Pour sauver ce qui reste du Mali, toutes les voies de sortie de crise sont à explorer. Il n’existe que trois voies de sortie de crise de la rébellion : la voie des armes, le dialogue et le principe d’autodétermination des régions du Nord.
Nous avions par le passé tenté les deux premières voies, sans succès. La première République avait résolu le problème par les armes, c’est-à-dire la défense du territoire avec les moyens militaires. Mais, tous les différents locataires de Koulouba des deuxième et troisième Républiques ont tenté de la gérer par la carotte, c’est-à-dire au coup par coup pour garder leur pouvoir, non sans chaque fois renvoyer le problème à plus tard. «Tant pis pour celui qui viendra après moi » ou « après moi, le déluge…», pourrait-on caricaturer leurs stratégies. Pendant tout ce temps, le peuple n’a jamais été consulté ni avant ni après. Conséquence : l’État gère la situation dans une opacité coupable, avec des accords et pactes aux contenus difficilement applicables, négociés et signés à la sauvette. Ce qui débouche chaque fois sur un recommencement des hostilités, dès qu’un seigneur de guerre quelconque se sent lésé.
La troisième voie qui reste à essayer, est le principe de l’autodétermination. Il s’agira d’organiser un référendum d’autodétermination dans les localités couvertes par le fameux et virtuel Azawad, avec comme question : Êtes-vous pour ou contre l’intégrité territoriale du Mali ? Les résultats de ce référendum serviront de documents légitimes et historiques de base pour tous les partenaires. Quelles que soient les rapports de force sur le terrain, nous devrions aller vers des négociations entre le Mali, la CMA et toutes les autres forces en présence, y compris Ançar Dine de Iyad et autres. La CMA qui exige l’indépendance de l’Azawad ne peut pas se dérober à la négociation, elle qui crie l’indépendance sur tous les toits. Mais, toute la question est de savoir dans quelles conditions ? Avec quelle population ? Et éventuellement sur quel territoire ? La CMA a-t-elle l’aval des communautés, de toutes les communautés vivant au Nord pour lesquelles elle dit se battre? Ou a-t-elle des velléités colonialistes ? Faut-il rappeler que la CMA considère, dans presque tous ces communiqués, le Mali comme un colonisateur. Peut-elle vouloir d’une chose et de son contraire, elle qui s’est autoproclamée «libératrice de l’Azawad du joug colonial du Mali ».
Si l’autodétermination serait l’émanation des communautés du Nord, il n’y a pas de tabou à ce que nous discutions et imaginions des sorties de crise qui consisteraient à demander les avis des communautés du Nord, qui subissent hélas silencieusement la guerre malgré elles. Le référendum populaire auquel je fais allusion déterminera si OUI ou NON la CMA ou les autres forces sont les dignes représentants de leurs communautés. Je ne peux parler au nom des communautés du Nord, car n’ayant aucune légitimité pour ce faire, mais je peux d’ores et déjà affirmer que plusieurs responsables touaregs et arabes et non des moindres ont fait connaitre leurs positions, à savoir pas question d’indépendance pour eux.
Qu’à cela ne tienne, si la CMA n’a pas de desseins colonialistes, qu’elle dépose les armes et fasse connaître sa position sur la question du référendum. Toute solution qui nous éviterait la perte de vies humaines et des milliers de déplacés et qui peut être définitive est salutaire pour l’ensemble des parties. Personnellement, je ne vois aucun inconvénient à ce que des négociations s’ouvrent sur le sujet et avec des préalables acceptés par toutes les parties en présence. Quel territoire peut être considéré comme territoire devant le référendum? Ou encore quelle population pourrait prendre part audit référendum ? Et beaucoup d’autres éléments sur lesquels des personnes plus compétentes réfléchiront en temps opportun. Pour répondre à ces préalables, on se basera sur l’histoire, la géographie et les archives du Mali. On peut déjà deviner que toutes les régions du Nord-Mali pourraient participer au référendum, sous l’égide de l’Union africaine, de l’Union européenne et des Nations Unies.
En acceptant d’aller au référendum, nous épargnerons des vies humaines tant du côté de nos forces armées que du côté de la population civile prise dans l’étau des combats. N’ayons pas honte de notre faiblesse, l’armée a de plus en plus des difficultés à assurer la sécurité des personnes et des biens dans le Nord du pays. À défaut d’avoir les moyens de notre politique sécuritaire du territoire, faisons la politique de nos moyens qui consiste à défendre le territoire par la volonté populaire à travers ce référendum.
En allant au référendum, on mettra la CMA et les autres forces indépendantistes, la communauté internationale et aussi et surtout les pays amis de la CMA devant leurs responsabilités. Ces derniers seront devant le dilemme : continuer à verser des larmes de crocodile en clamant discrètement qu’ils soutiennent l’intégrité du Mali ou accepter de forcer leur protégée, la CMA, d’aller au référendum. Et dans les deux cas, ils seront obligés de clarifier leurs positions, eux qui laissent la CMA utiliser leurs territoires comme base arrière. Le référendum est la meilleure voie, à mon avis, pour en finir une fois pour toute avec les rebellions à répétition, avec la condition sine qua non que toutes les parties s’engageraient à accepter le verdict des urnes. Si le « OUI » l’emporte, comme je le devine déjà sans faire insulte aux communautés du Nord, alors, le Mali sera définitivement indivisible dans toute sa diversité ethnique, culturelle et géographique. Si le « NON » l’emporte, les populations du Nord, toutes communautés confondues, seront de l’Azawad.
Face à l’histoire, n’ayons pas peur de prendre des décisions difficiles et courageuses pour trouver la solution définitive à cette rébellion qui n’a que trop duré. Si cette solution passait par un référendum, pourquoi pas ? Aussi, est-il temps d’impliquer finalement et pour toujours le peuple malien qui subit en spectateur. Ce peuple a besoin de sécher à jamais ses larmes. Il est enfin temps d’arrêter cette guerre stupide afin de léguer aux générations futures un pays pacifié, où la seule guerre qui vaille sera celle contre la misère, pour le développement. Pour y arriver, aucun sacrifice n’est vain.
Une pensée de John F. Kennedy, ancien président des États Unis: « Ne nous reposons pas sur nos acquis, mais efforçons-nous de construire la paix, de vouloir que la paix soit dans le cœur et dans l’esprit de chacun…
Ne négocions jamais avec nos peurs, mais n’ayons jamais peur de négocier». Le Mali est un grand pays, avec un grand peuple, un peuple divers, fort et riche de son brassage culturel et géographique. Nous avons les ressources nécessaires de parvenir à la paix, seulement il faut mettre le prix. Et ce prix à payer s’appelle référendum.
Sambou Sissoko