Les avocats de la défense ont obtenu du tribunal qu’il oblige le ministère public à faire comparaître les différents témoins cités dans l’affaire de diffamation de deux héritiers de Dr Faran Samaké contre Amadou Seydou Traoré. L’affaire a été finalement renvoyée au 11 janvier 2011.
C’est à 9 heures 30 mn que le président Karamoko Diakité, accompagné des greffières et de deux substituts du procureur de la République près le tribunal de première instance de la commune III du district de Bamako, Mamadou Coulibaly et Sarambé Coulibaly, ont fait leur entrée dans la salle d’audience (où il était difficile de se frayer un chemin) quadrillée par les forces de l’ordre.
Il prend un dossier et appelle à la barre : "Affaire ministère public, héritiers de Dr Faran Samaké et Tiécoro Diakité contre Amadou Seydou Traoré ". Il se fait très vite rectifier. Des avocats lui rappellent qu’il y a, en attente sur le rôle d’audience, des affaires à renvoyer et celles déjà mises en délibéré qu’il pouvait rapidement vider. Ce à quoi le président répond que son souci était de "décongestionner la salle" mais il finit par céder en évacuant rapidement ces affaires pour enfin faire face au ”plat du jour”. Il est environ 10 heures lorsqu’il appelle les deux parties à la barre.
Risque de forclusion !
En ouvrant le dossier, le président constate que les témoins n’ont pas été cités. Il demande à la défense de justifier la convocation des témoins et de confirmer son offre de preuve faite le 2 novembre dernier. Très surpris par cette tournure, Me Harouna Toureh prend la parole et s’étonne que le tribunal adresse une demande à la défense. "C’est une première dans les annales judiciaires de notre pays", dit-il. "C’est inédit " renchérit Me Mohamed Ali Bathily.
Qui doit citer les témoins ? La question a fait l’objet d’un débat houleux entre les deux parties. ”La citation ne peut pas être à la diligence du prévenu. La signification a été faite au parquet conformément à la loi. C’est une obligation pour le parquet de faire comparaître les témoins” a souligné Me Harouna Toureh. Ce d’autant plus que, précise Me Mohamed A. Bathily : ‘la citation est une mission de prérogative publique qui doit être fait par la puissance publique. Il appartient au parquet de citer les témoins. Le prévenu n’a aucun moyen de faire comparaître un témoin.” Selon lui, force est constater tout simplement le refus du parquet de le faire.
Et Me Harouna Kéïta de citer l’article 250 du Code de procédure pénale qui l’impose au ministère public.
En outre, les avocats ont soulevé des inquiétudes face à la tenue de ce procès qui doit avoir lieu dans un délai strict prévu par la loi. Faute de quoi, l’affaire ne serait plus jugée pour forclusion. C’est pourquoi Me Bathily a exigé que le parquet prenne l’engagement de citer les témoins dans le délai raisonnable et que l’affaire soit jugée, le défaut de citation n’étant pas leur faute, a ajouté Me Mariam Diawara.
La partie civile ne peut pas substituer au ministère public.
Attirant l’attention du tribunal sur la nature spéciale d’une telle procédure, Sara B. Coulibaly, substitut du procureur de la République près le tribunal de première instance de la Commune III, n’entend assumer la responsabilité d’une telle défaillance : ”Je ne vois pas pourquoi la partie civile refuse de citer les témoins.” A l’en croire, il appartient à elle seule de le faire et, mieux ”le parquet n’était pas dans le délai pour citer les témoins”.
Pour sa part, Me Mohamed Bouaré, le jeune avocat de la partie civile affirme avoir pris la responsabilité de faire citer ses témoins. De l’avis de Me Bathily, la question du délai avancée par le parquet ne se pose pas. Depuis le 2 novembre, précise-t-il, la liste de leurs témoins a été fournie. La citation des témoins est partie intégrante de l’exercice de l’action publique, dont la conduite appartient au parquet. ”Ce ne serait pas de dire le droit que la partie civile se substitue au ministère public.”, a-t-il fait savoir en martelant que le refus du parquet de citer les témoins est peut-être dicté par une peur.
Le Président demande le renvoi à une semaine. Le parquet s’oppose. ”Un renvoi à une semaine ne serait pas judicieux. La célérité ne doit pas amener à violer la loi.”, requiert le substitut Coulibaly en rappelant les dispositions de l’article 257 du code de procédure pénale qui fixent le délai. ”Au moins, il faut un délai de 2 mois pour respecter la loi.”, ajoute-t-il. Me Bathily revient à la charge. Pour lui, le délai doit de droit commun ne peut pas s’appliquer dans cette matière spéciale. Le droit spécial l’emporte sur le droit commun, a -t-il tenu à rappeler. Le jeune substitut Coulibaly réplique. La loi portant sur la presse ne prévoit pas de délais de citation et, dans ce cas, on doit recourir au code de procédure pénale. L’avocat de la défense, Me Mohamed Bouaré prend la parole et partage le même souci que ses confrères de la défense. ”Nous pensons qu’on peut se passer de délai de droit commun. Aucun délai n’est prévu. Nous sommes dans un débat par la faute du parquet.”, a-t-il plaidé. Après concertations, le président renvoie l’affaire au 11 janvier 2011 à la requête du ministère public de faire citer les témoins.
Me Bathily donne des cours de droit !
Me Mohamed Ali Bathily a donné un véritable cours de droit à l’assistance lors de l’audience du 30 novembre dernier. Ses multiples interventions, de par leur clarté et leur pertinence, ont permis à de nombreux profanes de mieux comprendre les enjeux de ce procès.
Soungalo Samaké, prêt à témoigner !
L’ancien commandant de la compagnie Para, le capitaine Soungalo Samaké était présent le 30 novembre dernier au tribunal. Cité par la défense pour témoigner (c’est dans les bras de cet officier que le président Modibo Kéïta a rendu l’âme), il a tenu à être présent à la barre sans attendre d’être formellement convoqué. Soungalo Samaké est prêt à témoigner !
Chiaka Doumbia