Au bout d’une décennie environ d’attentes et après la mise en liberté du capitaine Sanogo et co-inculpés, le procès des 21 Bérets rouges (assassinés et enfouis dans une fosse commune) aura sans doute perdu en curiosité et émotion. Et pour cause : les nombreuses tentatives de paralysie du dossier au moyen de dilatoires savamment entretenus ont finalement eu raison de l’affaire en débouchant sur un arrangement conclu entre les pouvoirs auprès des ayant-droits des victimes. Lesquels semblent se satisfaire d’une simple indemnisation matérielle au nom d’une entente nationale consignée dans la loi. Conséquence : le dossier Sanogo est spectaculairement devenu le «deal Sanogo» et la comparution des bourreaux une simple formalité pour leurs avocats. C’est du moins le pressentiment qu’on pouvait en avoir jusqu’à cette sortie fracassante et vicieuse d’une dame se présentant comme une victime au même titre que les bérets rouges. Il s’agit de Mme Aminata Soumaré, jeune femme de 35 au même des faits qui prétend avoir été enlevé, séquestrés, abusés et atteinte jusque dans sa chair et sa vertu par les hommes à la solde du Capitaine Sanogo. Au nombre desquels figure, selon son récit, Malick Diaw, confortablement assis sur son perchoir de président du CNT à la faveur du putsch du 18 Août 2020. Les faits remontent aux premières heures de la chute d’ATT et son remplacement par le dauphin constitutionnel de l’époque Dioncounda Traoré. Aux dires d’Aminata Soumaré, c’est dans le staff de l’ancien président de la Transition qu’il s’est trouvé des manipulateurs ayant abusé de sa naïveté pour faire passer via son téléphone des messages à la teneur séditieuse que la sécurité de Sanogo a pu intercepter. Lequel message, explique-t-elle, destinés à leurs redoutables adversaires qu’étaient les Bérets rouges, lui auraient valu une arrestation arbitraire au cours de laquelle les pires sévices lui ont été infligés avec la caution présumée de Sanogo : tortures physique et morale, détention extrajudiciaire et privation prolongée de liberté aux dépens de son nourrisson, abus sexuels, etc. Autant de violations dignes d’une procédure internationale et que la victime n’est point disposée à absoudre au prix des mêmes dédommagements acceptés par les ayant-droits de Bérets rouges auxquels elle s’identifie par ailleurs. À tort probablement, et pour cause. Selon la mémoire que nombre de témoins de l’époque gardent de son épisode, Aminata Soumaré avait bel et séjourné dans les geôles du Cnrdre mais pour des motifs différents de ceux qu’elle relate. En clair, les traitements infra-humains qui lui auraient été infligés n’ont aucun lien avec le contre-coup d’Etat intervenu plusieurs jours ou semaines après sa détention intervenue en même temps que celle de Dramane Dembelé. Tous deux sont effectivement du staff de campagne de Dioncounda Traoré de 2012 et il leur était reproché à tous, en même temps qu’à un certain N’Tji DIAWARA, une tentative de s’adjuger les services de mercenaires étrangers pour débarrasser la Transition de Dioncounda Traoré de la pesante emprise des putschistes. Selon nos recoupements, la plaignante Aminata Soumaré, qui dit avoir été associé à son corps défendant ou par naïveté, aurait même causé les mêmes ennuis à un employé étranger du père de sa fille, notamment le gérant de l’hôtel Radisson a en son temps qu’elle aurait sollicité par SMS à hauteur de 100 millions de francs en espèces pour les besoins de l’opération. C’est dire qu’Aminata Doucouré a pu subir la maltraitance de la part des mêmes bourreaux mais pas dans le sillage des affrontements avec les Bérets rouges. Quoique son récit soit infecté de contrevérités susceptibles de discréditer sa version du drame vécu pendant sa détention, le coup de gueule que l’affaire lui inspiré n’en est pas moins digne de teneur et de portée significative. Sa sortie fracassante et dissonante de la trajectoire donnée au dossier révèle en effet les limites objectives d’une restriction des crimes de 2012 à leur seule dimension militaire et au malaise occasionné dans l’armée, et rappelle par ailleurs que l’entente nationale ayant sous-tendu une telle approche superficielle est difficilement envisageable en contournant la justice au nom de la gêne qu’en éprouvent certains acteurs que la procédure pourrait éclabousser. Voilà pour la teneur. Pour la teneur, il n’est point exclu les vicieux témoignages publics de la bonne dame relance le débat sur la partition qu’elle attribue à d’autres acteurs jusque-là inconnus de l’affaire et qu’une procédure sur la pointe des pieds était sur le point de passer sous silence. C’est le cas du président du CNT placé au cœur du massacre des bérets rouges dans le récit de Mme Soumaré, dont les révélations ont pu orienter les procédures internationales sur les atrocités de la crise malienne.
A KEÏTA