Le gouvernement du Mali ne se conforme pas pleinement aux normes minimales pour l’élimination de la traite des personnes, mais il fait des efforts importants dans ce sens, a révélé le Rapport 2019 du Département d’Etat Américain sur la Traite des Etres Humains qui vient d’être publié.
Dans l’ensemble, il a intensifié ses efforts par rapport à la période visée par le précédent rapport ; le Mali a donc été placé dans la catégorie supérieure, la catégorie 2. Le gouvernement a globalement accru ses efforts en intensifiant les poursuites dans les affaires de traite, en entamant des poursuites concernant deux policiers présumés complices, en continuant de travailler en partenariat avec des organisations internationales et des ONG pour former les responsables des services de répression et les dirigeants communautaires et en approuvant le Plan d’action national de lutte contre la traite des personnes 2018-2022. Cependant, le gouvernement n’a pas satisfait aux normes minimales dans plusieurs domaines clés. Le rapport souligne que le gouvernement a continué de soutenir le Groupe autodéfense touareg Imghad et alliés (Gatia), groupe armé non gouvernemental dirigé par un officier de l’armée « qui recrutait et utilisait des enfants soldats, et à collaborer avec lui. Le gouvernement n’a pas enquêté sur des personnes, notamment des responsables publics, soupçonnées de s’être rendus coupables de recrutement d’enfants soldats ni fait d’efforts pour empêcher les groupes armés d’en recruter ou d’en utiliser. Les services de répression ont continué à manquer de ressources et de compréhension de la traite des personnes, ce qui entravait leurs efforts ».
A cette occasion, le rapport fait ressortir une série de recommandations dites « recommandations prioritaires ». Il s’agit : d’arrêter de soutenir les groupes armés qui recrutent et utilisent illégalement des enfants, et tenir pour responsables au pénal tout fonctionnaire de l’Etat complice de recrutement d’enfants soldats. Dans le cadre du processus de paix, dialoguer avec les groupes armés non gouvernementaux pour mettre un terme au recrutement et à l’usage d’enfants ; suivre le protocole en place pour aiguiller les enfants présumés associés à des groupes armés vers des soins adaptés et libérer les enfants injustement détenus ; mener avec vigueur des enquêtes sur les infractions de traite, engager des poursuites à ce sujet, et condamner et punir les trafiquants, notamment les responsables publics complices, en imposant les peines prévues dans la loi de 2012 relative à la lutte contre la traite. Le rapport demande aux autorités maliennes d’ « élargir et renforcer la mise en œuvre de programmes de désarmement, démobilisation et réinsertion des anciens enfants soldats répondant à leurs besoins spécifiques, notamment soins psychosociaux, réunification des familles, services éducatifs et formation professionnelle ; former les services de répression aux techniques efficaces d’enquête et leur fournir du matériel pour leur permettre d’enquêter ; former régulièrement des juges et des procureurs à la loi de 2012 relative à la lutte contre la traite et normaliser les formations de remise à niveau ». Et enfin, le rapport demande de continuer à fournir un appui financier et en nature aux ONG qui aident à identifier et à aider les victimes de la traite ; élaborer des mécanismes normalisés d’identification des victimes de la traite et former les responsables publics à leur utilisation ; affecter un budget, des ressources et un personnel dédiés au comité de lutte contre la traite et institutionnaliser des réunions mensuelles de ce comité afin d’améliorer l’opérationnalisation des politiques de lutte contre la traite et la coordination interministérielle.
Djibril Diallo
TRAITE DES PERSONNES : 122 victimes identifiées
Le gouvernement a continué à déployer des efforts pour identifier et protéger les victimes de la traite. Au cours de la période visée par le présent rapport, les responsables du gouvernement et leurs ONG partenaires ont identifié 122 victimes de la traite et 46 victimes potentielles, notamment des Maliens exploités sur le territoire national et à l’étranger, ainsi que des étrangers exploités au Mali, par rapport à 104 victimes potentielles de la traite identifiées par des ONG et les pouvoirs publics au cours de la période visée par le rapport précédent.
Parmi les victimes, les autorités ont identifié 23 victimes du travail forcé, notamment de la mendicité forcée, au moins trois victimes de la traite à des fins sexuelles et 84 Maliens exploités à l’étranger au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire et dans d’autres pays d’Afrique du Nord et de l’Ouest. Le gouvernement ne disposait pas de mécanismes normalisés d’identification des victimes de la traite.
Le gouvernement a travaillé en étroite collaboration avec RAFY, réseau national d’ONG, d’organisations internationales et de ministères publics, dont le ministère de la Promotion de la femme, de la famille et de l’enfant (MPFEF) pour orienter toutes les victimes de la traite identifiées vers des fournisseurs de services. Des ONG, avec un certain niveau d’assistance de la part des pouvoirs publics, ont aidé toutes les victimes de la traite identifiées au cours de la période visée par le présent rapport.
Les services dépendaient de l’endroit où ils étaient dispensés mais comprenaient en général un hébergement, de la nourriture, des conseils psychosociaux, une formation professionnelle, le rapatriement et une aide à la réinsertion. La plupart des fournisseurs de services étaient des ONG, sur lesquelles les pouvoirs publics comptaient pour fournir l’essentiel des services, financés par des bailleurs de fonds privés et internationaux. Cependant, les pouvoirs publics, avec un financement du comité national de lutte contre la traite, ont fourni un appui en nature, notamment des meubles pour les centres d’accueil administrés par les ONG. Le MPFEF disposait de centres d’accueil général pour aider les victimes de la traite, dont trois ont aidé des enfants guinéens et nigérians victimes potentielles de la traite au cours de la période visée.
Les centres d’accueil et les services disponibles pour les victimes restaient limités en dehors de la capitale, surtout dans le nord du pays. Les victimes maliennes et étrangères recevaient les mêmes services. Certains centres dispensaient des services spécialisés aux femmes, mais cela n’existait pas pour les hommes. Le MPFEF, en collaboration avec des ONG, a organisé le rapatriement de 84 ressortissants maliens en situation d’exploitation à l’étranger, notamment une victime de la traite du Maroc, et leur a fourni de la nourriture, un hébergement et une assistance médicale à leur retour.
Les pouvoirs publics n’ont pas offert aux victimes d’autres options juridiques que celle de les renvoyer dans des pays où elles seraient exposées à des représailles ou en proie à des difficultés et n’avaient pas de politiques officielles pour les encourager à participer aux procès intentés contre leurs trafiquants. Les victimes pouvaient légalement déposer des plaintes au civil contre leurs trafiquants, mais le gouvernement n’a pas indiqué si certaines y avaient effectivement eu recours pendant la période visée par le présent rapport. La loi malienne protégeait les victimes contre les amendes, les détentions et toute autre sanction imposées en raison d’actes illicites que les trafiquants les avaient forcées à commettre ; cependant, un gouvernement étranger a allégué que des responsables des services de répression maliens avaient fait subir des violences physiques aux victimes, les avaient détenues, et, dans certains cas, les avaient rendues à leurs trafiquants. Les autorités ont continué de suivre le protocole interministériel de 2013 les obligeant à orienter les anciens enfants soldats vers des centres de réinsertion. La direction nationale de la promotion de l’enfant et de la famille du MPFEF a signalé avoir identifié 53 enfants utilisés par des groupes armés en 2018 et les avoir orientés vers des organisations internationales pour une prise en charge ; en 2018, les pouvoirs publics ont rendu 21 d’entre eux à leurs familles.
D.D