Après avoir publié trois essais (Supra Négritude en 2013, Black Nihilism en 2014 et Obscure Époque en 2016) et animé, pendant deux ans, une chronique dans un talk-show au Sénégal, où il vit désormais, Kemi Seba est parvenu à populariser ses idées panafricanistes et anti-impérialistes à travers le monde. Inlassablement, il dénonce les deux maux qui gangrènent. Selon lui, les sociétés civiles africaines : le « colonialisme exogène des ONG et des chancelleries occidentales » et « celui, endogène, des ploutocrates africains ».
Le franc CFA, perçu comme un instrument de domination économique, en prend au passage pour son grade. Des arguments qui font mouche à chaque fois. Il cite Cheikh Anta Diop, Patrice Lumumba, Thomas Sankara et revendique une double filiation avec Marcus Garvey, chantre jamaïcain de l’union mondiale des Noirs, et René Guénon, penseur franco-égyptien qui lui a « permis de comprendre la profondeur du drame capitaliste ». Formé pendant sa jeunesse au sein de la branche française de la Nation of Islam (NOI), il a conservé les techniques oratoires qui ont fait le succès de l’organisation politico-religieuse américaine.
Chacun de ses discours est un véritable prêche. Et ses jeunes auditeurs que nous sommes boivent ses paroles. « Il y a des pays où les Africains sont fatigués de la dictature. Alors ils sont prêts à tout pour en sortir, quitte à s’allier avec les chancelleries occidentales. Je comprends la douleur des êtres noyés dans le déni de leurs propres droits, mais je refuserai toujours de croire bon le fait de s’allier avec les pires colons de l’humanité. »
Pour Kemi Seba, l’ennemi a un nom : George Soros. Depuis quinze ans, le milliardaire américain d’origine hongroise finance, avec son Open Society Initiative for West Africa, des initiatives contribuant à la promotion de la bonne gouvernance et des droits de l’homme ainsi qu’à la lutte contre la corruption. Kemi Seba y voit un véritable noyautage des sociétés civiles. « Ce ne sont plus simplement les dirigeants qui sont cooptés, explique-t il. On prend désormais des acteurs de la société civile, on les forme et ils véhiculent, sans s’en rendre compte, des règles et des normes internationales. C’est l’habillage du néocolonialisme. Soros a financé les Femen, Y’en a marre, ponctuellement le Balai citoyen et certains blogueurs du Printemps arabe, qui étaient véritablement sincères mais ont fini par véhiculer des intérêts supranationaux.»
Sambou Sissoko