Il y a peu un peul et un forgeron, collaborateurs dans un service de chargement à l’aéroport international de Sénou se défiaient. Les témoins de la scène ne se sont pas marrés.
Rappelons que le cousinage à plaisanterie est l’un des nombreux rapports établis par certaines sociétés traditionnelles pour prévenir et réguler les tensions. Ces rapports dans lesquels tous les coups sont permis en matière de plaisanterie lient les grands parents aux petits enfants, les mariés à leurs beaux frères et belles sœurs, certains patronymes à d’autres, certaines ethnies à d’autres. Mais le cas qui nous concerne lie une ethnie (peul) à une couche socio professionnelle (forgeron). Il ne s’agit pas d’un rapport ordinaire, mais sacré à telle enseigne que le mariage était prohibé entre ces deux groupes d’hommes. Les rares mariages entre peuls et forgerons rencontrent encore beaucoup de résistances et doivent composer avec la malédiction des parents très attachés aux valeurs culturelles. Pour revenir à nos deux protagonistes, chacun ignorait tout de l’autre jusqu’à ce jour où tout commença par une petite dispute quand le forgeron lança le premier au peul : ” Es-tu un vrai peul ? “. Ce dernier atteint dans son orgueil se déchaussa aussitôt, prit sa paire de chaussure, cogna l’une contre l’autre et comme dans un film chinois, se mit à recueillir du lait qui s’en dégageait.
L’événement était si inattendu et si insolite que l’assistance en perdra sa langue. Mais c’était sans la moindre idée de ce qui allait s’en suivre. En effet, après avoir réussi son épreuve avec félicitation du jury ad hoc, le peul à son tour mit le forgeron au défi de prouver qu\’il est un vrai. Le spectacle auquel l’assistance eut droit est digne d’un maître ès art occulte. D’un trait, il plongea la main dans les braises ardentes d’un fourneau qui servait à faire du thé et ajouta que si un seul ongle ou un seul poil se brûlait, il irait demander des comptes à ses parents. Ainsi dit, ainsi fait. De cet événement, il y a beaucoup d’enseignements. Le premier, c’est la survivance de nos valeurs, de notre science. Le deuxième, une leçon de morale ainsi que le suggère le grand philosophe allemand Emmanuel Kant : “Traite toujours l’autre à travers ta personne, toujours comme une fin jamais comme un moyen”. L’apparence est souvent trompeuse. Peu importe si un individu est habillé en haillons, s’il est crasseux, il doit toujours être traité avec respect et honneur. Autrement, la leçon s’apprend dans la douleur.
B. SANOGO