Rien que dans le seul District de Bamako, la boulangerie génère environ 5.000 emplois selon nos enquêtes, plus de 10 milliards de recettes douanière, des centaines de millions aux impôts. La boulangerie fait vivre une vingtaine de gros importateurs et un industriel national. Ces chiffres ne tiennent pas compte du nombre de livreurs et de distributeurs.
Le secteur du pain est donc, incontestablement l’un des plus porteurs en terme d’emplois et de recettes pour l’Etat. Hélas ! Plongés dans un immense gouffre et abandonnés à leurs tristes sorts, les boulangers maliens triment durement pour tenir leur commerce. Ni l’Etat, ni les bailleurs de fonds ne s’intéressent à ce secteur reconnu pourtant pour sa rentabilité incontestable.
« Au Mali, les boulangeries poussent comme des champignons et disparaissent parfois sans laisser de traces ». Ces propos d’un promoteur de boulangerie résument le sombre tableau dessiné.
Trois, quatre ou même neuf millions, il est difficile de donner en chiffre le nombre exact de Maliens qui s’offrent chaque jour, leurs miches de pain. La qualité ? S’en fout la mort !
« Au Mali chacun mange son pain ». Une assertion indéniable. Le pain n’est pas un produit de luxe. Et il reste de loin, le plus grand produit de consommation.
Pourquoi donc, les boulangers peinent-ils à prospérer dans le secteur ?
La réponse de certains promoteurs : « Vous savez, nous-mêmes, nous avons des problèmes pour l’expliquer. Le secteur du pain est un milieu où la concurrence est sauvage. Or, il faut admettre que la plupart d’entre nous n’a aucune expérience. En plus, le matériel coûte excessivement cher. Certains se contentent des fours traditionnels avec pour conséquences la piètre qualité du produit. Si à côté, vous avez une boulangerie plus moderne, vous êtes obligé de fermer. Aussi, la qualité de la farine produite au Mali laisse à désirer. Les prix sont très élevés surtout avec la taxe conjoncturelle à l’importation imposée il y a quelques années ». Notre interlocuteur qui tient à l’anonymat, a déjà fermé son four. Pour cause, à 10 m de sa boulangerie s’est ouverte une boulangerie des plus modernes du Mali.
Cet autre boulanger que nous avons également interrogé, étale les carences du secteur. « Je peux dire que dans plus de 60% des boulangeries, il n’y a pas un seul spécialiste ayant suivi une formation classique. Tous ont simplement appris à pétrir et à mélanger la farine. Les dosages et la qualité sont une question de hasard. A ce rythme, nous resterons longtemps dans l’amateurisme… L’Etat ne fait rien… ». D’autres par contre trouvent que les difficultés d’accès à la farine de bonne qualité constituent le problème fondamental du boulanger malien.
Par ailleurs, la majorité de boulangers accusent les distributeurs d’êtres peu recommandables. « Ils prennent souvent vos baguettes et ils disparaissent dans la nature. Cela est un problème très sérieux » propos d’une victime.
A tous les niveaux, l’Etat est le premier accusé. Mais, on oublie d’évoquer la responsabilité du syndicat des boulangers.
En effet, les boulangers militent dans une structure syndicale dont les seuls objectifs semblent se limiter à négocier les prix de la farine.
Ce syndicat, plongé dans un sommeil profond ne songe jamais à la professionnalisation de ses membres. Aujourd’hui, la complexité et la délicatesse des sujets relatifs au pain, rendent difficile tout échange sur la qualité du pain malien. Le consommateur se contente pour la plupart de ronger plutôt « une pâte de farine brûlée » que du vrai pain, du bon pain.
Pis encore, les circuits incontrôlés de distribution et les conditions de livraisons du pain exposent le consommateur à des risques énormes. En tout cas, d’après notre enquête, 80% des boulangers ne se préoccupent guère des détails hygiéniques. Dans certaines boulangeries, aucun ouvrier ne peut vous présenter un certificat médical correct. C’est donc dans ce « gouffre de pétrin fumant », que sombre la boulangerie malienne.