Le procès en diffamation intenté par les héritiers du Dr. Faran Samaké contre Amadou Traoré dit Amadoudjicoroni, après les reports successifs des 2, 30 novembre 2010 et du 11 janvier dernier, s’est tenu hier mardi 31 mai 2011en présence des témoins cités sauf l’ancien président de la République le général Moussa Traoré et le colonel Youssouf Traoré. Au terme d’un procès hautement politisé, le tribunal de première instance de la commune III a finalement « relâché » le prévenu au motif que les faits qui lui sont reprochés n’ont pas une valeur juridique fondée. Il a ensuite mis les charges aux dépens de la partie civile.
Les capitaines Soungalo Samaké, Zan Coulibaly, le colonel Sidi Mohamed Sall, Dr. Sénoumou Keïta, et l’ancien soldat Mamadou Diarra, cités comme témoins dans le procès en diffamation intenté contre Amadou Seydou Traoré par les héritiers de Faran Samaké ont effectivement comparu hier mardi 31 mai 2011 au tribunal de première instance de la commune III. Ils ont été plus courageux devant l’histoire que l’ancien président de la République, général Moussa Traoré et le colonel Youssouf Traoré, membres du Comité militaire de libération nationale (auteur du coup d’Etat de 1968 contre Modibo Keïta), lesquels n’ont même pas daigné recevoir l’huissier commis à leur citation par le parquet. L’acte de citation de Moussa Traoré lui a été jeté à sa porte, tandis que celui de Youssouf Traoré lui a été jeté sur ses pieds. Quoiqu’il en soit, le procès, après plusieurs reports, a finalement eu lieu hier.
Au terme de 7 heures de débats, le tribunal sous la conduite de Karamoko Diakité, a finalement conclu que les faits qui sont reprochés au prévenu n’ont pas une valeur juridiquement fondée et par conséquent, a déclaré Amadoudjicoroni relâché. Les charges ont été mises au compte de la partie civile qui se voit ainsi déboutée. Le président du tribunal a expliqué que les faits en question ne datent pas d’Amadoudjicoroni et que lui-même a appris ces propos depuis le bas-âge. Il a aussi excusé les journaux « l’Indépendant » et « le Challenger » loin d’être coupables dans cette affaire.
Des témoignages édifiants
Avant d’arriver à cette conclusion, la salle d’audience avait eu droit à des témoignages aussi édifiants les uns que les autres. En plus des témoins officiels ci-dessus cités, deux témoins volontaires ont marqué hier le déroulement du procès avec des témoignages fracassants. Il s’agit de Mme Diarra Astan Traoré dont la maman était fréquentée par Dr. Faran Samaké et Amadou Tandina, ancien militaire qui aurait causé avec Tiécoro Bagayoko sur la mort de Modibo Keïta. Mme Diarra Astan Traoré a expliqué que Faran Samaké partait chez sa maman fréquemment. « Ce jour-là, il est venu remettre 5000 FCFA à ma mère en lui disant au revoir jusqu’à l’au-delà. Mon mari et ma maman lui ont dit devant moi de ne pas dire des choses pareilles avant de lui demander pourquoi il tient de tels propos. C’est là où Faran Samaké a répondu que Kissima Dounkara, ancien ministre de la Défense et Tiékoro Bagayoko, ancien directeur de la Sécurité intérieure, vont être jugés et qu’il craint que ces messieurs qui l’ont ordonné d’assassiner Modibo Keïta, ne le dénoncent à leur procès. Faran a bien répété que c’est Tiékoro Bagayoko et Kissima Dounkara qui l’ont ordonné d’assassiner l’ancien président de la République avec de l’eau et c’est ce qu’il a fait et par conséquent il a peur d’être dénoncé pour comparaitre à la barre de l’humiliation. Tout le monde était convaincu que Faran Samaké voulait se suicider », a expliqué Mme Diarra Astan Traoré.
Quant à Amadou Tandina, ancien militaire, il dit avoir causé avec Tiékoro Bagayoko en son temps et que c’est ce dernier qui lui a assuré que c’est lui-même qui a ordonné à Dr. Faran Samaké d’empoisonner Modibo Keïta parce qu’il était devenu une charge pour eux. Quant au capitaine Soungalo Samaké, est réitéré les révélations faites dans son livre « ma vie de soldat » où il déclare qu’en tant que commandant de la compagnie de Djicoroni-para où était détenu Modibo Keïta. « Et ce jour-là, le soldat chargé de sa garde, Barou Ongoïba, est venu me dire que Modibo est tombé de son lit. Je suis allé le trouver en train de baver. J’ai demandé s’il a reçu un traitement aujourd’hui, on m’a dit oui. J’ai dit de qui ? On m’a dit de l’infirmier major Mory Drabo sur prescription de docteur Faran Samaké. J’ai appelé Faran pour lui exiger l’hospitalisation de Modibo et le temps que Faran n’aille préparer une salle à l’hôpital Gabriel Touré, l’ancien président est décédé. On l’a amené à la morgue de Point G et demandé à son frère Mallé Keïta de venir faire l’autopsie. Ce dernier nous a répondu qu’il ne fera pas d’autopsie du corps de son frère et c’est ensuite que le corps a été remis à la famille du défunt ».
Pour le capitaine Jean Coulibaly, à l’époque commandant de la compagnie de Kidal, il a reçu l’ancien président pour une détention en novembre 1968. « On m’avait demandé de torturer tous les détenus (politiques) jusqu’à ce que mort s’en suive. J’ai dit non. C’est après que Modibo Keïta a été transféré à Bamako et on m’avait dit que c’était pour le libérer », a indiqué le capitaine Jean Coulibaly hier à la barre. En ce qui concerne le colonel Sidi Mohamed Sall, médecin chargé de la santé des détenus à l’époque, tout en ignorant les circonstances réelles de la mort de l’ancien chef de l’Etat, il a trouvé que Modibo Keïta est mort d’une insuffisance cardio-vasculaire. « Modibo était cardiaque. Il avait une affection micro-aortique », précise-t-il. Intervenant par rapport à la mort de Faran Samaké que certains considèrent comme un suicide, l’ancien militaire Mamadou Diarra a dit ceci : « Faran nous a dit ce jour qu’il se sentait fatigué et a demandé à sa femme de lui faire une injection. Et quand il s’est couché après l’injection, il ne s’est plus réveillé. Les gens ont conclu sur place que c’est la femme qui a dû mal faire l’injection ». Des révélations qui ont abouti à un non lieu pour Amadoudjicoroni.
Abdoulaye Diakité