Deux mois après le lancement, le Président du Radev fait le point du projet, rappelle la suite du processus et livre son opinion sur la problématique de la reconversion des jeunes. Mieux, dans cet entretien, Fousseyni MAIGA propose des pistes de solutions pour lutter contre le chômage des jeunes.
Le Flambeau : pouvez- vous nous présenter le RADEV ?
FM : Le Réseau des Ambassadeurs du Développement (RADEV-MALI) est une association de réflexion et d’action citoyennes dont la mission est de promouvoir le développement au Mali. Le Radev-Mali œuvre en faveur d’un double changement, celui des mentalités et des comportements au Mali. A cette mission s’ajoute la promotion des Objectifs du Millénaire pour le Développement. Le RADEV est une entité indépendante dont les actions sont exclusivement orientées en faveur des communautés locales et du développement communautaire.
Nos actions s’articulent autour de 4 axes majeurs dont : 1°) la formation et les renforcements de capacités ; 2°) les études et publications ; 3°) l’information et la sensibilisation ; 4°) le lobbying et les plaidoyers.
Nos domaines d’activités stratégiques sont : 1°) l’éducation et la santé; 2°) la sécurité alimentaire ; 3°) la culture et la citoyenneté ; 4°) l’emploi des jeunes ; 5°) le développement durable ; 6°) la démocratie et la bonne gouvernance ; 7°) la justice et la réconciliation ; 8°) l’environnement et l’assainissement.
Le Flambeau : Quelles sont les cibles des formations en entreprenariat et leadership que le Radev organise ?
FM : Rappelons d’abord que ses formations s’inscrivent dans le cadre du Projet REJESEP ‘’Réorientation des Jeunes vers les Secteurs Porteurs’’. Une initiative du Radev qui s’inscrit dans le cadre de la promotion des secteurs productifs comme l’Agriculture, l’agro-business, l’élevage, la pèche auprès des jeunes. Axé sur la promotion de l’entreprenariat et d’activités génératrices de revenus, le projet REJESEP comprend quatre (4) composantes : 1°) la Formation de 2000 jeunes en Entreprenariat et Leadership ; 2°) l’installation (identification de projet, conception de plan d’affaires, appui à la recherche de financement et coaching individualisé) de 1000 jeunes dans des activités génératrices de revenus ; 3°) la formation de 1000 jeunes en techniques de recherches d’emploi et coaching personnalisé jusqu’à l’obtention d’un emploi ou stage ; 4°) une campagne de plaidoyers pour l’introduction des modules d’Entreprenariat dans les cursus universitaires (à partir de la 3ème année) et professionnels (dès la spécialisation).
La première composante du projet REJESEP, notamment la formation gratuite de 2000 jeunes en Entreprenariat et Leadership, a ciblé particulièrement les étudiants en fin de cycle et les jeunes diplômés sans emploi. Nous venons de boucler cette phase et ce qui nous a le plus marqué, c’est la participation d’une centaine de personnes adultes (âgées entre 40 et 70 ans). Aussi, la volonté des participants d’apporter leur contribution au développement du pays à travers la création de richesses et d’emplois.
Le Flambeau : Quels sont les modules abordés dans ces formations ?
FM : Les formations portent sur 5 modules principaux qui sont : les Créneaux porteurs, l’Agro-business, l’entreprenariat, le leadership et le développement personnel. Tous ces modules visent une meilleure appropriation des concepts de leadership et d’entreprenariat par les jeunes et l’acquisition de connaissances et detechniques pour valoriser leur potentiel. A cet objectif, s’ajoutent la promotion du développement et la vulgarisation des nouveaux outils de création d’entreprises.
Le Flambeau : Qu’est ce qui selon vous pousse les jeunes vers la reconversion ?
Bien entendu le manque d’emploi. Mais limiter la problématique de la reconversion uniquement à cet aspect, serait lui ôter toute sa quintessence. Parce que la reconversion en elle-même ouvre le débat sur l’inadéquation des offres de formations et les besoins du marché de l’emploi. L’Etat dépense chaque année des milliards dans la formation de juristes, d’économistes, de littéraires. Ces derniers, au terme de leur formation initiale, se retrouvent tout simplement dans la rue parce que ne répondant pas aux besoins du marché de l’emploi. Les jeunes sont donc, pour ne pas rester inactifs, obligés de se reconvertir vers d’autres secteurs d’activité.
Le Flambeau : L’agro business et l’artisanat sont des créneaux vers lesquels vous invitez les jeunes, pourquoi?
