De juin 2016 à maintenant notre analyste Dr Brahima Fomba éminent juriste et Chargé de Cours à Université des Sciences Juridiques et Politiques de Bamako a publié de série de contributions pertinente dans L’Aube pour dénoncer les nombreuses violations et autres incongruités contenues dans le projet de révision constitutionnelle. Rien n’y fît.
Pour rafraîchir les mémoires, nous vous proposons les certains articles publiés dans nos colonnes…
L’AVIS OBLIGATOIRE DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE–UNE EVENTUELLE REQUETE EN INCONSTITUTIONNALITE
Le référendum face à deux obstacles…
Pour en arriver à la phase du référendum, au moins deux obstacles juridiques se dressent sur le parcours de la nouvelle loi constitutionnelle. Le ministre de l’Administration Territoriale l’apprendra à ses dépens ; lui qui, sans doute par méconnaissance des contraintes d’organisation de ce référendum, s’est risqué à balancer la date du 9 juillet pour la tenue dudit scrutin. Le ministre a-t-il conscience qu’après son vote par l’Assemblée nationale, la loi constitutionnelle est d’une part obligatoirement soumise à l’Avis de la Cour constitutionnelle et d’autre part susceptible d’un recours en inconstitutionnalité auprès de cette même juridiction ? Analyse du Dr Brahima FOMBA.
Au-delà des innombrables tripatouillages inutiles et anti démocratiques qui la jonchent de partout dans le fond, et qui sont proprement indignes de la Révolution de Mars 91 et de ses martyres, la loi constitutionnelle du Président IBK est entachée au plan de la forme de graves irrégularités qu’aucun esprit républicain ne saurait valider. Le projet de loi adopté par le gouvernement et déposé à l’Assemblée nationale n’avait pas la forme d’un texte modificatif de la Constitution de 1992, mais plutôt d’une constitution nouvelle que ni le Président de la République, encore moins les députés godillots de la majorité, ne sont constitutionnellement fondés à octroyer au peuple malien. Par ailleurs, le Président IBK a engagé cette procédure de révision constitutionnelle en violation flagrante de l’alinéa 3 de l’article 118 de la Constitution faisant interdiction d’engager ou de poursuivre toute procédure de révision constitutionnelle lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire comme à Kidal et ailleurs. Il n’y a vraiment pas de quoi se réjouir du vote intervenu dans la nuit du vendredi 02 juin au samedi 3 juin 2017 d’une loi constitutionnelle qui n’est que le résultat d’un viol systématique aussi bien dans le fond que dans la forme de la Loi fondamentale de notre pays.
Au regard d’une jurisprudence abondante solidement assise sur la Constitution, l’Arrêt n° 01-128 du 12 décembre 2001 et les Avis successifs n°01-001/Référendum du 4 octobre 2001 et n°12-002/Référendum du 13 mars 2012, cette loi constitutionnelle du mépris de la Révolution de Mars 91 et de ses martyres ne conduit d’ailleurs pas directement à la tenue du référendum que le gouvernement se propose d’organiser le 9 juillet 2017. Pour en arriver à la phase du référendum, au moins deux obstacles juridiques se dressent sur le parcours de la nouvelle loi constitutionnelle.
Le ministre de l’Administration Territoriale l’apprendra à ses dépens ; lui qui, sans doute par méconnaissance des contraintes d’organisation de ce référendum, s’est risqué à balancer la date du 9 juillet pour la tenue dudit scrutin. Le ministre a-t-il conscience qu’après son vote par l’Assemblée nationale, la loi constitutionnelle est d’une part obligatoirement soumise à l’Avis de la Cour constitutionnelle et d’autre part susceptible d’un recours en inconstitutionnalité auprès de cette même juridiction ?
