Dans un communiqué conjoint datant du vendredi dernier, 47 organisations de défense de droits humains ont déclaré leur opposition au projet de loi d’entente nationale en l’état actuel et exigent son retrait, tout en invitant le gouvernement malien à engager dans des consultations avec les parties prenantes, en particulier les organisations de victimes et les organisations de défense des droits humains.
Comme le projet de redécoupage administratif, le projet de loi d’entente nationale fait l’objet de contestations. Déjà, 47 Organisations de défense de droits humains le rejettent en l’état actuel et exigent son retrait. Ces organisations sont, entre autres : Action Citoyenne pour la Promotion des Droits Humains (ACPDH) , AFLED, Aide au Développement Durable de Kidal (ONG ADD), Alliance pour refonder la Gouvernance en Afrique (ARGA Mali), Association des femmes africaines pour la recherche et le développement (AFARD-Mali), Association pour le Progrès et la Défense des Droits des Femmes (APDF) ,Amnesty International (AI Mali) , Association DEME-SO, Association des Juristes Maliennes (AJM) , Association Malienne des Droits de l’Homme (AMDH)(, Association pour le Développement des Initiatives Locales ADIL Mali), Association pour le Développement, Recherche Action (ADERA), Association pour le Développement de Tangassane ADT Tombocutou, Association pour la protection des Ablbinos (AMPA), Association des Femmes Entreprenantes du Mali (AFEM), Avocats Sans Frontières (ASF Mali), Conseil National des Associations de Victimes (CNAV)…
« Nos organisations de défense des droits humains constatent, avec la plus grande consternation, la soumission à l’Assemblée Nationale par le Gouvernement du Mali, d’un projet de loi dite «d’entente nationale » et Les débats pour son adoption sont prévus le 13 décembre 2018 », écrivent-elles dans leur communiqué, avant de préciser : « Nos organisations informent qu’elles ne sont pas contre une Loi d’entente, mais précisent qu’elles s’opposent à ce projet de loi d’entente nationale en l’état ».
Pour ces organisations de défense de droits humains, ce projet de loi prévoit l’exonération des poursuites pénales contre les personnes ayant commis des crimes et délits punis par le code pénal et les conventions internationales ratifiées par le Mali. « Bien que les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et le viol soient exclus de son champ d’application, le projet de loi contient des mécanismes inadéquats pour garantir que les personnes responsables de ces crimes et d’autres graves violations des droits de l’homme et de droit international humanitaire perpétrées pendant la crise de 2012 ne soient pas exonérées de poursuites pénales », dénoncent-elles. Aussi, estiment-elles, certaines des mesures prévues par cette loi sont insuffisantes et entrent en contradiction avec le mandat de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation et le travail de la commission d’enquête internationale, prévu à l’article 46 de l’Accord pour la paix et la réconciliation.
Manque de consultation
Pour ces organisations, le gouvernement a élaboré et soumis le projet à l’Assemblée nationale le 10 Août 2018, sans consulter en amont les victimes. Cela, selon eux, va à l’encontre de la pratique établie aujourd’hui en justice transitionnelle. Pis, « il est à craindre que, loin d’assurer que les faits en relation avec les crimes commis ne soient éclaircis, la Loi ne vienne dans les faits que pour fermer définitivement la porte à toute revendication de justice, aux dépens des droits des victimes à la vérité et à la justice », déplorent ces organisations.
Menace à l’État de droit
Aux dires de ces organisations, la mise en œuvre d’une telle loi risquerait de conduire, dans les faits, à l’amnistie de nombreux auteurs de crimes considérés parmi les plus graves, y compris les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre. Face à toutes ces faiblesses, elles s’opposent à ladite loi. « Aujourd’hui, nos organisations exigent le retrait dudit projet et exhortent le gouvernement malien à engager des consultations avec les parties prenantes, en particulier les organisations de victimes et les organisations de défense des droits humains », écrivent-elles. Les 47 organisations affirment même que ledit projet représente une grave menace à l’État de droit et aux droits des victimes et risque de mettre à mal les efforts déployés afin d’atteindre une véritable réconciliation au Mali.
Ce que les réclament les défenseurs des droits humains
Après avoir constaté ses faiblesses et incohérences, les organisations signataires du communiqué conjoint réclament d’abord le retrait du projet de loi dite « d’entente nationale » par le gouvernement tel que rédigé actuellement. En plus du retrait du projet, elles demandent, entre autres : l’implication, la consultation et la prise en compte des préoccupations des associations de victimes et des organisations de défense de droits humains par le gouvernement, préalablement à l’élaboration d’un nouveau projet de loi d’entente nationale respectueux des droits des victimes du conflit au Mali ; l’engagement d’un dialogue direct entre l’Assemblée nationale et les associations de victimes et organisations de défense de droits humains sur le projet de loi d’entente nationale issu de ces consultations afin qu’elles puissent exprimer leurs préoccupations et craintes au sujet du projet de loi tel que rédigé actuellement ; des engagements concrets des autorités maliennes en faveur de la lutte contre l’impunité en particulier, en garantissant l’effectivité des poursuites et enquêtes relatives aux crimes les plus graves.
Boureima Guindo