La théorie de la raison d’État est plus ou moins un principe au nom duquel les gouvernants s’autorisent à violer les normes juridiques au nom d’un critère supérieur, « l’intérêt absolu de sauvegarder l’Etat ». L’ambiguïté qui entoure l’idée de la raison d’État est très ancienne. L’expression s’est généralisée à la Renaissance, et fut développée par de nombreux auteurs comme Machiavel.
Mais ce concept, caractérisé par un flou définitionnel, et qui donne lieu à des pratiques très variées, est surtout invoqué par nos gouvernants africains pour justifier leurs actions même manifestement illégales et anticonstitutionnelles. ‘’La raison d’Etat’’ permet donc aux gouvernants de cacher leur fautes et faiblesses et voire même de les aggraver en trahissant le peuple pour lequel ils doivent leur pouvoir.
Aujourd’hui, la notion de raison d’État suscite des interrogations diverses, tant du point de vue sociale que juridique. En effet, l’invocation de la raison d’Etat par nos gouvernants est si manifeste et flagrant qu’il est perçu par certains comme une justification du pouvoir despotique, et par d’autres comme une transgression judiciaire nécessaire à la survie d’un gouvernement, donc d’un peuple.
Le concept est purement philosophique et s’oppose donc aux notions de droit et d’État de droit qui est le système institutionnel dans lequel la puissance publique est soumise au droit suivant le principe de la hiérarchie des normes. Alors que cette primauté du droit dans l’exercice des pouvoirs se trouve être très piétinée par ceux-là qui sont garants même des constitutions démocratiques.
Un regard critique jeté sur le droit positif permettrait d’établir que, loin de se restreindre aux rubriques généralement évoquées des actes de gouvernement ou des circonstances exceptionnelles définies dans les constitutions, la raison d’État ne subsisterait-elle pas dans l’ordre juridique sous des formes aussi variées qu’inattendues ? . Même si elle constitue une dérive de la théorie de la souveraineté de l’État, dans le sens où elle a souvent pour but d’assurer sa conservation et sa pérennité.
Daniel KOURIBA