La Cour constitutionnelle doit être obligatoirement saisie pour avis
La loi constitutionnelle votée ne peut aucunement échapper à la procédure consultative obligatoire à laquelle elle est condamnée de par la Constitution, la loi organique n°97-010 du 11 février 1997 sur la Cour constitutionnelle, le Règlement intérieur de la Cour constitutionnelle et sa jurisprudence qui en fixent le fondement juridique. En particulier, la loi organique qui complète les dispositions constitutionnelles en la matière dispose à son article 26 : « La Cour Constitutionnelle veille à la régularité des opérations de référendum et en proclame les résultats. A ce titre, elle est consultée par le Gouvernement pour l’organisation des opérations de référendum. Elle porte toutes observations qu’elle juge utiles … ». C’est à travers cette procédure consultative obligatoire que les lois constitutionnelles des Présidents Alpha O. KONARE et Amadou T. TOURE ont transité pour donner lieu aux Avis n°01-001/Référendum du 4 octobre 2001 et n°12-002/Référendum du 13 mars 2012. En guise de rappel, il faut savoir que sous le Président KONARE, la Cour constitutionnel avait été saisie à la date du 02 octobre 2001, de la loi constitutionnelle n°00-54/AN-RM votée le 21juillet 2000, pendant qu’avec le Président TOURE, cette saisine est intervenue le 20 février 2012 suite à l’adoption le 2 août 2011 de la loi constitutionnelle n°11-056/AN-RM.
L’avis rendu par la Cour constitutionnelle doit être publié au J.O. avant la convocation du collège électoral !
Il ne suffira cependant pas au gouvernement de saisir simplement pour avis la Cour de la loi constitutionnelle votée afin que celle-ci y « porte toutes observations qu’elle juge utiles ».Il faut préciser que la procédure consultative doit se dérouler non pas en catimini entre la Cour et le gouvernement, mais en toute transparence , conformément à ce que la Cour constitutionnel elle-même dans son Avis n°01-001/Référendum du 04 octobre 2001 a déclaré : « Cet avis est destiné à l’information du public par sa publication au Journal Officiel avant la convocation du collège électoral ». Cela signifie que l’Avis émis par la Cour constitutionnelle sur la loi constitutionnelle qui vient d’être votée par l’Assemblée nationale doit être publiée au Journal Officiel du Mali avant la convocation du collège électoral en vue du référendum. En d’autres termes, le collège en vue du référendum constitutionnel ne peut être convoqué, avant que l’opinion nationale ne soit informée à travers le Journal Officiel, sur les observations émises par la Cour constitutionnelle sur la loi constitutionnelle. C’est cette obligation de transparence qui donne toute son importance à l’Arrêt CC-n°01-128 du 12 décembre 2001 qui va expliciter davantage le sens et la portée que la Cour donne à la procédure consultative liée au référendum. Dans cet Arrêt, la Cour déclare notamment : « Cet Avis est juridique exclusivement, il porte sur la régularité de la procédure de la révision constitutionnelle et sur certaines nouvelles dispositions qui créent une contrariété dans le texte constitutionnel ou constituent une régression dans la promotion et ou la protection des droits de la personne humaine et dans la transparence en matière de gestion des affaires publiques ». Conformément à l’Avis n°01-001/Référendum du 04 octobre 2001, l’opinion nationale malienne est constitutionnellement fondée à revendiquer et défendre son droit de partager publiquement l’ensemble des observations émises par la Cour constitutionnelle sur la loi constitutionnelle qui doivent être publiées au Journal Officiel avant la convocation du collège électoral en vue du référendum.
La loi constitutionnelle peut faire l’objet d’un recours en inconstitutionnalité
Parallèlement à la procédure consultative obligatoire à laquelle elle est soumise, la loi constitutionnelle est également susceptible de subir un contrôle de sa constitutionnalité. La possibilité de contester pour inconstitutionnalité une loi constitutionnelle votée par l’Assemblée nationale et non encore soumise à référendum est une question qui été tranchée par la Cour constitutionnelle dans son Arrêt n° 01-128 du 12 décembre 2001 qui en a admis le principe. Il faut rappeler que ce sont d’ailleurs des députés appartenant tous à l’époque au Groupe parlementaire du RPM qui ont été à l’origine de cet Arrêt. A travers deux requêtes datées des 13 et 20 novembre 2001, ces députés avaient saisi la Cour constitutionnelle aux fins de déclarer inconstitutionnelle la loi n° 00-54/AN-RM du 21 juillet 2000 portant révision de la Constitution du 25 février 1992 publiée au Journal Officiel spécial n° 5 du 18 octobre 2001.
