Processus de pardon et de réconciliation : Les défis de la CVJR pour la fin définitive de l’impunité

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La réconciliation est aujourd’hui le mot à la mode dans les discours politiques et des acteurs de la société civile. Toutefois, il est ahurissant le flou, l’ignorance et la cacophonie qui règnent autour du vocable  ‘’réconciliation’’. Cette cacophonie, tout en montrant la volonté des Maliens de se réconcilier, atteste de la nécessité d’éclairer  le contenu du  concept de réconciliation et le mettre à la portée de tout Malien.

De ce fait, nous avons sélectionné divers regards d’intellectuels, groupements politiques et instituions sur la question depuis 2012 pour étayer notre argumentaire. De l’avis de tous, une nation sortie de crise doit  faire un choix entre la justice des tribunaux et la  réconciliation que certains appellent la justice réparatrice. De quoi le Mali a-t-il besoin ? De la justice des tribunaux ou de la réconciliation ? Les victimes parleront de la justice des tribunaux pour assouvir leur soif de vengeance quand les bourreaux parleront de tout laisser tomber pour vivre dans l’impunité. La réconciliation se tient au milieu des deux et se dresse comme une justice réparatrice.  L’un des buts de la réconciliation c’est la rédaction de la mémoire collective. Dans cette rédaction il faut refuser à la fois le mensonge et l’amnésie qui découle d’une mémoire sélective. Amnesty International écrivait déjà ceci : « Depuis la crise de 2012, toutes les parties au conflit ont commis de très graves atteintes aux droits humains. »

Le choix du président IBK

Le Mali en mettant en place la Commission vérité justice et réconciliation (CVJR) a fait un choix. La CVJR était une structure extrajudiciaire. Elle n’a pas pour mission de mener une enquête, de traquer les criminels et les juger. Le Mali renferme en son sein l’institution judiciaire qui est appelée à jouer ce  rôle. La mission de la CVJR  est d’ordre thérapeutique. Les malades sont au nombre de trois. Le premier malade est  le Mali, qui a perdu son unité et son vivre ensemble pour devenir le siège de certains actes de violence.  Pour le Mali,  la réconciliation est devenue  un  préalable à tout : la stabilité, le développement et le bien-être. Aucun président ne peut construire efficacement le pays sans régler le préalable de la réconciliation. On ne peut pas faire l’économie d’une réconciliation en profondeur des cœurs et des esprits, suite aux nombreux traumatismes que les populations ont connues. Si une activité peut heurter le processus de réconciliation, elle doit plutôt être sacrifiée. Parce que la haine en réponse à la haine ne fait qu’accroître cette tare humaine, la commission a choisi de réparer les injustices sans haïr les auteurs. Elle fait preuve de la pédagogie en expliquant qu’on ne se réconcilie pas avec quelqu’un avec qui on est d’accord mais avec son bourreau.» …

Le deuxième malade est la victime. Il faut la guérir et l’aider à intégrer le nouveau Mali dans l’espérance d’y avoir toute sa part.

Le troisième malade c’est l’auteur d’exactions qui a besoin de guérir et de se réconcilier avec sa victime, son pays, avec lui-même et avec l’existence. Pour la CVJR, un auteur d’exactions  n’est pas une peste, un cancer ou un être indigne de la vie, mais un malade qu’il faut retrouver pour diagnostiquer son mal et le guérir.

Des voies à éviter

Le pays traverse la plus grave crise de son histoire. C’est un pays atteint dans son âme. Il  faut à présent faire revivre la nation malienne  par la restauration de la fraternité. Marchant vers cet objectif, il y a des voies qui conduisent dans l’impasse. Nous devons éviter la voie de la violence qui est celle des groupes armés et la voie de la justice qui est celle de certains Maliens actuellement. Le Professeur Philippe Biyoya Makutu, docteur en Sciences politiques et Relations internationales, spécialiste en Etudes stratégiques et de sécurité internationale ainsi qu’en Institutions politiques dit avec raison ceci : « Partout où la logique de paix priorise le canon et les bombes, les Etats s’effondrent et les nations disparaissent. Et partout où la réconciliation est conditionnée à l’exigence de la justice ou à l’expérience de règlements des comptes, l’option est à la guerre et à la désintégration… »

Le président Ibrahim Boubacar Kéita a donc le devoir de sécuriser et de protéger la nation.  Son principal défi  consiste à  se montrer capable de se hisser au niveau national et de sortir de l’esprit partisan. Il doit refuser de se laisser  engluer dans les querelles de clochers  ou des volontés revanchardes. Si le président IBK et son gouvernement ne peuvent pas le faire, comment un spécialiste des processus de réconciliation, alors ils  vont  réduire en poudre l’unité nationale déjà très éprouvée et ouvrir la boite de Pandore et partant, mener le pays à la ruine. On ne peut pas gagner la paix en restant dans une logique de vainqueur.

La fin de l’impunité doit être un objectif primordial non seulement pour éviter de nouveaux massacres, mais aussi pour dédommager matériellement les victimes survivantes et surtout permettre aux parents des victimes, à travers cette réparation judiciaire, d’accomplir le travail de deuil des personnes disparues. De manière plus générale, c’est tout l’avenir du Mali qui se joue dans cette question de l’impunité.

Paul N’GUESSAN

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