Dans une correspondance qu’il a bien voulu nous adresser, un ex-pensionnaire du camp des réfugiés maliens à M’berra, sur le territoire Mauritanie, qui a voulu garder l’anonymat pour des raisons de sécurité, tire la sonnette d’alarme sur les conditions de vie précaire des pensionnaires dudit camp et interpelle les nouvelles autorités de la Transition.
Dans sa correspondance, cet ex-réfugié, la cinquantaine révolue, originaire d’un cercle de la région de Tombouctou, a introduit sa missive par l’historique de la coordination du camp des réfugiés maliens de M’berra. Ce camp, selon lui, a été créé en 2012, suite aux événements qu’a connus le Nord du pays, des dizaines de milliers de Maliens ont fui leurs villages et campements pour se réfugier dans les pays frontaliers du Mali. La Mauritanie, à l’en croire, en a accueilli le plus grand nombre (100.000) sur le site de M’berra dans le Hawd El-Cherag, près de Bassikounou, dans la région de Néma. “L’accueil a été on ne peut plus chaleureux de la part des autorités du pays hôte et de la population mauritanienne. Tout fut mobilisé pour que le séjour de ces réfugiés d’un pays frère soit le plus agréable possible. Les ONG locales, les institutions mauritaniennes, les organisations internationales et autres ONG étrangères d’accueil et de protection des réfugiés ont tous accouru à la rescousse de ces dizaines de milliers de familles en détresse. La satisfaction fut totale. Le bonheur prit la place du dépaysement. L’espoir perdu naquit. La peur et le trauma laissèrent place à la sérénité. Les vies commencèrent à se reconstruire. Les projets d’avenir furent ébauchés et la vie reprit de plus belle”, explique l’auteur du document. Cependant, poursuit-il, cet agréable souvenir de séjour des refugiés maliens au camp de M’berra tourna vite au cauchemar lorsque Mohamed Ag Malha Aka Momo est arrivé ex abrupto à la tête de la coordination du camp de réfugiés maliens de M’berra. Le nommé Mohamed Ag Malha, révèle notre source, n’a pas été élu, mais imposé par les autorités en charge du camp.
Plusieurs familles vulnérables sont privées de rations alimentaires
Dans cette lettre de plus de 4 pages, l’auteur regrette qu’il y a plus de deux ans, 90 % des réfugiés résidant au camp de M’berra ont été arbitrairement démis de leur statut de personnes vulnérables par le HCR-Mauritanie à la suite d’un profilage arbitraire. Conséquence : Plusieurs familles vulnérables sont privées des rations alimentaires laissant la population mourir de faim. Des milliers de familles vivent sous des tentes de fortune délabrées car le HCR-Mauritanie n’en a pas distribué depuis plusieurs années.
“En matière de santé, depuis le départ de MSF, la population est abandonnée à elle-même. Plus un centre de santé humanitaire ne se trouve au camp abandonnant ainsi la population aux maladies et par ricochet à la mort dans la douleur. C’est ainsi que les taux de mortalité infantile, maternel et des groupes âgés ont atteint des proportions exponentielles. La population déjà dépourvue de tout doit maintenant payer pour l’accès à la santé étatique mauritanienne” regrette l’ex pensionnaire. Aussi, selon lui, l’eau qui fut jadis abondante du temps de l’ONG française Solidarité Internationale est devenue une denrée rare. Ce n’est pas tout, même le volet WASH n’est plus opérationnel laissant ainsi place à l’insalubrité et à son corollaire de maladies, des moustiques et des épidémies.
Travaux forcés déguisés en volontariat
Autre fait regrettable à ses yeux, introduit de nos jours par les gestionnaires du camp, c’est le Volontariat pour la propreté du camp (Vrpc) qui est une création du président de la coordination dudit camp. “Ce programme de volontariat dirigé par le fils du coordinateur du camp qui est également président de la jeunesse n’est en réalité qu’une machine d’asservissement et de profit personnel pour le chef de la coordination du camp et le président de la jeunesse du camp. C’est ainsi que ce business plan, véritable entreprise privée opérant sous le volontariat, est devenu une source de profit inestimable pour les initiateurs”, dénonce l’auteur de cette note anonyme. Pour preuve, il révèle que ce sont des femmes veuves et des enfants orphelins mineurs pour la plupart qui constituent la force motrice de ce programme de volontariat. “Ils travaillent gratuitement sans équipements adéquats, sans salaire, dans des conditions semblables à une véritable traite humaine. Quand ils ne participent pas par contrainte, ils le font dans l’espoir de combler un besoin en alimentation. C’est généralement des femmes et enfants sans tutelle et dépourvus de tout“, martèle-t-il avant de poursuivre que le Vrpc a aussi inventé, facilité et mis en œuvre d’autres formes d’abus et d’exploitation des réfugiés au profit des communautés hôtes comme ceux d’exiger des chefs de blocs un certain nombre d’hommes pour l’extinction des feux de brousse dans le désert mauritanien. “Cette situation n’est pas restée sans conséquence. Nombreuses sont les ONG parmi les plus pourvoyeuses aux réfugiés qui ont déguerpi du camp parce qu’elles ne peuvent plus travailler dans les limites des politiques et de l’éthique humanitaires dans le camp. Nombreux sont aussi les chefs des familles qui ont préféré le retour à l’insécurité et à la précarité qu’ils avaient fui à un séjour fait d’humiliation, d’abus, des menaces et d’exclusion” fait savoir l’auteur.
Conséquences de la mauvaise gestion de la crise humanitaire
A l’en croire, faute de prise en charge, des milliers de familles préfèrent braver un retour non préparé que le calvaire d’être réfugié sans assistance. Ces familles retournent pour la plupart dans des zones où sévissent des conflits violents, constate-t-il. Une telle situation, pour lui, expose à plus de dangers mais risque aussi de faire d’elles des acteurs des plusieurs conflits en cours. Et cette situation d’abandon dans laquelle se trouvent les réfugiés maliens en Mauritanie a une incidence importante sur la sécurité au Mali, notamment dans les régions frontalières de Tombouctou et Ségou et sape les efforts de la communauté internationale pour la stabilisation du Sahel.
D’ailleurs, l’auteur de la missive dit constater que des milliers des jeunes en chômage au camp des réfugiés de Mberra et dont les familles manquent de tout constituent des proies faciles pour les organisations criminelles opérant au Sahel. “C’est pourquoi, d’ailleurs, l’on aura aisément remarqué que la région de Tombouctou depuis plus de trois ans est devenue un fief pour des bandits de toutes sortes” a-t-il constaté.
Que fait le HRC
Dans sa correspondance, l’ex-pensionnaire déplore que le Hcr sur qui tous les regards étaient tournés n’arrive pas à répondre aux doléances soulevées, surtout quant à l’application de sa propre politique d’autonomisation des réfugiés maliens à travers la formation et leur insertion socio professionnelle. C’est au regard de ces différents constats que notre interlocuteur a interpellé les autorités de la Transition de faire de la situation des réfugiés une priorité, surtout ceux vivant dans les camps comme celui de M’Berra car “ils n’ont pas voulu être dans cette situation précaire, l’amélioration de leurs conditions de vie et leur retour au bercail de façon ordonnée est un plus pour la paix et la quiétude non seulement pour le Mali, mais aussi pour les autres pays du Sahel” conclut la lettre. Kassoum THERA