Les requêtes des 13 et 20 novembre 2001 sont intervenues après l’adoption le 21 juillet 2000 de la loi constitutionnelle n° 00-54/AN-RM et sa publication au Journal Officiel le 18 octobre 2001. En l’occurrence, la Cour s’était prononcé dans les sens de l’inconstitutionnalité de la loi constitutionnelle au motif que le texte publié dans le Journal Officiel le 18 Octobre 2001 était différent en plusieurs de ses dispositions du texte voté par l’Assemblée Nationale le 21 Juillet 2000. Il est vrai que près d’une quinzaine d’années après, les rôles ont été inversés. Le RPM qui, à l’époque jouaient à la victime, est devenu entretemps le bourreau des institutions républicaines et de l’Etat de droit au Mali qui endosse aujourd’hui la responsabilité historique des tripatouillages anti démocratiques que sa majorité vient d’infliger à la Constitution de 1992.
L’Arrêt n° 01-128 du 12 décembre 2001 admet clairement qu’une loi constitutionnelle peut être contestée pour inconstitutionnalité dans les conditions définies notamment aux articles 85, 86, 88 et 89 de la Constitution. L’Arrêt précise en particulier : « Considérant que la loi portant révision de la constitution qui est l’objet du référendum n’étant pas une loi organique fait donc partie des autres catégories de lois prévues à l’article 88 de la Constitution ; qu’en conséquence elle est susceptible de recours en contrôle de constitutionnalité devant la Cour Constitutionnelle … ». De manière précise, l’Arrêt n° 01-128 du 12 décembre 2001 décline les objectifs visés par un tel contrôle de constitutionnalité : « Considérant que le contrôle de constitutionnalité de la loi portant révision de la constitution consiste à l’analyser pour déterminer si l’autorité qui en a pris l’initiative est habilitée à le faire de par la Constitution, si le quorum indiqué par la Constitution a été atteint lors de son vote par l’Assemblée Nationale, si son vote n’a pas eu lieu alors qu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire et enfin si elle n’a pas révisé les normes qui de par la Constitution ne peuvent faire l’objet d’une révision… ».
Un recours en inconstitutionnalité contre la loi constitutionnelle votée aurait au moins le mérite d’amener la Cour constitutionnelle à nous édifier « si son vote n’a pas eu lieu alors qu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire ».
Quand l’évidence de la violation de l’article 118 de la constitution met le juge constitutionnel face à sa conscience et à son «devoir d’ingratitude »
Que ce soit à travers la procédure consultative ou par la voie du contrôle de constitutionnalité, la Cour constitutionnelle ne pourrait esquiver la question cruciale de la violation évidente par cette révision constitutionnelle de l’article 118 de la Constitution. A la question pertinente d’un député se demandant lors des débats à l’Assemblée nationale si le Mali a aujourd’hui une intégrité garantie pour permettre une révision constitutionnelle (Voir le journal l’Essor du 5 juin 2017), la réponse donnée par le gouvernement et sa majorité mécanique et godillot est une véritable plaisanterie qui fait sourire le constitutionnaliste. Sans rire, selon l’Essor, ils déclarent reconnaître qu’il y a certes des difficultés d’exercice sur l’ensemble du territoire, mais que cela ne signifie pas, à leur entendement, l’absence d’intégrité territoriale. Et de préciser : « En la matière, il faut que le pays soit envahi par des forces étrangères. Tel n’est pas le cas, le problème du Mali est un problème entre Maliens » ! Un véritable étalage indigeste de confusion, d’amalgame et de méconnaissance flagrante de l’alinéa 3 de l’article 118 de la Constitution selon lequel « aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire ». L’enjeu de l’article 118 n’a rien à voir avec la nationalité étrangère ou malienne des forces