Comme ils ont tordu la main à l’histoire de tes ancêtres
Ils ne pourront pas, Rokia
Ils veulent priver des enfants du lait maternel
Comme ils ont sevré tes arrière-grands-parents de la sève nourricière de leur continent
Ils ne pourront pas, Rokia
Ils veulent détacher le cheval et, à sa place, attacher l’âne
Comme ils sont les seuls à vouloir faire du bourreau une victime
Ils ne pourront pas, Rokia
Ils veulent exposer le corps d’une fillette
Aux griffes d’un pédophile
On ne les laissera pas faire, Rokia
Tiens bon !
Rokia, ils veulent mettre ta bouche dans la gourde
Et te contraindre à la terreur et au silence
Ils ne pourront pas !
Tiens bon, Rokia !
Que ne fera pas une mère pour trouver à manger à ses enfants ?
Que ne fera pas une mère pour protéger sa fille ?
Tiens bon ! Mère digne !
Fière descendante des bambaras qui ont bravé les bourreaux et les sanguinaires.
Tiens bon ! Princesse du Bêlêdougou !
Digne descendante de Koumi Djossé !
Tiens bon pour tes enfants !
Tiens bon, prolongement de Nonkon Forokôrô, Forokôrôkadiô !
Tiens bon pour la tranquillité du sommeil de ta fille !
Tiens bon !
Le soleil a beau être ardent, il finira par se décliner, par s’apaiser.
Tiens bon !
Nous sommes derrière toi
Comme une armée de fer
Nous sommes derrière toi
Comme de braves guerrières
Ayant comme épée nos mots
Contre tous les maux
Comme épée
Notre colère contre l’injustice !
Tiens bon !
Rokia
Tiens bon !
Ce soleil aussi s’apaisera
Comme tous les autres.
Fatoumata Keïta
Lève-toi, Rokia !
Être une femme noire dans le monde, c’est quelque chose.
Mais tu as le courage d’Aoua Keïta, la force de Maya Angelou, le talent de Myriam Makeba, la rage de Winnie Mandela, l’abnégation de Harriet Tubman, la fierté de Rosa Parks, la persévérance de Maryse Condé.
Que leurs menottes ne t’abaissent point !
Que les barreaux de leur cellule ne t’arrêtent pas !
Que leur mépris ne t’atteigne plus !
Tu es grande de ta féminité ;
Sacrée par ta maternité ;
Forte, couverte de ta peau noire.
Que les griffures de l’histoire te rappellent d’où tu viens.
Et que les luttes passées t’inspirent la résistance éternelle de ta race.
Tu n’affaibliras que quand tu le voudras.
Tu n’échoueras que quand tu baisseras les bras.
Tu es une femme noire que les épreuves grandissent,
Tel un phœnix qui renaît sans cesse de ses cendres.
Tu sortiras de cette épreuve qui ne saurait être qu’une insignifiance dans l’accomplissement de ta destinée.
Alors lève-toi, Rokia Traoré !
Lève-toi ! Digne descendante de Tiramakhan Traoré et des fiers bambaras du Bêlêdougou !
Lève-toi,
Le temps de la capitulation n’a pas encore sonné.
Dresse la tête,
Toi qui as su habiller le monde des mélodies sacrées de Djitoumou
Et porter au-delà des océans la beauté culturelle de l’Afrique.
Nous te reconnaissons, nous te soutenons et nous te saluons !
Dresse la tête, tel que le veulent tes filles, tel que le souhaitent les femmes, tel que ton peuple le désire,
Dresse-toi TRAORE, telle la digne fille de tes ancêtres.
Salimata Togora,
Autrice dramaturge
15 mars 2020