispose que l’ouverture des propositions financières est publique et les soumissionnaires qualifiés sont invités à participer”.
Qu’à la lumière de cette disposition, il est constant que l’autorité contractante n’est pas soumise à l’obligation de procéder à l’ouverture des propositions techniques en présence des soumissionnaires ;
Que dès lors, l’autorité contractante est fondé à agir comme elle l’a fait.
Sur la non-conformité de l’agrément:
Considérant que l’article 4.2 de l’arrêté n°2015-3721/MEF-SG du 22 octobre 2015, modifié, fixant les modalités d’application du code des marchés publics et des délégations de service public dispose que pour les prestations intellectuelles, l’autorité contractante doit exiger des candidats ou soumissionnaires aux marchés publics un minimum de documents ou attestations à caractère éliminatoire comprenant notamment l’agrément (si nécessaire) ou la carte professionnelle (si nécessaire) ou document équivalent ;
Considérant les dispositions des Données Particulières de la demande de proposition qui indiquent au point 11.1 (g) qu’il est requis la fourniture d’un agrément ou carte professionnelle ;
Qu’au même point, il est indiqué en nota bene que les copies des pièces administratives doivent être légalisées (certifiées conformes) par les autorités compétentes et que les copies en couleur des certifications dans l’offre originale ne sont pas autorisées ;
Que cependant, il convient de préciser que le caractère éliminatoire est lié à la non-fourniture ou à la non-conformité de la pièce fournie ;
Que dans le cas d’espèce la non-conformité de l’attestation d’agrément a été présumée par l’autorité contractante à travers l’incrimination de la pièce fournie, qualifiée de copie en couleur en lieu et place d’une copie légalisée (certifiée conforme) tel qu’exigé par la DP.
Le verdict du CRD
Considérant que l’autorité contractante ne dispose pas d’un outil pour certifier de la qualité du document (s’il s’agit d’une copie en couleur ou de la copie légalisée) dans la mesure où elle semble n’être parvenue à cette conclusion qu’à travers une observation à l’œil nu et qu’en plus, l’exigence de la copie en couleur ou non n’a aucune pertinence pour déterminer la qualité du soumissionnaire ;
Que ce faisant, l’application de cette exigence pourrait s’avérer arbitraire et inefficace dans la mesure où l’autorité contractante, ne disposant pas d’outil spécifique, pourrait ne pas remarquer que certains documents sont fournis en couleur et d’autres non ;
Considérant que la détermination des critères et des pièces éliminatoires a pour objet de créer les conditions favorables au recrutement du candidat le plus qualifié et à même d’exécuter le marché le plus efficacement possible ;
Considérant qu’il est constant que le soumissionnaire a fourni dans son offre une copie d’attestation d’agrément sur laquelle on aperçoit distinctement les mentions de la certification de conformité à l’originale apposées par l’autorité compétente ;
Que n’ayant étayé son observation sur la pièce incriminée par aucun document issu d’une expertise technique, l’autorité contractante a exposé sa décision à la censure ;
Que par ailleurs, même si la DP a exigé la fourniture des copies en couleur des certifications dans l’offre originale en critère de rejet, celui-ci ne semble pas judicieux en l’espèce, dans la mesure où, il est mieux indiqué pour l’autorité contractante de s’assurer que le soumissionnaire dispose ou non d’un agrément attesté par l’ordre des experts comptables et comptables agrées ;
Que dès lors, le rejet de l’offre du cabinet Koni Audit par l’autorité contractante au motif que la pièce est une copie en couleur ne se justifie pas et par conséquent, il y a lieu de déclarer la requête bien fondée sur ce chef de contestation.
Sur la base de ce qui précède, le Comité de règlement des différends de la direction générale des marchés publics et des délégations de service public déclare le recours du cabinet Koni Audit recevable. Et prend trois décisions : dit que le recours du cabinet Koni Audit est fondé ; ordonne la réintégration de l’offre du cabinet Koni Audit dans la procédure de passation en cause ; et dit que le secrétaire exécutif est chargé de notifier au cabinet Koni Audit, à l’Agence nationale d’investissement des collectivités territoriales (ANICT) la décision qui sera publiée.
El Hadj A.B.HAIDARA