Pour mettre fin aux abus et excès constatés dans notre système judiciaire : Le président du RDDH évoque la nécessité de réformer les attributions du parquet “Dédommager les personnes détenues puis relâchées faute de preuves de culpabilité”

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Afin de mettre fin aux abus et excès constatés dans notre système judiciaire, le président du Réseau des défenseurs des droits humains du Mali (RDDH), Souleymane Camara, dans un document, a évoqué la nécessaire réforme de la justice malienne plus particulièrement dans les attributions du parquet.

elon le défenseur des droits humains, l’Etat de droit suppose que les citoyens sont gouvernés par des lois votées par leurs représentants qui deviennent l’expression de la volonté générale et ne visent personne en particulier. Il a ajouté que la justice est le socle d’un pays, le baromètre pour réguler les interactions entre les différentes institutions d’un pays. A ce titre, elle régule les relations sociales entre les personnes physiques et morales en sanctionnant aussi les manquements à la loi.

Pour cela, dit-il, elle se veut indépendante partout pour bien jouer son rôle d’arbitre et d’organe chargé d’appliquer les lois du pays. Donc, la justice est rendue au nom du peuple si les juges sont élus ou désignés à travers un mécanisme d’approbation par les représentants du peuple. Lorsqu’ils sont directement nommés ou désignés par le pouvoir politique, ils rendent la justice au nom de l’Etat ou de la République. Ainsi, le principe est que le juge n’est soumis qu’à l’autorité de la loi. “On ne peut poursuivre un juge pour avoir rendu un mauvais jugement. On ne peut l’inquiéter pour avoir mal interprété la loi. C’est pourquoi des mécanismes de recours existent pour éventuellement réparer les erreurs judiciaires”, précise-t-il.

A l’en croire, au Mali nous avons hérité un système judiciaire français du fait du passé colonial du pays où les juges sont répartis en deux catégories interchangeables notamment les juges du parquet (procureurs) et les juges au siège ou juges indépendants.

Il ajoute que les juges du parquet ou procureurs dépendent hiérarchiquement du ministère chargé de la Justice. Donc, ils peuvent recevoir leurs ordres du ministre en charge de la Justice. Par contre, poursuit-il, les juges du siège sont réputés être des juges indépendants, ne recevant pas des ordres extérieurs. De ce fait, ils sont soumis, par principe, à l’autorité de la seule loi dans l’exercice de leurs fonctions.

Cependant, déplore-t-il, des abus et des erreurs existent et des manquements à la loi perdurent souvent du côté de ceux qui sont chargés de l’appliquer.

“La République du Mali a prévu dans sa Constitution du 22 juillet 2023, la possibilité pour les justiciables de saisir le Conseil supérieur de la magistrature entre autres en cas d’abus ou de violation de la loi par les juges”, souligne-t-il.

Nécessaire réforme des attributions du parquet

C’est certes une avancée notable. Cependant, il dit qu’il faut rapidement mettre en œuvre la loi organique tant attendue pour l’effectivité de cette mesure salvatrice. Mais, selon lui, cette avancée à elle seule n’est pas suffisante pour résoudre les excès, les abus et les failles du système judiciaire malien. A l’entendre, au Mali, compte tenu de l’utilisation qui est faite du mandat de dépôt au niveau du parquet, il y a lieu de faire des réformes judiciaires pour empêcher les abus possibles. Et de poursuivre que le parquet devrait être l’organe de poursuite sans possibilité de détenir un citoyen ou de délivrer contre lui un mandat de dépôt. Avant de préciser que la détention ou la possibilité de délivrer un mandat de dépôt contre un citoyen, devrait être réservée aux seuls juges du siège.

Dans son document, il déplore qu’au Mali, nous continuons d’assister à la délivrance systématique de mandat de dépôt du parquet contre des citoyens. Le pire, fait-il remarquer, c’est que des citoyens aussitôt libérés, font l’objet d’un autre mandat de dépôt dès le prononcé de leurs acquittements ou à l’expiration de leurs peines.

“Au Mali, il arrive que le même parquet scinde des poursuites judiciaires en plusieurs procédures judiciaires distinctes qui pourtant, concernent pour la même personne. Cependant, l’on devrait faire la jonction des procédures pour obtenir un seul jugement au cours d’un seul procès. Cela devrait permettre en cas de culpabilité, d’obtenir le prononcé d’une seule condamnation, généralement la peine la plus forte”, propose le président du RDDH.

A ses dires, le cumul des peines n’étant pas la règle au Mail, l’on préfère attendre l’expiration d’une peine d’emprisonnement ou la relaxe du citoyen pour entamer une nouvelle procédure judiciaire qui n’est qu’une voie de contournement au gré du parquet.

Pour lui, c’est aussi une méthode d’acharnement juridique et de harcèlement judiciaire planifiés, destinés à faire souffrir le citoyen plus qu’il n’est nécessaire et qui est susceptible de le martyriser. “Nul n’ignore que le parquet ou les procureurs reçoivent directement leurs ordres du ministre en charge de la Justice qui est avant tout un homme politique du fait de la fonction qu’il occupe, mais aussi en sa qualité de membre du gouvernement”, précise-t-il.

Remédier aux abus au niveau de la justice

Selon lui, en permettant au parquet ou aux procureurs de poursuivre les citoyens pour commission d’infractions, le Mali devrait instituer un corps de juges de la paix publique composés de juges du siège ou juges indépendants qui seront chargés de statuer sur la détention ou la relaxe sous condition des personnes poursuivies par le parquet.

Dans son analyse, le parquet ou les procureurs devraient présenter les personnes poursuivies dans les 48 h et cela en conformité avec la Constitution qui prévoit un délai constitutionnel de garde à vue de 48 h. Et d’ajouter que les contrevenants à ce délai constitutionnel de 48 h devraient être sévèrement punis d’où la nécessité de rendre opérationnelle la saisine du Conseil supérieur de la magistrature par le justiciable.

En outre, dit-il, le Mali devrait mettre en place un mécanisme de compensation et de dédommagement des personnes détenues par la justice puis relâchées faute de preuves de culpabilité, car il y a eu souffrance du fait de la détention ou de l’emprisonnement. En définitive, l’emprisonnement devrait être l’exception, elle ne devrait pas être systématique ni être érigée en règle.

En conclusion, le président du RDDH déclare que pour mettre fin aux abus et excès au niveau de la justice malienne, il y a lieu d’une part, de rendre effective la saisine du Conseil supérieur de la magistrature par les justiciables et d’autre part, permettre au parquet ou aux procureurs de poursuivre les citoyens tout en confiant la fonction de détention ou de délivrance du mandat de dépôt aux seuls juges du siège.

“Ces juges du siège qui ne sont soumis qu’à l’autorité de la loi ont l’avantage de trancher sans contrainte extérieure et agissent en principe en toute indépendance. Instituer un juge du siège ou juge indépendant ou juge de la paix publique chargé de statuer sur les détentions ou les relâches des prévenus ou des accusés sous condition aurait l’avantage de prémunir les citoyens contre les détentions abusives, les arrestations arbitraires ou des séquestrations à motivations politiques téléguidées par le pouvoir politique”, conclut-il.              Boubacar Païtao

           

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