Pour la simple raison qu’ils regorgent de nombreuses opportunités et potentialités. Au Mali, le secteur Agricole (agriculture, élevage, foresterie et pêche) est considéré comme le moteur de la croissance économique en raison des énormes potentialités dont dispose le pays et de l’importante majorité de la population qu’il emploie (80% de la population active). Le secteur contribue en moyenne pour 40 à 45% au PIB avec un taux de croissance moyen de 3,6% par an. Par comparaison, l’or qui constitue la principale ressource minière du pays, contribue au PIB à hauteur de 10%.
Le Mali recèle de grandes potentialités Agricoles. Pour ce qui concerne la production, le potentiel des espaces physiques est globalement estimé à 46, 6 millions d’hectares, dont 12,2 millions d’ha de terres Agricoles, 30 millions d’ha de pâturage, 3,3 millions de réserve de faune, 1,1 million de réserve forestière. La superficie des zones cultivables et inondables est estimée à 2,2 millions d’hectares. En plus, le Mali a des ressources importantes en eaux avec 2.600 km de fleuve, une grande diversité biologique, des ressources forestières et fauniques, et un cheptel abondant et diversifié (9 millions de bovins, 22 millions d’ovins/caprins, 1 millions de camelins, 37 millions de volailles). Des statistiques qui prouvent à suffisance la nécessité d’investir dans le domaine de l’Agro-business.
Quand au Secteur de l’Artisanat, il reste sans conteste un gisement puissant d’emplois dans le milieu urbain, périurbain et rural susceptible d’appuyer efficacement la lutte contre le chômage et le sous-emploi des jeunes. En effet, il offre un grand choix de carrières possibles et de réelles opportunités à chaque jeune de devenir son propre patron. Toutefois, l’atteinte de résultats concrets et efficaces requiert nécessairement la mise en lien des différents acteurs de développement autour d’offres de formation professionnelle et de services financiers et non financiers adaptés aux réalités socioéconomiques du secteur de l’artisanat et de ses acteurs.
Le Flambeau : A ce jour combien ont bénéficié de la formation du Radev et qu’elle est la suite ?
2000 personnes ont pu d’ores et déjà bénéficier de nos formations en entreprenariat et leadership. 5000 personnes sont prévues dans les deux années à venir sur toute l’étendue du territoire national. La formation, comme prévu dans le projet Rejesep, est la première composante. Elle sera suivie de 3 autres phases. La plus imminente est l’installation des participants dans des activités génératrices de revenus. Il s’agira de les aider dans l’identification de leur projet, la conception de leur plan d’affaires et la recherche de financement. Un dispositif de coaching individualisé a d’ores et déjà été mis en place pour cette occasion. Il est également prévu, parallèlement à l’installation des bénéficiaires, une campagne de plaidoyers pour l’introduction des modules d’Entreprenariat dans les cursus universitaires (à partir de la 3ème année) et professionnels (dès la spécialisation).
Le Flambeau : Si tant est que après plusieurs années d’études il faut ensuite aller vers des formations et autres, alors, faut-il fermer les facultés ?
Fermer des facultés pour mettre un terme à la reconversion des jeunes, c’est pousser des enseignants à la reconversion. Pour la simple raison que sans facultés, il ne saurait avoir d’étudiants. Et sans étudiants, pas d’enseignants. Le défi aujourd’hui pour notre pays, à court terme, est de réduire de 80% les orientations des bacheliers dans les facultés dont les formations n’offrent pas de véritables opportunités pour les jeunes.
Dans le court terme, il conviendra à l’Etat de mettre en place un programme national de reconversion des jeunes vers les secteurs productifs pour palier à la défaillance due à l’inadéquation entre les offres de formation et les besoins du marché de l’emploi. Aussi, d’introduire l’entreprenariat dans les cursus universitaires et professionnels pour répondre de manière anticipative au problème de chômage des jeunes.
Dans le long terme, le défi sera de renverser la tendance ‘’20% de scientifiques contre 80% de littéraires’’ vers une tendance ‘’70% de scientifiques contre 30% de littéraires’’. Avec la création de beaucoup plus de centres professionnels et le développement de formations courtes. Les universités régionales, à l’image de celle de Ségou, axées sur les potentialités et besoins locaux doivent être multipliées. Il ne s’agira donc pas de fermer les facultés existantes, qui n’offrent pas assez de perspectives, mais de les réadapter aux réalités économiques conjoncturelles du pays. Et d’ouvrir le débat sur les missions de notre système d’enseignement supérieur.
Avec la correspondance particulière de
Mohamed Danioko de ‘’Le Pouce’’