illégitimes et illégales qui se sont emparés d’une partie du territoire national et de la souveraineté nationale du pays en y érigeant un « territoire hors la République » comme à Kidal. La notion d’intégrité renvoie à l’état d’une chose, d’un tout qui est entier, qui a toutes ses parties et qui n’a subi aucune altération. Du point de vue territorial, l’intégrité suppose l’interdiction de toute atteinte à la consistance physique du territoire d’un Etat ou à son unité politique, étant entendu que le territoire constitue le substrat matériel de la souveraineté. L’intégrité du territoire national implique le droit pour tout Etat de déployer la plénitude de ses prérogatives, d’exercer toutes les compétences étatiques sur l’ensemble de son territoire national. Toutes choses impossibles à Kidal et dans d’autres localités du pays ! A Kidal en particulier, l’Etat malien a été chassé et dépouillé de sa petite parcelle de souveraineté suite à l’occupation de cette localité par des forces irrégulières non étatiques qui en ont fait une enclave, une sorte de sanctuaire ou « no man’s land » sur le territoire national où la République est déclarée « personae non grata » et frappée d’interdiction d’entrée et de séjour sauf autorisation expresse préalable négociée avec les responsables rebelles. L’interdiction posée à l’article 118 vise justement à éviter et empêcher, au moment où les plus hautes autorités ne sont plus libres de leurs décisions comme on le voit bien dans le cadre de la mise en œuvre de l’Accord d’Alger, tout tripatouillage de la Constitution sous la pression et pour les seuls besoins des groupes armés rebelles comme c’est exactement le cas de la loi constitutionnelle qui vient d’être votée par l’Assemblée nationale rien que pour satisfaire leurs désidératas. Etant donné le statut de « territoire hors la République » dont s’est arrogé de facto Kidal sous la domination des groupes rebelles armés de la CMA, le Président de la République ne peut constitutionnellement engager comme il est en train de le faire, une quelconque révision constitutionnelle au Mali. En cautionnant cette grave violation de notre Constitution, la Cour constitutionnelle se rendrait coupable de comportement scandaleux et honteux ne pouvant que contribuer à la dépouiller du peu de crédibilité qui lui reste au vu de ces derniers Arrêts qui font plutôt honte à la démocratie et à l’Etat de Droit.
Dr Brahima FOMBA
Chargé de Cours à Université des Sciences Juridiques et Politiques de Bamako(USJP) (L’Aube 897 du 8 juin 2017)
PROJET DE REVISION CONSTITUTIONNELLE
Longue bataille menée à L’Aube…
De juin 2016 à maintenant notre analyste Dr Brahima Fomba éminent juriste et Chargé de Cours à Université des Sciences Juridiques et Politiques de Bamako a publié de série de contributions pertinente dans L’Aube pour dénoncer les nombreuses violations et autres incongruités contenues dans le projet de révision constitutionnelle. Rien n’y fît.
Pour rafraîchir les mémoires, nous vous proposons les certains articles publiés dans nos colonnes…
AVIS DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE
Le référendum mis en échec ?
Néanmoins, au regard de l’Avis n°2017-01/CCM/REF du 06 juin 2017, le référendum prévu pour le 9 juillet 2017 paraît juridiquement compromis. Car de manière incidente pourrait-on dire, l’analyse de cet Avis et de son contexte révèle qu’en réalité la Cour constitutionnelle met indirectement en échec le référendum constitutionnel. Comment ?
Saisie seulement le 5 juin 2017 dans le cadre de la procédure consultative pour se prononcer sur la loi n°2017-031/AN-RM du 2 juin 2017, c’est tout de suite le 6 juin 2017, c’est-à-dire quasiment à la vitesse de la lumière que la Cour constitutionnelle a rendu l’Avis n°2017-01/CCM/REF du 06 juin 2017.Un véritable record dans les annales de l’institution !
