Une pouponnière qui relève de la direction nationale de la promotion de l’Enfant et de la Famille, vivant surtout de dons des associations spécialisées dans l’adoption. Trente-trois bébés morts. Peut-être vendus et donnés pour morts.
Le cœur humain, pour ceux qui en ont bien sûr, se resserre devant le scandale qui a éclaté à Bamako. Nourris uniquement de riz, ne bénéficiant pas de couches et de conditions d’hygiène nécessaires, ces nourrissons ont connu le pire de la vie sans avoir connu la vie elle-même. Morts de famine dans un pays qui ambitionne de devenir le grenier de l’Afrique de l’ouest. Leur seul tort, c’est d’avoir pris la peine d’être nés et de vouloir nous rendre gais par leur petite présence parmi nous. Ce drame contredit carrément les déclarations du président ATT qui n’oublie jamais à chaque occasion de saluer ses « amis, les tout petits ».
Diallo Aminata Keita, la directrice de la pouponnière a été certes arrêtée. Une enquête est ouverte. Une question se pose cependant : comment en est-on arrivé là ?
Le Mali d’aujourd’hui donne l’impression d’un bateau à la dérive, au bord duquel presque personne ne répond de rien. Ce n’est que lorsque malheur se produit que l’on commence à chercher les brebis galeuses. Cette pratique se traduit par l’absence totale d’un contrôle de la part de l’appareil d’Etat. Autrement, on aurait détecté à temps les conditions d’enfer dans lesquelles ces pauvres mignons tentaient de survivre. Puisqu’ils ne savaient pas parler, se trouvant entre les quatre murs d’une pouponnière comme dans un bunker au milieu de la jungle, leurs cris de détresse sont restés sans échos, noyés par le vacarme d’un Bamako qui songe à autre chose. La directrice, sans nul doute, est en premier lieu responsable du drame. Mais pourquoi les employés de la pouponnière sont restés muets si longtemps ? Que faisaient pendant ce temps les organes chargés du contrôle ? Autant de questions que l’enquête ouverte devra examiner pour trouver des réponses.
La magouille, le laisser-faire, l’insouciance, la corruption effrénée sont les caractéristiques majeures du Mali actuel. Trente-trois bébés ne demandent pas plus par an que le prix d’une villa cossue ou d’une voiture luxueuse qui inondent Bamako. Quelques deux cents millions ou plus de dollars détournés annuellement dans l’un des pays les plus pauvres du monde et dont le budget est en éternel déficit! Faites un petit tour dans les bars chinois le week-end, vous vous rendrez compte de l’ampleur de la gabegie que connait notre pays. Pleines sont les mosquées le jour ; encore plus pleins sont ces bars la nuit. Il y a lieu de savoir jusqu’à quel niveau doit-on encore pousser le cynisme.
La mort de ces bébés doit concerner non seulement la directrice de la pouponnière, mais l’ensemble de la société malienne. Car, la plupart des dons qui servaient à entretenir ces nourrissons et qui auraient été détournés, faute de contrôle, provenaient de l’extérieur. Nous disposons de plus de ministères que nombre de pays. Abandonnés ou devenus orphelins, ces bébés privés de l’amour maternel n’espéraient que sur l’aide, minimum peut-être, de la société malienne, surtout de l’attention et du contrôle des organes dirigeants. Ils aspiraient eux-aussi à devenir des citoyens maliens à part entière. Mais ce droit leur a été ôté au petit matin de leur vie.
Si nous sommes ce que nous sommes aujourd’hui, c’est parce que d’autres, à un moment donné, ont consenti assez de sacrifices pour que nous soyons ce que nous sommes. D’ailleurs, un enfant ne demande jamais à venir dans ce monde. Il est toujours le fruit de nos plaisirs personnels. Plaisirs pour lesquels nous payons volontiers dans les bars, roulons au volant de voitures de marque, vivons dans des villas luxueuses et couvrons les belles femmes de cadeaux.
Il faudrait espérer que la justice rétablirait la part de responsabilité de tous ceux qui sont liés de façon directe ou indirecte à cette triste affaire. Et que des recommandations strictes seraient formulées pour que dorénavant le pire soit évité à de petits êtres humains dont l’innocence ne fait aucun doute.
Paix aux âmes de ces petits anges disparus si tôt !
Kénédugufama,
Fédération de Russie