Prolifération de bars-restaurants dans le District : Bamako serait-il devenu le premier quartier chinois d'Afrique ?

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S’il y a un secteur d’activités qui semble inexorablement connaitre un boom impressionnant dans le district de Bamako, c’est bien celui des bars-restaurants. En effet, près de 500 bars sont enregistrés à la date d’aujourd’hui dans la capitale. Une véritable industrie, qui est en train de prendre corps, transformant du coup Bamako, devenue en un laps de temps une véritable China town. C’est la manifestation des grands vices des temps modernes caractérisés par le quatuor : argent, drogue, alcool, sexe. Avec la prolifération de bars-restaurants, un milieu d’affaires foisonnant se noue, arrondissant les chiffres d’affaires des gérants et tenanciers de ces établissements. Lesquels se tapent  des sommes colossales variant entre 500 000 et 2 000 000 FCFA par jour.

es bars et restaurants poussent comme des champignons dans le district de Bamako. Ils y poussent un peu partout et presque dans tous les quartiers de la capitale malienne. Autant dans des endroits reculés qu’en face des grandes artères de la ville. D’une trentaine de bars restaurants vers la fin des années 90, nous en sommes aujourd’hui à près de 500, dans la seule ville de Bamako.

Cependant, il est à préciser que la ville de Bamako doit la multiplication de ces bars et restaurants à l’arrivée de la cohorte d’asiatiques, notamment des Chinois, Vietnamiens et Malaisiens. Les chinois sont venus révolutionner ce secteur jadis tenu par des Maliens. Ils y ont mis leur talent et tout leur savoir faire, au point de transformer certains coins de Bamako en une véritable China Town.

L’ACI 2000 passe pour être l’un des coins les plus prolifiques en la matière. Plus de 22 bars chinois ! Pas moins que cela, pour susciter en nous cette autre question : l’ACI 2000 ne deviendrait-il pas le premier quartier chinois de l’Afrique ? Les premiers indices sont déjà là. Dans les années à venir et au rythme avec lequel les asiatiques, au premier rang desquels les chinois, se spécialisent dans le commerce de l’alcool, et le marché du sexe, ce quartier chic, prendra certainement le nom de China Town.

Les Maliens, pour la petite histoire, habitués à se rendre au pays de l’oncle Sam, pour une raison ou pour une autre, connaissent ce célèbre quartier de New York : China Town. Cependant, ils sont peu nombreux à connaitre sa petite histoire. Au départ, ce fut un lopin de terre appartenant à des Américains au pouvoir d’achat modeste. A  leur arrivée, les premiers aventuriers chinois ont adopté ce quartier, en raison des opportunités d’affaires qu’il représentait. Les années passèrent. Pendant ce temps, la colonie chinoise s’agrandissait tout en amassant d’immenses fortunes à travers la restauration, le sexe, l’alcool et la drogue. Voilà, en résumé, l’histoire de cette colonie chinoise ayant pris ses marques sur ce bout du territoire du pays des Yankees.

Au Mali, avant l’ACI 2000, les chinois avaient jeté leur dévolu sur les quartiers populaires de la rive droite. C’était certainement juste pour avoir un pied à terre. Et la colonie chinoise découvrit en l’ACI 2000, plus tard, une manne inespérée pour vite s’enrichir avec les retombées nées de la gestion des bars et restaurants. Une bonne partie de ces tenanciers se frottent aujourd’hui les mains. Sans tambour, ni trompette, ils agrandissent leur chiffre d’affaires, au jour le jour, en gagnant quelques centaines de milliers, voire même des millions de FCFA pour certains, en une seule journée.

Des Maliens bien inspirés par la réussite des asiatiques dans le secteur y ont aussi fait leur entrée.

La rue Blabla à l’hippodrome concentre, à elle seule, plusieurs maquis, comprenez bars et restaurants dans le jargon des initiés. Pendant la nuit, c’est un autre spectacle, un autre visage dont semble se  parer l’endroit. Des affiches scintillant sous des luminaires multicolores, des plaques luminescentes, des feux d’artifice, bref tout l’arsenal y est pour se signaler au visiteur comme pour l’inviter à entrer dans ces nombreux coins de Bamako by night.

Cette rue est aussi appelée aussi " Rue Princesse " par les branchés, en référence à une rue satanique du même nom dans la capitale ivoirienne. Les musulmans de Bamako, quant à eux, préfèrent la dénommer tout simplement  "Kafiri-carré" (le carré des mécréants).

