L’insécurité et le changement climatique ont créé une crise sans précédent de déplacement des populations dans la région de Mopti. Toutefois, depuis quelques années, l’ONG ENGIM met en œuvre un projet visant à soutenir des coopératives maraîchères permettant aux populations de travailler ensemble pour surmonter leur vulnérabilité et améliorer leur accès aux produits alimentaires.
Au total, elles sont sept coopératives maraîchères à bénéficier du soutien de l’ONG ENGIM dans la région de Mopti, précisément dans le cercle de Mopti. Ce projet vise à apporter aux exploitants de ces périmètres un renforcement de capacités des techniques de production innovante et durable. Il permet également de les doter de matériels et de moyens de production et de transformation. À cette situation s’ajoute le caractère inclusif du projet dans la mesure où toutes les communautés y compris celles déplacées du fait du conflit y sont impliquées.
Parmi les critères définis par l’ONG pour sélectionner ces coopératives, figurent notamment le fait de ne pas bénéficier de financement en cours par d’autres partenaires ; être situé dans les zones d’accès ; avoir au moins 200 membres dont 70% sont des femmes et surtout mener des activités agricoles.
C’est ainsi que nous avons pu visiter au moins deux de ces coopératives agricoles. Il s’agit de la coopérative « Yiriwéré » située au village de Bakoro et la coopérative « Benkadi » située au village de Barbé. Ces deux localités sont à la sortie de la ville de Sévaré. Ce qui singularise ces deux coopératives comme d’autres soutenues par l’ONG, c’est qu’elles existent formellement et administrativement. De plus, leurs membres qu’ils soient déplacés ou autochtones s’entendent parfaitement et ont été encadrés lors de la création de leurs coopératives respectives par la Direction régionale de l’Agriculture. Aussi, ces coopératives sont confrontées à la faiblesse des moyens de production et celle du niveau d’alphabétisation de leurs membres.
Des récoltes allant de 4 à 5 tonnes de légumes
Lors de notre passage à la coopérative « Yiriwéré » située au village de Bakoro, nous avons rencontré M. Bessima Tapily, coordinateur et secrétaire administratif de la structure en compagnie de plusieurs femmes venues comme chaque matin pour s’acquitter de leurs tâches quotidiennes.
Tous travaillent sur une parcelle d’environ deux ha aménagée depuis 2004. Selon M. Bessima, l’ONG ENGIM a permis de renforcer les capacités des femmes travaillant sur cette parcelle et leur a également doté d’équipements agricoles en plus de semences mieux adaptées aux changements climatiques. Cela sans compter d’autres assistances telles que l’appui/conseil et l’accompagnement.
Sur cette parcelle, les femmes ont indiqué s’adonner actuellement à des cultures rentables durant l’hivernage à savoir la pomme de terre et les oignons. Déjà, elles sont capables de récolter jusqu’à quatre à cinq tonnes de pommes de terre, d’oignons et des tomates. Ce qui leur permet de participer aux dépenses quotidiennes du foyer à travers une commercialisation de ces aliments alors qu’une partie est réservée à leur propre consommation. Toutefois, elles souhaitent avoir plus de semences, un élargissement du périmètre maraîcher de deux à quatre hectares ainsi que de l’eau qui manque cruellement après l’hivernage.
Un manque criard d’eau et absence de clôture
La présidente de la coopérative Mme Ramatou en a profité pour remercier chaleureusement l’ONG ENGIM dont l’apport a permis aux femmes d’améliorer sensiblement leurs conditions de vie. Selon elle, les femmes de la coopérative achetaient cher les légumes alors qu’aujourd’hui elles en cultivent, en vendent et en consomment. Pour autant, elle n’a pas manqué de formuler certaines doléances relatives à l’accès à l’eau et également l’érection d’une clôture pour sécuriser le périmètre contre l’intrusion des animaux en divagation.
Pour Mme Arame, une autre exploitante de ce périmètre, grâce à l’argent acquis dans la commercialisation des légumes cultivés, les femmes participent aux dépenses quotidiennes de la famille, envoient leurs enfants à l’école et les soignent dans des structures de santé en cas de maladie. Tout ce qu’elle souhaite c’est que l’appui offert par ENGIM aille plus loin dans l’amélioration de leurs conditions de vie. Elle a également salué la bonne entente et la symbiose entre les femmes dont certains ont fui les violences dans leurs localités d’origine.
Même son de cloche à la coopérative « Benkadi » de Barbe. Selon le coordinateur Abdoulaye Tandina, les femmes déplacées travaillent beaucoup plus que celles issues de communautés d’accueil. Il souligne également que l’assistance de l’ONG ENGIM a permis aux exploitantes de ce périmètre maraîcher d’environ 10m2 de renforcer leurs capacités de travail dans ce domaine. À cette situation, il n’a pas manqué de rappeler le don d’équipements fait par ENGIM à savoir une motopompe, des semences, des engrais, des houes, des pelles, des brouettes, etc.
Des femmes issues de localités frontalières au Burkina Faso
Ici encore, les femmes ont souhaité avoir plus d’eau et la construction d’un hangar pour être à l’abri des pluies. S’agissant de leur santé, elles ont indiqué avoir une boîte à pharmacie en cas de maladie. Pour les cas compliqués, ils sont conduits au centre de santé le plus proche.
Pour la présidente de cette coopérative, Rihanata Sogoré, les femmes tirent beaucoup davantage de ce travail. Certaines parmi elles viennent de Djéri, localité située dans la région de Bandiagara sur la bande frontalière avec le Burkina Faso d’où elles ont fui après une attaque meurtrière.
Selon elle, tous les trois mois, les femmes cotisent un montant de 1000 FCFA utilisé en cas d’urgence. Parmi les légumes cultivés sur cette parcelle, elle a cité la tomate, l’oignon, la pomme de terre, le haricot… Toutefois, elle a déploré un manque d’eau ; c’est la raison pour laquelle les femmes sont scindées en deux groupes pour travailler le matin et l’après-midi.
Elle a également fait cas d’insécurité dans la zone qui n’a pas épargné la parcelle de Benkadi où des hommes armés sont venus tout détruire avant de disparaître dans la nature. Un acte survenu une seule fois en deux ans d’exploitation de ce périmètre dont les occupantes souhaitent une extension. Signalons que ces activités sont censées permettre à ces femmes d’être à l’abri de la vulnérabilité et de l’insécurité alimentaire et nutritionnelle.
Rappelons que ce projet de l’ONG ENGIM–Ente Nazionale Giuseppini del Murialdo– en faveur de ces coopératives s’intitule « Aide d’urgence aux populations affectées par la crise humanitaire dans les zones transfrontalières du Mali et du Burkina Faso ».
Il a pour objectif de contribuer à l’atténuation des effets de l’urgence humanitaire au Mali et au Burkina Faso en améliorant la sécurité alimentaire, l’état nutritionnel et la protection des personnes en déplacement et des communautés d’accueil. Le moins que l’on puisse dire c’est que les communautés y adhèrent fortement. D’où leur souhait à davantage de soutien.
NB : Cet article est réalisé avec le support du projet « Aide d’urgence aux populations affectées par la crise humanitaire dans les zones transfrontalières du Mali et du Burkina Faso », et financé par l’Agence italienne pour la coopération–Bureau de Dakar.
Cheick B. Cissé
De retour à Bamako