Certes, la Cour a soigneusement pris le soin comme il fallait d’ailleurs s’y attendre, de ne pas porter seule le chapeau du fiasco juridique annoncé auquel semble condamné cette révision constitutionnelle. Au compte de cette incapacité congénitale de sa part à assumer son indépendance institutionnelle, nous inscrivons son interprétation politicienne (ridicule !) de la notion d’intégrité territoriale qui cristallise tant les débats juridiques sur la révision constitutionnelle et à propos de laquelle elle a totalement perdu son latin, ou plutôt son droit, se contentant du service minimum comme on dit. Et pour cause !
Néanmoins, au regard de l’Avis n°2017-01/CCM/REF du 06 juin 2017, le référendum prévu pour le 9 juillet 2017 paraît juridiquement compromis. Car de manière incidente pourrait-on dire, l’analyse de l’Avis et de son contexte révèle qu’en réalité la Cour constitutionnelle met indirectement en échec le référendum constitutionnel. Comment ?
La remise en cause par la Cour de la forme de la mouture de la loi N°2017-31/AN-RM du 2 juin 2017 portant révision de la constitution
Les Avis rendus par la Cour constitutionnelle dans la procédure consultative du référendum et qui doivent être publiés, s’assimilent en réalité à des appels à l’opinion publique nationale en tant que moyens d’assurer la régularité des opérations. C’est notamment grâce à cette transparence à laquelle manifestement la Cour et le gouvernement peinent à se plier, que les Maliens jugeront en fin de compte du niveau d’indépendance ou d’inféodation de notre Cour constitutionnelle.
Dans le cadre de cette procédure, les Avis portent aussi bien sur la constitutionnalité que sur l’opportunité des modifications proposée dans la loi constitutionnelle, comme cela est attesté à travers l’analyse des Avis n°01-001/Référendum du 4 octobre 2001 et n°12-002/Référendum du 13 mars 2012.
A l’instar de cette jurisprudence, l’Avis n°2017-01/CCM/REF du 06 juin 2017 se plaçant en l’occurrence davantage sur le terrain de la constitutionnalité , déclare en substance : « La présente loi portant révision de la Constitution devrait renvoyer plutôt aux articles révisés de la Constitution du 25 février 1992 qu’aux amendements portés au projet de loi par la Commission des lois constitutionnelles, de la Législation, de la Justice, des Droits de l’Homme et des Institutions de la République de l’Assemblée nationale ». Par cette affirmation apparemment anodine, la Cour soulève ici de notre point de vue, la question grave de la constitutionnalité même de la version de la loi constitutionnelle soumise à son examen.
En d’autres termes, la mouture de la loi constitutionnelle transmise à la Cour ne correspondait pas à la forme dans laquelle devait être présentée la loi de révision constitutionnelle telle que votée par l’Assemblée nationale dans la nuit du 2 au 3 juin, c’est à dire le 3 juin 2017. Du point de vue formelle en effet, une loi modificative doit se référer aux articles de la loi originale objet de cette modification et non pas aux amendements portés au projet de loi par une Commission parlementaire. A défaut, il pourrait se poser pour cette loi, un problème de constitutionnalité que seule une seconde lecture peut corriger. La question n’est pas déniée d’intérêt, car on constate que ces insuffisances ont miraculeusement disparu de la version de la loi constitutionnelle publiée au Journal Officiel spécial datant du 7 juin 2017 dans laquelle aucune allusion n’est faite à un quelconque amendement. Reste donc à savoir qui a opéré ces correctifs et quel titre. Qui s’est assis dans son bureau pour rédiger à la place de l’Assemblée nationale une nouvelle mouture corrigée de la loi n°2017-031/AN-RM ? Il n’est pas superflu à cet égard de rappeler l’Arrêt n° 01-128 du 12 décembre 2001 de la Cour constitutionnelle. Car selon la jurisprudence de cet Arrêt, « toutes corrections ou modifications de la loi portant révision de la Constitution doivent faire l’objet d’un nouveau vote de l’Assemblée Nationale saisie pour une seconde lecture par le Président de la République… ».
