Que faut-il retenir des psychoses paranoïaques ?

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La psychose est un terme générique psychiatrique et psychanalytique, évoquant le plus souvent une perte de contact avec la réalité chez le sujet. Il est notamment utilisé pour caractériser une forme classique mais sévère des troubles mentaux, durant lesquels des hallucinations ou des illusions peuvent apparaître. La personne souffrant de psychose, parfois appelée psychotique, présente généralement des troubles de la personnalité, ainsi que des troubles de la pensée. Les psychoses sont plus graves que les névroses. Il existe plusieurs types de psychoses. Celle de la paranoïa, encore appelée psychose paranoïaque, fera l’objet d’une étude plus approfondie dans le présent numéro.

La paranoïa est une maladie mentale se manifestant par des difficultés relationnelles, des troubles du comportement et un sentiment de persécution pouvant aller jusqu’à un point d’irrationalité et de délire (délire paranoïaque). La pensée paranoïaque inclue typiquement des croyances de persécution liées à une menace perçue envers les individus (jalousie, délires, etc.). Historiquement, cette caractérisation est utilisée pour décrire un état délirant. Ainsi pour cerner cette notion, nous verrons successivement les délires paranoïaques, la personnalitéparanoïaque, la manifestation des troubles  paranoïaques et leur  prise en charge.

Les délires paranoïaques :

La prévalence de la personnalité paranoïaque est de 2 à 2 ,5% dans la population générale, de 10 à 30 % des patients hospitalisés en psychiatrie et de 10% des patients venant en consultation. Certains comportements influencés par le contexte socioculturel ou par des circonstances particulières peuvent être qualifiées à tort de paranoïaques (par exemple la méfiance d’un réfugié politique parlant mal la langue de surcroit). Pour les cliniciens à orientation psychobiologique, la psychose paranoïaque comme la schizophrénie a une origine biologique.

Pour le psychanalyste, le « moi paranoïaque » se structure autour d’un mécanisme de défense inconscient. C’est la caractéristique de la projection qui a pour effet d’attribuer à autrui des sentiments, désirs ou intentions, inconsciemment inacceptables pour soi. Il y aurait un effet boomerang de la projection, le sujet se percevant comme la cible d’affects et d’intentions négatifs de la part d’autrui alors même qu’il en est l’origine. Mais nombre de cliniciens psychanalystes ou non se sont efforcés d’analyser le sens de l’organisation psychique des psychoses paranoïaques. L’idée est que les sujets répriment un affect. C’est généralement un affect d’amour qui est projeté sur autrui et le plus souvent transformé en son contraire : à l’affect je t’aime correspond secondairement en retour il ou elle me hait avec les conséquences que cela entraine en terme de peur, de persécution et de vengeance. La plupart des auteurs s’accordent pour évoquer une personnalité pré-délirante caractéristique ou l’on retrouve : méfiance rigidité, surestimation de soi, suffisance, orgueil, égocentrisme, fausseté du jugement, absence d’autocritique, pensée paralogique, tendance aux interprétations pathologique. L’éclosion délirante généralement bruyante suppose une longue période d’incubation muette et paradoxalement venant rassurer le sujet en lui apportant une explication enfin crédible.

La personnalité paranoïaque :

C’est une personnalité pathologique qui facilite la compréhension des caractéristiques du délire. Elle se caractérise par certains comportements tels que la méfiance, la psychorigidité, la mégalomanie (sur estimation du moi) et une forte agressivité latente. La personnalité paranoïaque ne raisonne, le plus souvent, pas de la même manière que les autres individus. Le fonctionnement de sa pensée repose essentiellement sur la fausseté du jugement, l’absence de doute et d’autocritique, l’insensibilité à la critique d’autrui et une tendance à la constitution de systèmes pseudo-logiques

La manifestation des délires paranoïaques :

Ces délires se développent dans l’ordre, la clarté et la cohérence apparente. Le sujet adhère totalement au délire. Sa conviction est inébranlable. Les passages à l’acte agressif sur les persécuteurs désignés ne sont pas une exception. Le paranoïaque est un malade pouvant devenir dangereux et qui ne reconnait surtout pas ses troubles. Il a donc une très mauvaise observance de son traitement. Il existe plusieurs formes de délires paranoïaques. Nous pouvons citer, entre autres, le délire de revendication, le délire de jalousie, l’érotomanie, le délire d’interprétation et le délire sensitif.

Le délire de revendication  est souvent pénible à supporter par les soignants. Ces fanatiques idéalistes passionnés sont quelques fois passionnés par la politique, la lutte, la paix universelle… La réparation du dommage ou du préjudice n’est pas tant la réparation que l’impératif de faire triompher le bon droit et la justice. Ces délires procéduriers sont quérulents et leur dangerosité est réelle. Le délire de jalousie introduit une triangulation dans une relation de couple. L’amant devient le rival mais pas forcément la personne à abattre. La tromperie constitue le mystère que le délirant jaloux, par une enquête implacable, devra éclaircir et prouver. Convaincu d’être trahi par l’être aimé, le patient vérifie tous les indices (le linge, les odeurs) et cherche en permanence à obtenir des aveux.

Le délire érotomaniaque,  dans sa forme pure, est généré par un postulat fondamental : c’est l’autre qui aime le plus ou qui aime seul. On constate souvent à quel point l’érotomane peut provoquer dans un premier temps les sentiments positifs chez la victime : la compassion voire la sympathie, une certaine complicité. C’est un délire qui est plus fréquent chez la femme. Le délire de relation ou paranoïa sensitive touche des caractères sensibles, hyperémotifs, qui se vivent comme le centre d’une expérience de malveillance parfois humiliante.

La prise en charge des troubles paranoïaques :

Une des grandes questions pour les soignants va être : comment faire accepter des médicaments, et convaincre un patient d’être favorable à un traitement dont les effets secondaires sont parfois invalidants ? Comment instaurer une relation de confiance ?  Le soignant doit toujours être disponible et ouvert pour pouvoir adapter une stratégie thérapeutique efficace et aider ses patients, dont le dénominateur commun est par ailleurs souvent le refus de soins.

La suite de ce dossier dans le prochain numéro. Pour les questions, critiques et contributions, prière de les faire parvenir à l’adresse du journal : journal_leflambeau@yahoo.fr

MOUSSA BALLA KANOUTE,

Chroniqueur

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