Dans un collectif intitulé ‘’Le Processus démocratique malien de 1960 à nos jours’’, publié par les Éditions Donniya, sous les auspices du CERDES (Centre d’Études et de Recherche pour la Démocratie Économique et Social) on peut lire : « En fait, à Tamanrasset, le régime aux abois du général Moussa Traoré ne disposait pas d’un projet structuré et viable de démocratisation des collectivités locales ». (Op. cit. page 110). Cela est dit sans qu’une preuve vienne étayer l’affirmation. Au contraire, avec l’UDPM, la décentralisation fut conçue comme devant être progressive avec corrections des déviations, des erreurs, aux différentes étapes. Les modalités de son financement étaient déterminées par des textes de lois.
La section de Banamba venait d’être déclarée section pilote avec les succès remportés dans les domaines de la maîtrise de l’eau et du désenclavement. Il fut décidé que la décentralisation débuterait par le cercle de Banamba. Avec le déclenchement de la rébellion, la décision fut changée, la décentralisation débutera par la région de Kidal dont la création est prévue. Le chef de la délégation gouvernementale aux négociations de Tamanrasset, membre du Conseil National de l’UDPM, était en possession de ces informations. D’autre part, au sein de la délégation figuraient des cadres de département de l’Administration Territoriale et du Développement à la Base, maître d’œuvre du programme de décentralisation.
Les lignes qui suivent donnent des indications sur la politique de décentralisation telle que conçue par l’Union Démocratique du Peuple Malien.
Actuellement, la décentralisation est considérée comme une avancée majeure due à la IIIè République. A tort. Toute la documentation était déjà prête sous le régime de l’UDPM. Toutes les difficultés actuelles rencontrées dans la mise en œuvre de la décentralisation résultent de trois faits : la rupture avec ce qui avait déjà été conçu par des cadres au service, non d’un parti, mais de leur patrie, le fait d’attendre son financement de l’extérieur, la corruption des élus locaux.
Les balises d’une décentralisation réfléchie
Avec le souci d’inciter les populations à se prendre en charge, l’UDPM avait inspiré la mise en œuvre d’une politique originale de développement autocentré, celle des « initiatives de base » à travers ses structures (comités, sous-sections et sections), des associations et « tons » villageois. Le succès remporté dans ces domaines l’a encouragée à pousser vers un plus grand transfert des responsabilités vers les populations à travers les collectivités locales et régionales. Pour ce transfert, trois décisions importantes furent prises.
La première est une résolution de la IIIè session ordinaire du Conseil National (janvier 1983) qui, face aux difficultés économiques accentuées par la sécheresse, recommande de procéder à la décentralisation et au développement régional en s’appuyant sur des structures participatives que sont les Conseils et les Comités de développement.
La deuxième est l’organisation du séminaire de Gao sur la Planification décentralisée avec la remarque suivante : « La grande originalité du plan 1981-1985 sera de conduire le développement à partir d’actions décentralisées car leur conception et leur exécution dépendront des collectivités de base. Elles seront dites locales car elles s’exerceront principalement au niveau des villages ou des groupements de villages au bénéfices de leurs propres populations ».
Un mode de financement adéquat et diversifié !
Parmi les recommandations du séminaire, retiennent l’attention, les passages relatifs à l’organisation et au financement de la décentralisation : la révision des textes de création des Conseils et Comités de développement en vue de mieux représenter le Parti au sein de ses organismes, la fusion de la taxe de développement et des cotisations C.A.C., A.P.E., U.D.P.M.,et U.N.J.M., la création d’un Fonds de Développement Régional et Local (F.D.R.L.) alimenté par le produit de la fusion de ces taxes et cotisations.
Ce fonds était destiné à :
■soutenir la politique de décentralisation du gouvernement,
■simplifier et harmoniser les procédures administratives relatives au financement des projets de développement économique et social initiés à la base,
■aider à l’équilibre des budgets locaux et régionaux.
Avec l’institution de la TDRL, deux sortes de contribution, instituées par les régimes précédents, ont cessé d’être perçues à compter de janvier 1988 :
■la Taxe de Développement instituée par la Loi N° 60.31 AN-RM du 25 Juillet 1960 modifiée et complétée par l’Ordonnance N°6/CMLN du 5 Mars 191 ;
■les Cotisations connues sous la dénomination « cotisations ex SMDR » instituées par la Loi N° 60-8-AL-R.S. portant statuts des Sociétés Mutuelles de Développement Rural dans la République Soudanaise.
La troisième décision est la mise en œuvre de ces recommandations avec l’adoption de deux textes de loi relatifs au financement de la décentralisation : la loi n° 88-64/AN-RM du 15 Mars 1988 portant modification du code général des impôts et la loi n° 88-64 portant ouverture au budget de l’État d’un compte d’affectation spécial dénommé « Fonds de Développement Régional et Local » (FDRL). Le taux de la TDRL variait selon les régions. Il se situait entre :
■entre 1400 F et 2065 F dans la région de Kayes ;
■entre 1500 Fet 1750 F dans la région de Koulikoro ;
■entre 1750 F et 2600 F dans la région de Sikasso
■entre 1700 F et 1855 F dans la région de Ségou ;
■entre 1000 F et 1050 F dans la région de Gao.
Il était de :
■1 400 F sur l’étendue de la région de Mopti ;
■875 sur l’étendue de la région de Tombouctou ;
■3000 F dans le District de Bamako.
Le taux était annuel. Y étaient astreintes toutes personnes âgées de plus de 14 ans résidant au Mali dans l’année d’imposition ou y ayant fixé sa résidence dans la même période.
Ce sont là des indications autorisant à soutenir que l’acte de décentralisation ne date pas de la IIIè République. Tout avait déjà été prévu ; en particulier : les modalités, le financement et le calendrier.
Diaoulèn Karamoko Diarra