L’adoption et la publication par le gouvernement du décret illégal N°2017-0448/P-RM de convocation du collège électoral non soumis à l’avis préalable de la Cour constitutionnelle
C’est en quelque sorte l’effet collatéral de l’analyse de l’Avis n°2017-01/CCM/REF du 06 juin 2017 d’où il ressort que la Cour constitutionnelle n’a pas eu à se prononcer sur le décret de convocation du collège électoral et de campagne électorale. Pourtant, la Constitution, la loi organique n°97-010 du 11 février 1997 sur la Cour constitutionnelle, le Règlement intérieur de la Cour constitutionnelle et sa jurisprudence obligent le gouvernement à se plier à cette consultation qui touche à l’organisation de l’ensemble des opérations de référendum. Ces textes juridiques impliquent que la Cour constitutionnelle doit être obligatoirement consultée sur l’ensemble des textes règlementaires organisant le référendum avant leur adoption et leur signature.
Cette obligation constitutionnelle a notamment été observée par les deux premières expériences avortées de référendum constitutionnel. Lors de ces deux tentatives de révision, les projets de décret portant convocation du collège électoral, ouverture et clôture de la campagne électoral et même d’autres textes règlementaires relatifs aux opération référendaires ont effectivement été préalablement soumis à l’Avis de la Cour constitutionnelle avant leur adoption par le gouvernement. Jusque-là dans les différents documents publiés au Journal Officiel, on ne retrouve aucune trace d’un quelconque avis émis par la Cour constitutionnel sur un projet de décret de convocation de collège et de campagne électorale.
Par conséquent, on est fondé à soutenir que pour défaut de respect de l’obligation constitutionnelle de consultation préalable de la Cour constitutionnelle, le Décret n°2017-0448/P-RM du 7 juillet 2017 est entaché d’irrégularité.
La Cour constitutionnelle n’ayant pas eu à se prononcer sur la régularité du Décret, celui-ci ne peut échapper à la forte présomption d’illégalité qui l’entache.
En particulier, le Décret est contraire à la loi n°2016-048 du 17 octobre 2016 portant loi électorale dont il ne tient aucun compte de l’alinéa 2 de l’article 87 ainsi libellé : « Dans tous les cas, le scrutin est ouvert le dimanche précédent pour les membres des forces armées et de sécurité ».
Ce qui signifie que contrairement à ce qui est stipulé dans le décret, le collège électoral en ce qui concerne les membres des forces armées et de sécurité n’est pas convoqué « le dimanche 9 juillet 2017, sur toute l’étendue du territoire national et dans les missions diplomatiques et consulaires de la République du Mal ». En ne prenant pas en compte le décalage légal du vote des membres des forces armées et de sécurité qui précède d’une semaine celui du reste du corps électoral, le Décret n°2017-0448/P-RM du 7 juillet 2017 est illégal. Il aurait fallu, en application de l’alinéa 2 de l’article 87 de la loi électorale, également fixer la date de convocation du collège électorale en ce qui concerne le vote des membres des forces armées et de sécurité.
Par ailleurs, le même décret de convocation qui ne fait aucun cas du dispositif de convocation spécial tel que prévu à l’article 87 ci-dessus, est entaché d’une irrégularité d’autant plus flagrante qu’il doit légalement s’articuler avec un autre décret non encore adopté qui est prévu à l’article 114 de la loi électorale et qui « fixe les modalités d’organisation du vote par anticipation des membres des forces armées et de sécurité ».
A défaut de cette harmonisation, le gouvernement ne peut valablement se prononcer en ce qui concerne les dates d’ouverture et de clôture de la campagne électorale à l’occasion de ce référendum. En l’occurrence, on peut se demander comment la campagne électorale va-t-elle pouvoir se poursuivre alors que les opérations de vote seraient en cours en principe partout sur l’étendue du territoire nationale et dans les missions diplomatiques et consulairres en ce qui concerne les membres des forces armées et de sécurité. Un référendum peut-il constitutionnellement se tenir dans ce grand bazar d’irrégularités ?
Dr Brahima FOMBA
Chargé de Cours à Université des Sciences
Juridiques et Politiques de Bamako(USJP)
(L’Aube 898 du lundi 12 juin 2017)