Comme c’est devenu la coutume républicaine au Mali, lors de chaque session inaugurale du Conseil de ministres d’un nouveau Gouvernement, le président de la république instruit au Premier ministre des tâches à remplir dans un délai imparti. Col Assimi Goïta a sacrifié la tradition, mercredi dernier à Koulouba, en notifiant au PM Choguel la réalisation de 5 priorités essentielles pour la réussite de la transition : l’amélioration de la sécurité sur l’ensemble du territoire national, les réformes politiques et institutionnelles, la bonne gouvernance, la transparence et la réduction du train de vie de l’Etat, la mise en œuvre intelligente et efficiente de l’Accord issu du processus d’Alger, l’organisation d’élections crédibles et transparentes aux échéances prévues.
Le nouveau Chef d’Etat a ainsi demandé à son PM d’engager des discussions avec les partenaires sociopolitiques afin d’apaiser le climat social. Mais aussi, il a demandé à Choguel de rompre avec les pratiques qui ont été à l’origine de la défiance du peuple à l’endroit de l’Etat. En principe, toutes ces exigences et demandes du Chef de l’Etat sont contenues dans la feuille de route du M5-RFP donc du PM Choguel. Lequel a solennellement promis, dans ces premières déclarations, de les honorer. Mais, il ne pourra mener à bien les réformes indispensables à la refondation de l’Etat et organiser des élections saines, crédibles, transparentes sans avoir les coudées franches.
D’ores et déjà, le Gouvernement Choguel fait face à la fronde de certains partis politiques ou regroupements de partis politiques. Ces derniers, lui reprochant son manque d’inclusivité dans le choix de ses ministres, exigent que les élections se tiennent à date (février-mars 2022). Ils redoutent, après la présentation du programme gouvernementale, une probable prolongation de la Transition. Mais faut-il encore se précipiter d’aller aux élections dans notre pays sans avoir accompli les réformes nécessaires ?
Hypocrites sont pourtant ceux qui soutiennent qu’il faut y aller, à tout prix, aux élections pour sauver la démocratie au Mali. D’autant qu’il est une évidence que des scrutins organisés par un organe de gestion électoral non consensuel, non transparent et non indépendant, conduiront inévitablement le Mali dans une autre déstabilisation sociopolitique. La priorité des priorités n’est-elle pas que la classe politique et le Gouvernement s’entendent en amont, même si cela doit provoquer une petite prolongation de la Transition, sur l’essentiel avant l’enclenchement du processus électoral?
L’intérêt national est de toute façon dans la stabilisation sociopolitique du pays. A cet effet, il faut bien que les deux têtes de l’exécutif fassent de cela leur credo et se mettent au même diapason. Or des analystes politiques estiment qu’il existe déjà des divergences de vue entre Assimi et Choguel sur certaines thématiques de la gouvernance. Pourtant en raison de l’immensité et la complexité des taches prioritaires de l’exécutif, ils doivent nécessairement être en phase.
Les ennemis de la refondation ne sont pas logiquement favorables à l’initiative de nouvelles « assises nationales » évoquées par le PM lors de son premier conseil de cabinet. Il est vrai que le Chef de l’Etat a instruit au PM d’organiser les élections à date et de respecter la durée de la Transition. Toutefois si la perspective d’une prolongation de la Transition devenait nécessaire, cela ne doit faire aucun ombrage dans leur tandem. Aussi, Assimi doit donner des coudées franches à Choguel afin que celui-ci s’attèle aussi à la lutte contre l’impunité et la délinquance financière.
Falaye Keïta