Une clarification s’impose pour ce qui est du ou des promoteurs de ces établissements. Le boom de ce secteur d’activités était d’abord le fait des asiatiques, qui ont eu l’audace de s’y frayer un chemin. Après, sont venus s’y ajouter, entre autres, des ivoiriens, Européens, Libanais, Camerounais, Togolais et Maliens. A ce niveau, une autre clarification s’impose : les Maliens, des nouveaux venus dans le milieu, semblent s’y plaire davantage que des Chinois et autres asiatiques.

Il ressort des investigations menées, que beaucoup de ces établissements appartiennent à des opérateurs maliens. Les asiatiques, compte tenu de l’expérience qu’ils ont dans le domaine, en plus de leur rigueur dans la gestion, assurent la gérance de ces bars. Comme nous fera savoir un des professionnels du milieu, " derrière tout bar et restaurant à Bamako se profile l’ombre d’un Malien et qui n’est pas n’importe qui dans ce pays ". Les asiatiques, selon un responsable de l’Office malien du tourisme et de l’hôtellerie, n’ont que les 45% de la gestion. Comme pour dire que le reste tombe entre les mains des nationaux.

Les valeurs sociétales et religieuses de notre pays étant de loin contraires aux pratiques peu orthodoxes de ces établissements, les Maliens, propriétaires ou associés, préfèrent rester dans la discrétion la plus totale tout en tirant profit de cette manne financière.

Qui sont vraiment les clients de ces bars ?

Ceux qui fréquentent les bars et restaurants se recrutent à tous les niveaux de la société. Ils sont jeunes scolaires ou étudiants, opérateurs économiques ou hommes d’affaires ou encore de gros bonnets de la place. Chacun a son petit coin perdu, soit pour se reposer et ressasser les idées, soit pour nouer des relations ou très souvent même pour s’éclater en galante compagnie. Autant l’alcool les aide à se la couler douce, autant les belles de nuit arrivent à leur procurer une cure de jouvence. Les jeunes filles venues de l’intérieur et qui exercent en plein jour le métier de domestique, communément appelées les 52, remplissent ces endroits une fois la nuit tombée. Les jeunes filles non scolarisées, les petites vendeuses de rue, en ont aussi pour leur compte. Il y a toute une palette de choix qu’offrent ces bars, selon le statut du client ou la qualité de la chambre.

En effet, les bars sont de véritables maisons closes qui proposent des chambres ventilées ou climatisées avec le minimum d’équipement dont en priorité le lit et la télévision, à un prix de 2000 FCFA l’heure ou des chambres climatisées avec douche interne et des matériels de toilettage, en plus de la vidéo diffusant des films pornographiques, à 3000 FCFA voire même 4000 FCFA l’heure, selon l’endroit et la qualité du mobilier.

Si les jeunes se complaisent à marchander les prix, il faut reconnaitre que les dignitaires n’en font pas de même. Venus nuitamment et discrètement pour ne pas être vus ou reconnus, ils s’engouffrent dans les chambres furtivement avec leurs partenaires ou préfèrent, si c’est en pleine journée, les amener ailleurs, dans des endroits où, pratiquement, il faut traverser des ruelles pareilles à des coupe-gorges pour y accéder. Mais, puisqu’il faut se cacher, les endroits qui semblent abandonnés sont les meilleurs.

Les jeunes filles qui exercent dans les bars utilisent de faux prétextes de serveuses. En activité, elles ne sont en réalité que des entraîneuses, surtout dans les bars chinois où leurs salaires ne dépassent nullement 35.000 FCFA. Le reste pour arrondir la fin du mois doit provenir des clients. Allez savoir comment !

D’ailleurs certaines de ces serveuses, sous le couvert de ce boulot, se transforment en prostituées de luxe qui profitent du contact avec les clients pour fixer des rendez-vous à honorer dans un coin caché, pendant les heures perdues. Ce n’est pas tout. Beaucoup de ces bars sont équipés de cameras cachées, pour filmer les clients en pleins ébats, à leur insu. Des DVD de pornographie sont après sortis de ces enregistrements, puis vendus sur le marché international. Combien sont-ils alors ceux qui ont été, sans le savoir, des acteurs de films classés X ?

Conditions d’ouverture de bars restaurants

Que font les autorités en la matière ?

 Des associations et organisations religieuses ou des associations pour la défense des droits humains montent parfois au créneau pour dénoncer les conséquences de la prolifération de ces établissements sur l’éducation des enfants. Certaines de ces associations vont même jusqu’à pointer un doigt accusateur sur les riches propriétaires fonciers. A les croire, ces derniers encouragent la persistance du phénomène en louant aux exploitants des maisons qui, au départ, étaient uniquement à usage d’habitation, mais finalement transformées pour servir de bars et de maisons de passe. N’y aurait-il pas une règlementation en la matière au Mali ?

