Le mercure du thermomètre politique malien était en hausse le week-end dernier à Bamako. Pour la simple raison qu’à l’appel des acteurs de la société civile et de la classe politique, des centaines de milliers de personnes, bravant le soleil et la soif du jeûne en ce mois de ramadan, ont battu le pavé pour dire ‘’non’’ au projet de loi portant révision de la Constitution du 25 février 1992. Les organisateurs de cette manifestation peuvent naturellement se féliciter pour avoir réussi leur pari. L’appel a effectivement été entendu du public qui s’est fortement mobilisé en faveur de leur opinion. Mais en sociologie politique, il y a un distinguo à faire entre la foule et les militants. La même cloison s’établit entre le sympathisant et le votant. Cette leçon sied pour la marche du samedi dernier.
Un petit sondage à l’intérieur de la foule nous a permis de comprendre que les cartons rouges des marcheurs n’étaient pas tous rouges contre le projet de Constitution, mais pour leur motivation personnelle. En d’autres termes, les manifestants n’avaient pas le même centre d’intérêt. Parmi eux, il y avait des gens qui étaient préoccupés par l’incursion inopportune du politique sur le champ du football, perturbant la bonne marche des choses. Un autre manifestant (en apparence un cheminot) que nous avons rencontré en aparté évoque une autre préoccupation que la constitution. Son ras-le-bol était relatif à l’arrêt des trains voyageurs. Pour lui, toutes les activités économiques des populations vivant le long des rails sont à l’arrêt faute de trains pour non seulement évacuer leurs produits de crue mais également assurer l’approvisionnement de leurs marchés en d’autres produits de consommation tels que le sucre, le sel, le riz, etc. Mais, ce qui est important à savoir, c’est l’origine sociologique des marcheurs.
La majorité des marcheurs était des ouvriers, des artisans, des petits commerçants… Cette couche de la population paie le prix le plus élevé de l’embargo de fait que les grands argentiers du monde imposent au régime IBK. On n’a pas besoin d’être spécialiste en économie pour savoir que le petit peuple souffre le martyre des guerres de positionnement des acteurs politiques à l’international, qui ne les concerne pas. Cette masse populaire qui avait soif de s’exprimer a profité de cette opportunité pour se défouler un peu. C’est dire qu’il est vrai que les organisateurs ont réussi à mobiliser une foule importante pour dire ‘’non’’ à la réforme constitutionnelle. Mais, ce n’est pas une foule compacte qui peut être mobilisée tous les jours. Car, les gens n’ont pas les mêmes préoccupations. Donc, le coup est jouable pour les partisans du ‘’Oui’’. C’est juste une question d’organisation et une bonne stratégie de communication pour couper court aux rumeurs en donnant la bonne information au peuple.
Comme pour dire que la grande mobilisation du week-end dernier peut ne pas impacter sur les résultats des urnes. A moins que certains acteurs politiques misent sur la violence comme mode d’expression pour empêcher la tenue du référendum comme c’est le cas en ce moment. Car, le soudain regain de la violence, notamment à Bamako avec l’attaque surprise contre le ‘’campement Kangaba’’ à Yirimadjo, en dit long sur les motivations des assaillants. L’on se demande si certaines attaques lâches en ces moments contre les positions de nos militaires ne sont pas commanditées par des acteurs politiques de premier plan, tapis dans l’ombre à Bamako. En tout cas, les moments choisis pour ces actes laissent peser un sérieux doute là-dessus. L’on se demande si les violences actuelles ne sont pas des réponses à opposer à la Cour Constitutionnelle, qui estime que l’insécurité au stade actuel est résiduelle. Donc, pas très importante pour influer sur la tenue du scrutin référendaire.
Un argumentaire qui a même valu à la Cour des critiques les plus acerbes. Cependant, les décisions (bonnes ou mauvaises) de cette Institution sont censées s’imposer à tous et à toutes. Surtout que l’acceptation ou le rejet des décisions d’une Institution quelconque dépend de la position dans laquelle l’on se trouve. Pour mémoire, rappelons qu’en 1997, Soumaïla Cissé, Modibo Sidibé, Mme Sy Kadiatatou Sow, alors membres du gouvernement d’Alpha Oumar Konaré, sous la direction d’un certain Ibrahim Boubacar Kéïta, Premier ministre, le Pr Ali Nouhoum Diallo, président sortant de l’Assemblée nationale dissoute et dirigeant très influent de l’ADEMA-PASJ, Tiébilé Dramé du PARENA, allié du pouvoir, étaient tous d’accord avec la décision de confirmation de la réélection du président Konaré alors que de l’autre côté, les opposants d’alors, Me Mountaga Tall, les regrettés Mohamed Lamine Traoré, Almamy Sylla, pour ne citer que ceux-ci, ont rejeté cette décision. Malgré tout, ils appelaient le président « Monsieur Alpha », comme pour dire que, dans la situation actuelle du pays, qui a besoin de tous fils et surtout dans la cohésion, les acteurs politiques devraient pouvoir faire économie des luttes politiciennes pour sauver les meubles.
Il est donc vrai que les organisateurs de la marche ont marqué un point contre le régime d’Ibrahim Boubacar Kéïta, dont les principaux alliés au lieu de se montrer solidaires à l’initiative présidentielle, se démarquent en donnant l’impression de gens qui sentent un éventuel chavirement du navire. Or, en ce moment précis, IBK et son gouvernement ont besoin des grands communicants pour mieux expliquer ce projet de loi, portant sur la révision constitutionnelle, afin de couper court aux rumeurs qui ne cessent d’enfler au détriment de l’information, surtout la bonne.
M. A. Diakité