Pilotage à vue de la transition : Le Mali sous la menace du godillot

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L’arrivée des militaires au pouvoir est à l’origine de tous les grands espoirs: refondation de l’État malien, répartition des richesses nationales de façon égalitaire, lutte contre la corruption et la délinquance financière, construction d’un nouveau de citoyen malien pour l’avènement d’un nouveau Mali, en rupture avec des démocrates prédateurs. Mais quelques mois après, les sauveurs se trouvent confrontés à des choix politiques et économiques qui creusent davantage le fossé entre les Maliens. Et face à cet échec cuisant, la  confiscation du pouvoir est au bout du fusil.

S’il y a un domaine dans lequel on peut se réjouir, c’est bel et bien celui de la lutte contre le terrorisme et le rétablissement de notre souveraineté sur l’ensemble du territoire national. L’armée malienne, malgré le complot intérieur (rôle joué par les démocrates dans la destruction de l’outil de défense et des ressources humaines) et extérieur (maintien de la France du Mali dans une situation de ni paix ni guerre) est en train de réaliser d’importantes victoires sur le supplétif (terroristes, djihadistes et narcotrafiquants) des armées impérialistes. Elle reste et demeure notre fierté pour la restauration de l’honneur et de la dignité du peuple malien, bafoués par une cohorte de pseudo- démocrates à la solde des forces occultes. Et honte aux détracteurs de l’armée malienne qui conduit savamment sa mission régalienne de sécurisation des personnes et de leurs biens. Aussi, note- t-on sur le plan diplomatique des succès satisfaisants avec la libération du Mali du carcan néocolonial français, le réchauffement des relations avec la Russie pour doter notre vaillante armée des moyens adéquats pour faire face à la guerre impérialiste confiée aux terroristes et aux autres malfaiteurs de tout acabit pour maintenir notre pays sous leur domination.

Mais sur les autres plans, c’est le surplace. Les lignes ne semblent pas bouger pour donner une lueur d’espoir au peuple malien, pressé de tourner la page de trente et un ans de pillage en bandes organisées des démocrates criminels. La raison ? Les autorités de la transition ont donné plus d’importance à la rhétorique qu’au travail pour une véritable sortie de crise. Les reformes dont le sort du Mali  a été lié pour organiser les Assises nationales de la refondation (ANR) dorment encore dans les tiroirs, hypothéquant le slogan Mali Koura dans lequel tous les citoyens maliens devaient être traités sur le même pied.

Le Mali rêvé aux calendes grecques

Sur le plan d’un changement de comportement, rien n’a été envisagé par les autorités de la transition pour qu’on abandonne les mauvaises pratiques qui menacent notre existence sur terre. Le Malien garde toujours le même reflexe d’un homme abandonné à lui-même. Il viole tout, en comptant sur les relations au plus haut sommet de l’État qui le libèrent des sanctions prévues par la loi. Le retard, l’absentéisme dans l’administration sont toujours en cours. Les ordures ménagères, les eaux des fosses septiques sont déversées dans la rue au vu et au su de tout le monde, les routes sont coupées pour des cérémonies de mariage obligeant les usagers à faire demi-tour. Bref, tout ce qui nuit à notre santé. Il prône le changement sans lequel le Mali Koura dont il rêve sera un mirage en se mettant au-dessus du lot. Il a en tête qu’il n’est pas concerné par le changement de comportement. C’est aux autres de faire ce travail de remise en cause et non lui. Très attendues sur ce plan, les autorités de la transition ont failli à leur mission de la fabrication d’un nouvel homme malien. Sans cela, tout est voué à l’échec.

Dans le domaine de la lutte contre la corruption et la délinquance financière, en dehors de certaines arrestations spectaculaires, les dossiers ne connaissent pas une évolution à souhait, créant le doute dans l’esprit des Maliens. Alors que ce point figurait en bonne place des revendications du Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP) contre la gouvernance du président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK). Là où les auteurs du coup d’État d’août 2020 sont en train d’échouer, les putschistes de la Guinée Conakry et du Burkina Faso marquent des points considérables pour répondre à l’appel de leur peuple.

En Guinée par exemple, une série d’arrestations est en cours contre les anciens dignitaires du régime Alpha Condé, soupçonnés de toucher à la chose publique. Et les anciens Premiers ministres qui avaient de façon frauduleuse acheté leur résidence de fonction ont appris à leurs dépens. Ils ont été expulsés de ces bâtisses, malgré le procès qu’ils ont intenté contre l’État guinéen. L’ancien président Condé, de retour, samedi dernier, de son séjour médical à Abu Dhabi, est appelé à répondre à la tuerie des militants de l’opposition qui manifestaient contre son troisième mandat.

Le secteur où le véritable changement devait venir a été pris en otage par le godillot. Les militaires en ont fait leur chasse gardée pour que rien ne change. Il s’agit des nominations dans l’administration publique. Tout a été violé pour nommer des femmes et des hommes acquis à leur cause. À commencer par la composition du Conseil national de transition (CNT). Elle reflète le népotisme, le copinage, l’affairisme au détriment des règles établies pour le bon choix des cadres capables et valables pour faire avancer le Mali. Et pour la formation du gouvernement, la Charte de la transition, qui fixait le nombre des ministres à vingt-cinq (25), a été violée. Il compte vingt-huit (28).

Pour ce qui est de l’administration générale, les nominations donnent de la nausée. On nous promet le Mali Kura avec des gens sans compétences et décriés depuis des années. Ils se changent de postes à responsabilité avec d’énormes avantages. Toutes les nominations sont sous contrôle des militaires qui tendent la perche à leurs parents dans la «mangecratie». Ce qui fait qu’aujourd’hui, notre administration tourne en rond. Les mêmes mauvaises pratiques demeurent aux dépens de la performance pour satisfaire les usagers. Leur souci: l’enrichissement personnel dans un laps de temps, c’est-à-dire d’ici la fin de la transition.

Et le pays est pris en otage par le silence sur le chronogramme de la transition. Trois (03) mois après la fin des ANR, les autorités ne semblent pas être pressées pour fixer la date de la durée de la transition, afin de mettre fin à cette situation d’exception. Ce retard ne profite qu’aux porteurs de godillot et à leurs soutiens qui ne souhaitent pas que la transition laisse la place à un président élu à l’issue d’un scrutin propre. Cela se comprend aisément dans la mesure où les tenants du pouvoir actuel ont gardé les mêmes avantages et privilèges du régime IBK, contrairement aux vœux du peuple malien qui voulait une réduction du train de vie de l’État et le blocage des prix de denrées de première nécessité.

Avec cette menace du godillot, la refondation de l’État malien, la répartition des richesses nationales de façon égalitaire, la lutte contre la corruption et la délinquance financière, la construction d’un nouveau de citoyen malien pour l’avènement d’un nouveau Mali, en rupture avec des démocrates prédateurs sont renvoyées aux calendes grecques. Et face à cet échec, la confiscation du pouvoir est au bout du fusil. Que Dieu nous en garde !

Yoro SOW

 

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