Au Mali, il n’y a aucun texte qui interdit l’ouverture d’un bar, mais de là à se trouver au voisinage des habitations, cela est une atteinte pure à la pudeur du citoyen. Un chef de famille raconte que le matin, en allant à l’école, ses enfants butent sur les préservatifs déjà utilisés et jetés négligemment presque devant sa porte.

A l’Office malien du tourisme et de l’hôtellerie (OMATHO), on s’est dit respecter strictement la loi régissant l’ouverture d’un bar ou tout autre établissement hôtelier. " Aucun établissement de tourisme ne peut être établi à proximité des édifices ci-après : les lieux de culte, les cimetières, les établissements scolaires, les établissements hospitaliers et centres de santé et les casernes. Un établissement de tourisme ne peut être établi entre deux maisons d’habitation ou à proximité de maisons d’habitation s’il est de nature à créer des nuisances de voisinage ". Allez-y faire un tour en ville pour savoir sur cette disposition est respectée.

Au demeurant dans ce texte, la distance réglementaire n’est pas précisée, notamment par rapport aux édifices cités plus haut et les habitations.

 A l’OMATHO, on estime qu’un bar restaurant est avant tout un établissement commercial qui offre des repas et des boissons.  Il peut aussi offrir des services de distraction et d’animation. Les conditions d’ouverture d’un bar restaurant ne sont pas différentes de celles d’un hôtel. Il s’en suit que toute personne qui se propose de construire un établissement de tourisme, de transformer ou d’aménager un bâtiment en établissement de tourisme, doit au préalable faire agréer son projet. Un extrait de casier judiciaire, un plan de situation, de masse, de  distribution intérieure, d’évacuation des eaux usées et un plan des installations de sécurité.Telles sont, entre autres, quelques unes des conditions à remplir pour tout candidat. Il faut aussi ajouter l’enquête de moralité exercée sur chaque candidat par les autorités de police judiciaire en vue d’établir son profil et voir éventuellement s’il est apte à ouvrir de tel établissement. 

A l’Office malien du tourisme et de l’hôtellerie, on estime qu’il est formellement interdit de vendre ou de consommer de l’alcool dans les restaurants ou encore de le faire transporter par des enfants. Ce qui de toute façon n’est pas le cas dans beaucoup de ces établissements. La présence des filles de joie dans les alentours des bars est formellement interdite. Tout comme la forte sonorité des boites à musique. La musique qui se joue ne doit pas empêcher les clients de causer entre eux ou de se reposer, nous a-t-on fait savoir. " Lorsqu’un bar enfreint la réglementation et est de nature à porter nuisance à la population, il est automatiquement fermé. A chaque fois qu’on est suivi d’une plainte, on va sur le terrain " précise notre interlocuteur.  Cependant, pour surprendre certains  indélicats promoteurs, l’OMATHO passe par des informateurs pour la tenir informer de tous les moindres gestes et mouvements.  En raison de la prolifération de  ces établissements qui poussent dans presque tous les quartiers de Bamako jusque dans les coins les plus retirés de la ville, l’OMATHO  a semble t-il cru bon de  faire loger un agent dans chaque quartier, de façon à quadriller la ville. Et deux agents dans les quartiers à très grande forte concentration de bar et restaurant. Pour que ceux-ci surveillent régulièrement les activités des établissements hôteliers.

La fermeture  peut intervenir, lorsque les conditions d’hygiène, d’assainissement et de sécurité ne sont pas conformes aux normes prescrites, l’établissement ne procède pas à la déclaration et au reversement de la taxe touristique, l’activité exercée ne correspond pas à celle pour laquelle l’agrément a été accordé.

La présence des prostituées sur les grandes artères ou à proximité d’établissements hôteliers ou touristiques est un sujet qui est constamment revenu sur les lèvres de la plupart de nos interlocuteurs. A ce sujet l’OMATHO a dégagé toute responsabilité et  admet  avoir chaque fois sollicité l’intervention de la police nationale à chaque fois qu’il a été fait  cas de la présence de ces filles devant les bars. "Mais à partir du moment où ses filles ne sont pas devant les bars mais dans la rue,  il appartient à d’autres structures compétentes de les traquer" a admis un cadre de l’OMATHO.

