Il est enfin là. Après plusieurs tentatives de révision, le Mali est enfin sur la bonne voie de se doter d’une nouvelle constitution répondant aux aspirations profondes du peuple, meurtri par des crises multidimensionnelles depuis l’avènement de la démocratie en 1992. Le document final qui fera l’objet de référendum a été remis au Président de la Transition par le Coordinateur de la Commission de finalisation, Fousseyni Samaké.
Le présent projet de loi met le « Peuple souverain du Mali » au cœur de toutes les priorités de la gestion de l’Etat. Cela est défendu dans le préambule du document, où le peuple souverain du Mali « s’engage à garantir le respect des droits humains, en particulier ceux de la femme, de l’enfant et de la personne vivant avec un handicap, consacrés par les traités et accords sous-régionaux, régionaux et internationaux signés et ratifiés par le Mali ». De ce fait, dans le cadre de cette souveraineté, l’article 31 du nouveau projet de constitution dispose : « Les langues nationales sont les langues officielles du Mali. Une loi organique détermine les conditions et les modalités de leur emploi. Le français est la langue de travail. L’Etat peut adopter toute autre langue comme langue de travail ». Afin de traduire en acte concret le caractère d’une République indépendante, souveraine, unitaire, indivisible, démocratique, laïque et sociale, il est prévu à l’article 32 que « la laïcité ne s’oppose pas à la religion et aux croyances. Elle a pour objectif de promouvoir et conforter le vivre-ensemble fondé sur la tolérance, le dialogue et la compréhension mutuelle ». Désormais, au lieu de 8 huit institutions, le Mali en aura 7. Cela résulte de la suppression du Haut conseil des collectivités et la création d’une nouvelle institution afin de renforcer la lutte contre la corruption, la délinquance économique et financière, et d’assainir les finances de l’Etat. Toutefois, les activités de la Haute Cour de Justice prennent fin dès la promulgation de la présente Constitution. A ce titre, comme stipule l’article 36 : « Les institutions de la République sont : le Président de la République ; le Gouvernement ; le Parlement ; la Cour suprême ; la Cour constitutionnelle ; la Cour des comptes ; le Conseil économique, social, environnemental et culturel ».
A ce niveau, il faut préciser un élément révolutionnaire dans l’élection du Président de la République. C’est que l’article 46 prévoit que le candidat au poste du Président de la République doit être âgé de 35 ans au moins et de 75 ans au plus à la date de dépôt de la candidature et être apte à exercer la fonction». Cela veut dire qu’au-delà de 75 ans, nul ne peut se présenter à l’élection présidentielle. Autre fait marquant, c’est au niveau du mécanisme de prestation de serment du Président de la République. L’article 55 dispose « : Avant d’entrer en fonction, le Président de la République prête, devant la Cour constitutionnelle, en audience solennelle, le serment suivant : « Je jure, devant Dieu et le Peuple souverain du Mali, de respecter et de faire respecter la Constitution et les lois, de préserver le régime républicain, de remplir mes fonctions dans l’intérêt supérieur de la Nation, de préserver les droits et les libertés de la personne, les acquis démocratiques et les biens publics, de garantir l’unité nationale, l’indépendance de la Patrie et l’intégrité du territoire national, de me conduire partout en fidèle et loyal serviteur de la Nation et de mettre tout en œuvre pour la réalisation de l’unité africaine. En cas de violation de ce serment, que le Peuple me retire sa confiance et que je subisse la rigueur de la loi ». On assiste ainsi à un changement de rôle d’institution. Car, ce n’est plus devant la Cour suprême que le chef de l’Etat va prêter serment. Toute chose qui renforce les pouvoirs de la Cour constitutionnelle, juge de la constitutionnalité des lois et elle garantit les droits fondamentaux de la personne humaine et les libertés publiques, et organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs publics. Prévues à l’article 88, les autorités administratives indépendantes exercent leurs missions, notamment dans les domaines de la médiation, de la régulation, de la vérification et du contrôle, de la protection des libertés et droits individuels, de l’organisation et la gestion des élections. Face aux défis du terrorisme et dans la poursuite de la montée en puissance des FAMa, le projet de Constitution, en son article 93, dispose : « L’Etat veille à ce que les Forces armées et de sécurité disposent, en permanence, de capacités en ressources humaines et en moyens matériels nécessaires pour accomplir leurs missions. La planification de ces ressources et moyens s’opère à travers des lois de programmation ».
L’environnement, une priorité pour le Mali
Prenant en compte les enjeux du changement climatique, le Mali entend placer le secteur de l’environnement dans ses actions prioritaires. Cela s’affirme bien dans l’article 164 : « Le Conseil économique, social, environnemental et culturel a compétence sur toutes les questions de développement économique, social, environnemental et culturel ». A ce titre, les membres dudit Conseil portent le titre de Conseiller de la République.
Un Parlement bicaméral
L’une des profondes innovations, c’est le Pouvoir législatif qui sera désormais exercé par le Parlement (article 94). Le Parlement qui vote la loi et concourt à l’évaluation des politiques publiques va comprendre deux chambres : l’Assemblée nationale et le Sénat. Le Congrès est la réunion des deux chambres du Parlement. La présidence du Congrès est assurée par le Président de l’Assemblée nationale et la vice-présidence par le Président du Sénat. Si les membres de l’Assemblée nationale portent le titre de député, les membres du Sénat portent le titre de sénateur. Par ailleurs, les Maliens établis à l’extérieur sont représentés à l’Assemblée nationale selon les modalités définies par la loi. Tandis que le Sénat est constitué, pour trois quarts, de membres élus au suffrage universel indirect représentant les collectivités territoriales et, pour un quart, de membres désignés représentant les autorités et les légitimités traditionnelles, les Maliens établis à l’extérieur et de personnalités ayant honoré le service de la Nation. Le mandat des membres du Sénat est de cinq ans. Nul ne peut être à la fois membre de l’Assemblée nationale et du Sénat (article 98). Toutefois, d’après l’article 113 : « Le Président de l’Assemblée nationale et le Président du Sénat peuvent faire l’objet d’une procédure de destitution pour manquement aux devoirs de leur charge. Pour être recevable, l’initiative de la destitution doit être signée par, au moins, les deux tiers des membres de la chambre concernée. Aucune procédure de destitution ne peut être initiée dans les deux premières années qui suivent l’entrée en fonction du Président de l’Assemblée nationale ou du Sénat. La destitution est prononcée à la majorité des trois quarts des membres de la chambre concernée dans les conditions déterminées par son règlement intérieur. En cas de destitution, l’Assemblée nationale ou le Sénat procède à l’élection d’un nouveau Président dans les conditions fixées par le règlement intérieur. Le nouveau Président achève le mandat du Président destitué ».
Le pouvoir judiciaire se renforce et s’élargie. Pour preuve, selon l’article 129 : « Le pouvoir judiciaire est indépendant des pouvoirs exécutif et législatif. Il s’exerce par la Cour suprême, la Cour constitutionnelle, la Cour des comptes et les autres cours et tribunaux ». Pour cela, la Cour des comptes juge les comptes des comptables publics de deniers et de matières. Elle contrôle la régularité des opérations financières, sanctionne les fautes de gestion, déclare et apure les gestions de fait. Aussi, sur la base de l’article 160 : « La Cour des comptes vérifie les comptes des partis politiques ».
Mamoutou DIARRAH Toune