Des plaintes régulièrement déposées à l’OMATHO

Au cours d’une rencontre d’information tenue il y a quelques mois  de cela à l’Office malien du tourisme et de l’hôtellerie, les promoteurs de bars et restaurants chinois ont été sommés de respecter la législation en cours dans notre pays en matière de gestion d’un établissement hôtelier. Sous peine de subir une sanction dont la conséquence sera la fermeture pure et simple de l’établissement.

La rencontre avait réuni des responsables et militants de l’association des chinois résidents au Mali et de nombreux promoteurs de bars. Il est à noter que Bamako compte plus d’une centaine de bars chinois. Beaucoup d’autres pullulent à travers la ville sans que souvent les conditions régissant leur ouverture soient respectées. Des plaintes les concernant sont régulièrement adressées à l’Omatho  soit par des associations ou organisations religieuses, soit par des associations pour la défense des droits des enfants pour exiger de ces établissements le respect de nos us et coutumes. Alors que les conditions régissant l’ouverture d’un établissement sont bien claires en la matière. Le Directeur de l’OMATHO avait fait remarquer au cours de cette rencontre que "  toute ouverture d’un hôtel ou d’un bar doit être sanctionnée d’un agrément et toute ouverture sans agrément est une atteinte à la loi ". L’agrément est donné à une personne physique. Laquelle est responsable devant l’administration. Le problème dira M.Touré de l’OMATHO,  est que beaucoup de personnes exploitent à la fois le même agrément sans que l’office du  tourisme et de l’hôtellerie soit informé. En ce sens que celui au nom duquel l’agrément est délivré en retournant chez lui en Chine, cède sa place à l’un de ses compatriotes qui continuent à gérer le même établissement. Une situation qui crée une terrible confusion ou l’administration se retrouve sans un interlocuteur fiable. Cette pratique doit immédiatement cesser,  a-t-il  réaffirmé avant d’ajouter qu’aucun promoteur n’a le droit de confier son agrément à une tierce personne sans l’aval de la structure spécialisée.

L’autre problème relevé et dont l’Omatho se trouve régulièrement exposé, est le non respect par les promoteurs chinois des lieux d’emplacement de leurs établissements. Ceux-ci changent constamment de quartier et sont difficiles à repérer. L’exhibition des filles de joie dans les hôtels ou à leur devanture a également été condamnée au cours de la rencontre. Il a été clairement notifié aux promoteurs d’y mettre un terme et de se conformer aux us et coutumes en vigueur  dans notre pays.  Notre interlocuteur, n’a pas voulu nommer les établissements qui ont en charge de traquer les prostituées dans les rues. Nous avons filé à la brigade des mœurs.

 Pas moins d’une vingtaine de prostituées arrêtées puis fichées chaque soir

Le commandant de la brigade des mœurs nous a rappelé, qu’en 2005, sa structure avait procédé à un recensement exhaustif de bars et restaurants dans le district de Bamako. Au cours duquel, un certain nombre de bars qui se trouvaient en net déphasage avec la réglementation en cours dans notre pays avaient été fermés. D’autres bars restaurants ouverts à proximité  d’établissements scolaires ont aussi fait l’objet de fermeture.

 La patronne des lieux, Ami Kane, de nous dire que plus de 80% des bars ont un agrément, donc habilités à tourner. Elle indique que sa structure mène régulièrement des contrôles de routine dans différents bars de la place, au cours desquels certains, pris en flagrants délits, sont fermés.

Récemment, certains ont d’ailleurs ont été fermés pour avoir comme pratique de filmer les clients dans leurs chambres. Les promoteurs de ces bars ont été déférés.  Les filles qui vont pour racoler ou  interpeller les hommes sont arrêtées et fichées, a indiqué pour sa part Ami Kane.  Et qui ajoute qu’à chaque descente de la police dans la ville, elle peut appréhender plus d’une vingtaine de prostituées surprises au bord des routes ou auprès des bars.  " Tout bar ne correspondant pas aux normes en vigueur est aussitôt fermé. Mais seulement, les gérants n’y coopèrent pas " déplore Ami Kane.

Ceci pose la grosse difficulté à laquelle les éléments de la police sont confrontés. Quand une patrouille de police pointe le nez, les jeunes filles disparaissent  aidées en cela par la complicité des gérants, déplore un agent de la police. Par ailleurs, c’est souvent le gérant du bar qui ferme son établissement et disparait à chaque descente des agents, sous peine d’être découvert. Parce qu’il n’est pas en règle.

Réalisée  par  Aboulaye   DIARRA

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